Rien n’est laissé au hasard dans cette course éperdue contre la montre. Les armées de terre, de l’air outre la marine algérienne bénéficient d’un intérêt marqué pour le renouvellement de leur panoplie guerrière. Chars d’assaut, chasseurs bombardiers à grand rayon d’action, sous-marins et frégates complètent l’arsenal «nouvelle génération» de l’armée algérienne. Ce tout offensif étant couplé, bien sûr, à des systèmes de protection «High tech» allant de la couverture radar à un système de défense intégré reposant sur les missiles.
Les observateurs de la chose algérienne s’étonnent de l’importance des contrats d’armement qui cumulent, depuis ces derniers temps, des dizaines de milliards de dollars. Au Maghreb, la stupéfaction est de mise au vu des impératifs sécuritaires développés par les états-majors algériens politico-militaires. Car si la sécurité et la stabilité de l’Algérie est une condition incontournable pour la stabilité de l’ensemble régional, il n’en reste pas moins que les défis éminemment sécuritaires ne légitiment en rien cet accès de fièvre qui ne profite, en définitive, qu’aux marchands de canons et aux bénéficiaires bien compris des commissions occultes. Même la lutte contre le terrorisme, et l’Algérie a fort à faire avec la BAQMI, ne permet pas d’apporter d’éclairages suffisamment convaincants quant à la dérive dépensière que l’armée algérienne opère. Quand bien même les généraux algériens peuvent raisonner en termes de développement de la capacité de projection de l’armée en dehors des frontières qu’elle est censée protéger. La sphère sahélo-saharienne où les risques d’instabilité peuvent bénéficier au terrorisme islamiste ne légitimant point une telle boulimie en matériel militaire performant.
Assiste-t-on à une nouvelle doctrine militaire algérienne qui expliquerait la multiplication des contrats d’armement et, partant, légitimerait un tel branle-bas de combat qui ne dit pas son nom? Bien sûr que le monde est caractérisé par une instabilité certaine. Mais cette instabilité est nourrie, essentiellement, par des tensions asymétriques. D’ailleurs, en intégrant la sphère atlantique, et les manœuvres conjointes l’attestent, les généraux algériens n’ignorent pas les véritables périls qui risquent de peser sur l’aire méditerranéenne et, partant, sur son extension sud-atlantique. Plus que les conflits ouverts entre Etats, le véritable ennemi reste lié à la capacité de la nébuleuse islamiste à porter des coups sévères là où la stabilité des systèmes politiques se révèle des plus aléatoires. Ce qui redonne au véritable combat une autre dimension plus politique que militaire, la démocratie étant le meilleur paravent contre les risques d’instabilité qui se profilent à l’horizon. Voilà une lapalissade. Que le pouvoir algérien semble bien ignorer en accélérant ses programmes militaires offensifs. Programmes qui résonnent autrement dans bien des capitales méditerranéennes qui y voient une réelle menace. Et Madrid ne cache pas ses inquiétudes à ce sujet. Cela sans parler des pays du Sahel où la course aux matières premières met en compétition des puissances extrarégionales.
Face à tous ces constats, les grandes lignes de la doctrine militaire algérienne restent marquées d’un réel flou artistique. A moins que la construction maghrébine exigerait des «revanchards» une frappe préventive contre le Maroc qui représente une réelle gêne pour un leadership garanti à l’échelle régionale pour l’Algérie. Mais un Maroc affaibli représenterait-il un atout réel pour l’Algérie ? Que les stratèges du Palais Al Mouradiya nous permettent d’en douter fortement. La stabilité de l’Algérie reste intimement liée à celle du Maroc et vice versa. Seuls les aveugles passeront à côté d’une réalité que la géographie dicte.