C’est une sortie médiatique des plus remarquées qu’ont réalisé les représentants des 3 principales banques marocaines implantées en Afrique. Car il faut dire que les spéculations autour de la dévaluation du Franc CFA ne laissent pas indifférents les opérateurs marocains.
Ainsi, BMCE Bank of Africa, Attijariwafa Bank et BCP se sont clairement prononcées concernant le risque de change en cas de dévaluation du Franc CFA (FCFA). Selon Standard & Poor’s le Congo, le Gabon et le Togo seraient les plus exposées; une dévaluation du Franc CFA aura un impact en minorant les dividendes qui remontent aux maisons mères.
Brahim Benjelloun Touimi, administrateur directeur général du groupe BMCE Bank of Africa, président de BOA, explique que la diversification de BMCE Bank of Africa dans une trentaine de pays dans le monde, dont une vingtaine en Afrique lui permet de diversifier son risque de change. La région UEMOA demeure l’un des principaux moteurs de la croissance en Afrique grâce au Franc CFA qui est rattaché à l’euro, et aussi parce que le régime de change du dirham a surpondéré cette monnaie européenne dans le panier de référence de la devise nationale. « Nous sommes confortés dans nos prévisions d’une relative stabilité des changes», ajoute-il.
Ismail Douiri, directeur général du groupe Attijariwafa bank, précise concernant la position de la banque en question : «à ce stade de nos processus budgétaires, les perspectives de croissance de nos filiales dans ces zones en monnaie locale devraient générer de la croissance bénéficiaire en dirhams dans nos comptes consolidés, y compris s’il devait y avoir des mouvements défavorables du taux de change».
Pour ce qui est de la BCP, la position est encore plus tranchée. «Nous n’anticipons pas de mouvement significatif sur cette devise. Bien entendu, il est important de continuer à suivre globalement le contexte macroéconomique dans cette zone, et particulièrement les politiques économiques menées dans les différents pays», explique Kamal Mokdad, directeur général de la Banque de l’international.
Les trois banques semblent confiantes concernant l’évolution du Franc CFA. «Les éventuelles spéculations sur la baisse de sa monnaie ne seraient pas, à notre sens, cohérentes avec les fondamentaux économiques de cette zone. En termes d’investissement et de partenariats en Afrique de l’Ouest, notre groupe a toujours adopté une vision sur le long terme, et reste confiant quant aux potentialités significatives de ces économies», explique Kamal Mokdad.
Ismail Douiri, quant à lui, ajoute un autre prisme à son analyse : «Lorsqu’il y a dévaluation, pourvu que l’investissement soit suffisamment ancien, la création de valeur qui a déjà eu lieu avant la dévaluation (matérialisée par des dividendes encaissés ou des reports à nouveau bénéficiaires) compense la diminution de valeur compte sur le coût d’acquisition initial et peut ne pas avoir d’effet comptable négatif».
Toutefois les banques marocaines admettent tout de même prendre leurs précautions. Pour la BMCE Bank of Africa, «nos spécialistes en charge de la gestion actif-passif, en intelligence avec leurs collègues des salles de marchés, œuvrent de concert pour intégrer le risque de change dans la gestion quotidienne et structurelle des positions de notre bilan», précise Brahim Benjelloun Touimi. Pour ce qui est d’Attijariwafa Bank, «les comptes de nos filiales sont en monnaie locale et leurs bilans très marginalement exposés au risque de change. Donc, une fois ces budgets arrêtés, la seule incertitude concerne l’impact sur les comptes consolidés et les dividendes à rapatrier, dans les deux cas, comptabilisés en DH», ajoute Ismail Douiri. Ceci dit, « le risque de dévaluation du Franc CFA demeure un risque «subi» vu l’absence de mécanismes de couverture spécifiques dans les zones Uemoa ou Cemac (Ex: Cross Currency Swap). Les investisseurs marocains ou étrangers sont, donc, confrontés à la même problématique », conclut pour sa part Kamal Mokdad.
Soumayya Douieb