Depuis déjà belle lurette, on ne cesse de s’identifier à la modernité. Le Maroc, est-il vraiment une nation moderniste ? Ou alors, le conservatisme démesuré n’a de cesse de prendre intensément le dessus ! Le contraste est d’autant plus criant qu’il s’affronte à de forts amalgames, dans le vécu quotidien.
Dans la foulée, notre pays a adopté, après cumulations de rudes et laborieuses actions, la plus étoffée des constitutions de son histoire. Certes, nombre de zones d’ombre constituent constamment des fausses notes, dans un document résolument tourné vers l’instauration des principes des libertés. Malgré cette singularité constitutionnelle, des archaïsmes aigus continuent à sévir dans une société effervescente, en particulier ce fameux article 490 du code pénal, relatif à «l’incitation à la débauche», vivement contesté par les forces progressistes.
En fait, la mise en application de cette disposition surannée relève d’une grosse aberration. On confondra sans scrupule les pratiques malsaines des pervers au sujet desquelles la loi est répressive et les libertés individuelles, bafouées au grand jour, au nom de ladite «loi». On ne comprendra jamais pourquoi, au 21e siècle, on mène toujours une chasse sans merci aux jeunes (hommes et femmes), se trouvant seuls, sans liaison conjugale. Dans ce sens, si jamais la police surprend un jeune homme en compagnie d’une jeune fille, après une pluie d’interrogatoires, ce serait, enfin, la plus belle aubaine qu’on puisse avoir, ponctué souvent par un acte corruptif.
A ce propos, on ne peut non plus se permettre de partager une même chambre à l’hôtel, alors que deux gens du même sexe peuvent le faire, même si, éventuellement, ils pourraient être des homosexuels. Abdalilah Benkirane, leader du parti islamiste PJD, lui-même, avait tonné un jour,à l’hémicycle :«Je ne pourrai jamais me substituer au gendarme de la société, passant mon temps à poursuivre les jeunes dans leur vie privée». En fait, ces jeunes qui, de nos jours, s’attardent à poursuivre leurs études et ne peuvent, en conséquence, se permettre un lien légal, comment peuvent-ils satisfaire un besoin des plus naturels, la trentaine passée, sans être «traumatisés» par de mauvaises surprises ?
Pis encore, on notera non sans indignation, que sur des façades de lotissements, les syndics ont le culot de transcrire «réservé aux familles !», tout en chargeant le concierge d’interdire à quiconque d’y accéder, sous quelque prétexte que ce soit, au lieu de vaquer à des tâches domestiques (gardiennage, jardinage, stationnement…). De quel droit se permet-on de se comporter de la sorte ? Inutile de rappeler que ces unités de logements sont, pour la plupart, «infestés», généralement, par des « barbus » qu’ils transforment en ghettos générateurs de voix électorales.
Il y a lieu, en revanche, de constater que le projet «d’habitat réservé aux jeunes», initié par Nabil Benabdallah, dans le cadre de la politique de la ville, conforterait le calvaire des célibataires, même si la conduite des enclos pour familles est blâmable. Le principe des libertés est alors quotidiennement piétiné, sans que personne, particulièrement les partisans de la modernité et du progrès, ne pipe mot, face à ces transgressions. Du pain sur la planche pour préserver ces libertés, dans une nation qui se veut, du moins sur papier, adepte du modernisme.
Saoudi El Amalki