A 3 heures du matin, ce 1er Septembre 1969, une douzaine d’officiers «libres», inspirés par Jamal Abdennasser, profitant de la nuit et, surtout, de l’absence du vieux monarque Idriss Essnoussi, en vacances à Bursa en Turquie, assiégèrent le palais royal, le quartier général du commandement militaire ainsi que les bâtiments de la sécurité générale et de la radiodiffusion puis arrêtèrent, sans effusion de sang et sans rencontrer de résistance, le Prince héritier Hassan Réda et quelques personnalités proches du régime.
Au matin, les libyens furent réveillés au son de la musique militaire alors que des chars d’assaut sillonnaient la capitale et vers 10h le communiqué ci-après fut diffusé par la radio nationale.
«Aujourd’hui s’est réalisé votre rêve socialiste, votre rêve de liberté et d’union. Donnez votre appui total à la révolution issue de votre terre grâce à vos fils et à votre armée, l’armée du peuple libyen. Peuple libyen, nous nous sommes révoltés pour votre honneur, pour que vous repreniez votre patrie usurpée. Nous nous sommes révoltés pour hisser haut l’étendard arabe. Relève la tête, frère libyen, et donne ton appui total, marche avec le cortège de la révolution victorieuse ! Vive la révolution ! Vive le peuple libyen fier !».
Les chancelleries du monde entier furent prises de court notamment quand, peu de temps après la diffusion de ce communiqué, le Prince héritier abdique de manière officielle et demande aux libyens de suivre «la nouvelle autorité issue du coup d’Etat».
L’éviction du vieux monarque libyen a été si rapide que les chancelleries occidentales, Etats-Unis et Royaume-Uni notamment, d’habitude promptes à réagir hésitèrent sur l’attitude à adopter et ce, d’autant plus que ce pays aiguise bien des appétits, d’une part, du fait de ses importantes réserves en pétrole et, d’autre part, à cause des bases militaires stratégiques que l’ancien monarque mettait gracieusement à leur disposition.
Profitant de ce climat d’attentisme pour asseoir son autorité, ce n’est que le 8 Septembre 1969, que l’instigateur principal du coup d’Etat et chef de la nouvelle république libyenne, un fringuant colonel de 27 ans montra son visage au monde entier ; il avait pour nom Mouammar Kadhafi.
Mais le nouvel homme fort de Libye va immédiatement se placer dans la ligne de mire des chancelleries occidentales lorsqu’il décida de chasser les troupes étrangères stationnées dans les bases de son pays, de «défendre les déshérités du monde entier» puis de mettre progressivement en place une politique pan-arabe de «non-alignement» avant d’offrir au monde son fameux «Livre Vert» qui se veut être un guide pour la «révolution des masses».
Pour illustrer le panarabisme qu’il défend, le colonel Kadhafi va pousser à la création, par la Libye, l’Egypte et la Syrie, d’une «Union des Républiques Arabes», une union de très courte durée pour ne pas dire étouffée dans l’œuf avant de prôner, dans les années 200o, une idéologie pan-africaniste aidant, à tour de bras et à coup de milliards de pétro-dollars, les régimes africains qui se démènent dans la misère. Ce faisant, Kadhafi va se mettre à dos aussi bien les pays occidentaux que ses pairs arabes.
D’ailleurs, l’hostilité que Kadhafi et les chancelleries occidentales se vouaient mutuellement va connaître son point d’orgue lorsque l’armée américaine va bombarder Tripoli en 1986 puis, quand, profitant du «Printemps Arabe», les troupes de l’OTAN vont intervenir pour le mettre «hors d’état de nuire» une fois pour toutes.
Nabil Bousaadi