Le cinéma brille…le cinéma s’éteint !…

A quelques jours de la 13e édition du festival du cinéma et migration d’Agadir, on est encore une fois, tenté d’encenser cette persévérance du cinéma/action, mais de déplorer cette absence du cinéma/bâtisse.

En fait, depuis déjà des années, Agadir, l’une des plus grandes baies du monde, manque de salle agréable au niveau de l’ambition de nombre de jeunes cinéphiles qui s’acharnent à maintenir cette activité, en dépit des contraintes. On saluera, dans ce sens, la constance de ce festival thématique qui s’ingénie, contre vents et marées à doter la capitale du Souss de cet événement annuel, drainant une panoplie d’artistes et des mordus du grand écran, aussi bien nationaux qu’étrangers.

Les festivals de cinéma se poursuivent dans le Royaume. Celui de Marrakech, de par les moyens colossaux qu’on lui injecte est bien au dessus du lot. D’autres brillent par leur aspect thématique, à Salé, Tanger, Khouribga, Tétouan, Agadir… Tous trouvent un cinéma où passer leur festival de cinéma. Sauf la première station balnéaire du pays qui abrite un thème attractif, mais trouve toutes les peines du monde à tenir ce rendez-vous de choix.

Durant quatre jours d’affilée, les festivaliers et les grandes foules vivront, à coup sûr, des moments de haute intensité à la fois émotive et instructive. De par son caractère convivial et festif, cette tradition tisse constamment les fils de partage et de communion entre une flopée d’artistes jeunes et une pléthore de visiteurs de la cité et sa banlieue. Les multiples séquences que vivent les compatriotes dans les pays d’accueil font émerger des sentiments aussi bien de compassion et de révolte, au creux du contexte migratoire, ardemment dilemmatique. A la fois passionnel et passionnant, le menu proposé dont une partie relève d’un registre caricatural ne manquera pas de hardiesse et d’ardeur, crânement entrepris par des jeunes talents, en pleine aventure artistique.

La manifestation sera pareillement caractérisée  par la diversité des volets mis en avant, joignant l’utile à l’agréable. En effet, outre les projections de films long au court et documentaire, ce rendez-vous de taille aura le mérite d’étendre savamment l’éventail de l’offre pour mettre à contribution une série de rencontres à caractère idéel et scientifique autour de l’industrie du cinéma et ses messages, à travers des conférences qui seront animées par d’éminents experts en la matière, des professionnels, des chercheurs.

Comme à l’accoutumée, le festival d’Agadir Cinéma et Migrations conviera une multitude de stars marocaines qui ont donné, encore une fois, à ce rassemblement, une note d’intimité avec les fans qu’ils ne cessent de côtoyer et choyer. Il est bien clair que, au-delà des programmes variés et attractifs que l’association Al Mobadara, organisatrice de cet événement annuel, a bien eu le soin de mettre sur pieds, le festival se distingue, chaque année, par cette sorte complicité émotionnelle qui unit les vedettes de cinéma marocain et leurs fans. Cependant, après la disparition du cinéma Salam, c’est le tour désormais du cinéma Rialto qui a fermé, il y a quelques temps. Deux monuments culturels historiques qui ont fait vivre aux générations des moments pathétiques avec les géants du cinéma mondial.

Cinéma Rialto était non seulement un havre de projection cinématographique, mais également un âtre soyeux de débats sereins des chefs d’œuvre lors des séances de ciné clubs, de meetings politiques et de prestations théâtrale et musicale. On peut toujours comprendre l’état désastreux dans lequel se trouve une bonne partie de nos cinémas, du fait, justement, que les gens ne vont plus au cinéma et ont sûrement perdu cette fameuse maxime «qui aime la vie, va au cinéma».

Devant cet abandon, les propriétaires vivotant, se trouvent dans l’obligation de fermer boutique et d’aller voir ailleurs, où le foncier devient alléchant. De même, il faut bien dire que ces mêmes gens, contaminés par les mutations profondes du commerce et l’urbanisme, ne cherchent plus à investir dans le cinéma qu’ils ne déploient aucun effort pour restaurer et rénover son local transformé en taudis piteux. Cependant, il serait incivique de sacrifier un patrimoine culturel et sociétal qui appartient, dorénavant, à toute une conscience collective. C’est le cas du cinéma Salam qui gît toujours tel un pachyderme éventré et, maintenant qui tire sa révérence au grand dam des populations. Un débat profond auquel sont conviés les institutionnels, les élus, la société civile, les professionnels…pour sortir la ville du marasme de cette privation déconcertante.

Saoudi El Amalki

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