En attendant la nomination du nouveau gouvernement,comment se présente la situation économique et sociale du pays ?

Par Abdeslam Seddiki

C’est dans quelques jours que le nouveau gouvernement se mettra aux commandes. Une fois nommé par SM Le Roi comme le stipule la constitution, il se présentera devant le parlement, sur la base d’un programme couvrant  les cinq prochaines années, en vue d’obtenir la confiance de la Chambre des Représentants.  Etape ultime vers sa prise de fonction effective.  Espérons que ce passage devant le parlement ne sera pas une simple formalité institutionnelle, mais plutôt un moment privilégié pour un  débat  franc et  démocratique sur les principales orientations du gouvernement et les choix qu’il aura arrêtés pour les années  à venir.  Un programme c’est un ensemble d’objectifs  à atteindre et des moyens à mobiliser pour y parvenir. On mesurera par conséquent, à ce premier niveau, le degré d’adéquation entre les fins et les  moyens, comme on mesurera la conformité des objectifs fixés avec les engagements  et les « promesses » annoncés dans les programmes électoraux  des  trois partis de la coalition.  C’est une occasion de voir à l’œuvre,  pour la première fois,   majorité et opposition dans leurs rôles respectifs. La démocratie se nourrit, on ne le dira jamais assez,  d’une majorité  qui  soutient et  présente des conseils  et d’une opposition  qui  critique, argumente et propose l’alternative.  L’intérêt national doit prévaloir dans tous les cas.

Il faut souligner que le nouveau  gouvernement prendra ses fonctions dans une conjoncture relativement favorable.  Outre le fait que les indicateurs relatifs à la pandémie covid-19, se soient améliorés, ce dont il faut se réjouir tout en poursuivant l’effort et le respect des mesures  préventives,  les indicateurs macro-économiques et sectoriels  connaissent à leur tour une embellie encourageante.  Comme on peut le constater dans  la  note de conjoncture publiée par la direction des études et des prévisions financières relevant  du Ministère de l’Economie  et des Finances de septembre 2021  et les données émanant  du HCP.  Ainsi, au niveau sectoriel,   tous les  indicateurs sont  au vert à l’exception   du tourisme et du transport. Ces résultats  sont dus, outre  les conditions climatiques favorables, à la reprise économique chez nos principaux partenaires et  aux effets du plan de relance  à l’œuvre.

Rappelons brièvement  quelques chiffres  : une campagne agricole exceptionnelle de 103,4 M qtx ; à fin juillet  2021, le chiffre d’affaires à l’export du groupe OCP s’est raffermi de 30,3% à 35,5 milliards de dirhams ; les ventes de ciment, principal baromètre de l’activité du secteur du BTP, se sont redressées de +31,1% en août 2021 ; le volume des transactions dans le secteur immobilier s’est accru de 220,5% au titre du deuxième trimestre 2021 ; les industries de  transformation ont dégagé à la fin du deuxième trimestre des taux d’accroissement  proches de100% pour certaines branches . 

Cette dynamique a marqué également   le commerce extérieur et l’investissement.  Ainsi, les exportations,  portées par les ventes automobiles  et des  phosphates, ont   cru en valeur de 23,2% conjointement à une évolution de 21 % pour les importations dont une bonne part  est  constituée par les biens d’équipement, mais aussi, et c’est un point négatif de la facture énergétique.  Toutefois   et nonobstant une  légère amélioration du taux  de couverture de1,1 point pour se situer à 59,8%, le  déficit commercial  s’est aggravé de 17,9% pour atteindre 117,4 milliards de dirhams. Pour ce qui  est de l’investissement, il se serait amélioré à la lumière de la poursuite du redressement des importations des biens d’équipement (+13,3% à fin juillet 2021), de la hausse des recettes des IDE (+10,5% à fin juillet 2021) et de la reprise de l’investissement budgétaire (+5,4% à fin août 2021). Une bonne partie de ces investissements sont des investissements  de création. Preuve ?  46.811 entreprises ont été créées durant le premier semestre 2021, soit une augmentation de 87% par rapport à la même période de 2020. Bien sûr, il faut analyser   ce chiffre  en parallèle avec le nombre d’entreprises qui ont fait faillite !

Il convient également de souligner la performance des transferts des MRE  qui ont atteint   à fin juillet 2021 plus de  54 milliards de dirhams enregistrant  une hausse de 45,6%. En revanche, les recettes voyages, se sont repliées de 42,8% pour se situer à 13 milliards de dirhams. Ainsi, ces deux postes n’ont permis de couvrir que 57,1% du déficit commercial contre 60,2% un an auparavant.

Côté finances publiques,  les recettes ordinaires de l’Etat ont évolué conformément aux prévisions  de la loi de finances 2021. Au total, l’évolution des recettes et des dépenses ordinaires à fin août 2021 a dégagé un solde ordinaire négatif de 10,7 milliards de dirhams contre 15,8 milliards l’année précédente, soit une atténuation de 32,2%. On aura, à la fin de l’année, une baisse certaine du déficit budgétaire.

Endéfinitive, le besoin de financement du Trésor s’est établi à 61,9 milliards de dirhams, en hausse de 28,5%. Pour combler ce besoin, et compte tenu d’un flux net extérieur positif d’environ 3 milliards de dirhams, le Trésor a eu recours au financement intérieur pour un flux net de près de 59 milliards de dirhams.

Nous sommes rentrés dans une phase de dépassement de la crise. Mais rien n’est encore définitif. Même en réalisant un taux de croissance de près de 5%, le pays ne retrouvera pas son niveau de richesse de 2019. Du reste, les  fragilités sociales relevées au grand jour par la crise pandémique, sont encore présentes et interpellent fortement le nouveau  gouvernement.  Il faut faire vite car les problèmes risquent de s’aggraver sous l’effet de la spirale des hausses des prix conduisant à l’érosion du pouvoir d’achat. Aussi, il convient d’être attentif à l’explosion des prix que connaissent les matières premières au niveau mondial et notamment le pétrole, le gaz  et les matériaux de construction. C’est un risque qui menace de tuer dans l’œuf les premiers signes de la reprise.

 En somme,  le  futur gouvernement aura du pain sur la planche. Il est appelé à agir vite  tout en procédant à  un état des lieux pour disposer d’une radioscopie aussi  claire que possible.  C’est une exigence méthodologique  incontournable pour mesurer,  par la suite,  les progrès accomplis dans tel ou tel domaine et évaluer les politiques publiques sur des bases saines, « pour rendre  à César ce qui appartient à César,  et  à Dieu ce qui est à Dieu ». Un tel exercice  ne fera que conférer  plus de crédibilité à l’action gouvernementale telle qu’elle  doit être conduite dans la  transparence   et dans le respect de la volonté des citoyens qui ont droit à une information  pertinente et régulière.

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