L’Atlas, porteur de notre âme

Point de vue

Par Jamal Eddine Naji

Notre pays, le Maroc (« le coucher »), meurtri par le séisme du 8 Septembre 2023, pouvait très bien s’appeler : l’Atlas (« Titan porteur du globe céleste » -ou du cosmos- pour l’éternité, selon la mythologie grecque). Nos trois chaînes de l’Atlas portent, en fait, notre âme, toute notre âme, notre cosmogonie de Marocains et Marocaines. Comme peuple singulier, à l’Identité si particulière de par sa géographie, sa géologie, sa longue histoire humaine et socio-politique, sa diversité culturelle, linguistique et patrimoniale…

Peuple dont l’âme, ouverte à toutes les intelligences du monde, nourrit, depuis des siècles, l’ambition de féconder et de partager tous les apports de l’humanité qui le visitent ou le traversent, en tant que peuple d’un espace ouvert au monde, sans complexe, ni soumission. Avec ce génie collectif de veiller à équilibrer et à harmoniser entre ses diverses populations, contrées et reliefs, sans enclavements ou isolements systématiques, si périlleux pour la cohésion et pour l’âme de ce peuple. Or, en vacillant dans la nuit du 8 Septembre 2023, l’Atlas a vu se dévoiler sous ses pieds, sur les flancs des sommets et dans les étroites vallées et corridors de rocaille, des poches d’enclavements cachées, des communautés isolées, de vieilles souffrances, des inégalités et altérités, silencieuses ou oubliées depuis bien longtemps ! Des blessures et fissures, bien ouvertes, dans les destins et les âmes d’hommes, de femmes et d’enfants et dont témoignent, à charge, contre la nation entière, les pierres et les murs, les routes et les pistes, les puits et les rivières, les hameaux sans lumière, les champs et les forêts, la faune et la flore, l’Homme et l’animal…  Cette nuit-là, l’Atlas a titubé au point qu’on a craint, dans les plaines et sur les côtes, qu’il laisse choir définitivement notre…pays…notre monde !

Tout notre monde nous vient, à l’origine, de l’Atlas. Nos formes d’organisation locale, la culture de la solidarité, l’agriculture traditionnelle et écologique, la culture pastorale, la culture des herbes médicinales, la gestion collective de l’eau, du stockage des grains, l’art culinaire, le tissage, le chant et la danse, le tatouage et le maquillage naturel, l’adaptation du gite, du couvert et de l’habit à la neige, au froid, à la chaleur…Les traditions et épopées guerrières contre les envahisseurs étrangers jusqu’au milieu des années 30 du siècle dernier…Sans oublier le tourisme (toutes ses formes) les sports de randonnées, de rallyes, d’alpinisme… et bien sûr, les trésors enfouis dans l’Atlas : les mines et  les sites archéologiques qui nous apprennent toujours sur notre histoire et sur nos origines, voire sur celles de notre espèce humaine. On doit tout cela et plus à l’Atlas.

Pas anodin que nos jeunes vibrent au mot Atlas trônant sur « ses » lions…

L’Atlas est au cœur de notre âme comme habitants de cette terre bercée entre montagnes et mers. L’Atlas nous a forgé en tout. Tout nous vient de l’Atlas. Vivons le Maroc en travaillant sans relâche la source de l’âme de notre peuple : l’Atlas.

Au lendemain du coup de semonce du 8.9.23, Il n’y a plus d’excuse qui soit acceptable pour que nos vulnérables et si patients concitoyens et concitoyennes, qui peuplent et gardent en vie et attrayantes nos chaines de l’Atlas, restent enclavés, enchaînés aux boulets du passé, lointain ou proche, et aux chaînes des déficits de moult activités et légitimes ambitions que les fils et filles de l’Atlas ont le droit de revendiquer aujourd’hui avant demain. Au même titre que leurs concitoyens et concitoyennes des plaines et des côtes. Comme il l’a été pour notre identification dans le passé (depuis la mythologie grecque), faisons de l’Atlas notre marque de fabrique, rayonnante de progrès pour le futur, pour l’éternité… dès aujourd’hui.

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