Journée mondiale de lutte contre la tuberculose 2025
Ouardirhi Abdelaziz
A l’instar des autre pays de la planète, le Maroc célèbre le 24 mars de chaque année, la Journée mondiale de lutte contre la tuberculose pour faire mieux connaître au grand public les terribles conséquences sanitaires, sociales et économiques de cette maladie et pour que de plus grands efforts soient consentis afin de mettre fin à l’épidémie mondiale de tuberculose.
Mettre un terme à l’épidémie de tuberculose d’ici à 2030 figure parmi les cibles pour la santé des objectifs de développement durable des Nations Unies. Qu’en est-il au Maroc ?
Le thème retenu pour la célébration de la journée mondiale de lutte contre la tuberculose pour l’année 2025 est « Oui ! Nous pouvons mettre fin à la tuberculose : s’engager, investir, agir ». Il offre l’occasion de réfléchir aux efforts en cours et d’encourager un engagement plus fort aux niveaux local, national et international pour mettre fin à la tuberculose, notamment en luttant contre la menace croissante de la tuberculose pharmacorésistante.
Le paradoxe avec cette très ancienne maladie, c’est que malgré les grande avancées de la médecine, les innovations thérapeutiques, et le fait qu’on puisse aujourd’hui prévenir et guérir la tuberculose, elle demeure l’une des maladies infectieuses les plus courantes et mortelles au monde.On est donc loin des engagements ambitieux pour mettre fin à la tuberculose d’ici 2030, mais tous les espoirs sont permis.
Mettre fin à la tuberculose d’ici 2030
Le ministère de la Santé et de la protection sociale conscient des enjeux sanitaires, socio-économiques que représente la tuberculose, a saisi l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre la tuberculose, pour organiser une réunion virtuelle, qui a rassemblé un groupe d’acteurs investis dans le domaine de la santé publique.
Plusieurs médecins, ainsi que des représentants institutionnels et des collaborateurs internationaux ont fait le point sur la Tuberculise et ont exposé les nouvelles orientations et directives du Maroc pour éradiquer ce fléau qui, malgré les avancées scientifiques, demeure vivace, immuable et ne semble pas lâcher prise.
Le docteur Mohammed Youbi, chef de la Direction de l’Épidémiologie et de la Lutte contre les Maladies (DELM), a ouvert cette rencontre mettant en évidence l’importance du défi à relever.
S’agissant de l’éradication de la tuberculose au Maroc, le docteur Mohammed Youbi a rappelé qu’un tel objectif requiert une organisation rigoureuse, des ressources renforcées et un engagement soutenu.
Pour sa part Madame Maryam Bigdeli, représentante de l’Organisation mondiale de la santé au Maroc, celle-ci a souligné que cette ambition qui vise l’éradication de la tuberculose au Maroc, ne sera réalisable qu’à travers la participation collective des autorités gouvernementales, du secteur public, du secteur privé et de la société civile. Madame Maryam Bigdeli ( OMS Maroc) estime qu’un effort collectif est le seul moyen de faire pencher la balance.
D’autres intervenants ont pris la parole apportant leur expertise et longue expérience dans la lutte contre la tuberculose, c’est notamment le cas du Pr Hicham Afīf, directeur du CHU Ibn Rochd, et le Docteur Driss Daoudi, épidémiologiste au ministère de la Santé, qui ont fourni des perspectives sur l’état actuel de la situation et les obstacles à surmonter.
Etat des lieux au niveau mondial
Au niveau mondial, la tuberculose demeure une maladie infectieuse redoutable et mortelle. Selon les estimations, 10,6 millions de personnes ont développé la tuberculose dans le monde en 2022. Cela concerne 5,8 millions d’hommes, 3,5 millions de femmes et 1,3 million d’enfants. La tuberculose est présente dans tous les pays et toutes les tranches d’âge.
Chaque jour, près de 3560 personnes perdent la vie à cause de la tuberculose. Au total, 1,3 million de personnes sont mortes de la tuberculose en 2022.
Selon les estimations, les efforts mondiaux pour combattre la tuberculose ont permis de sauver 75 millions de vies depuis l’an 2000.
Mais, il faut insister sur le fait que la tuberculose reste l’une des maladies infectieuses qui entraînent le plus de décès dans le monde.
Chaque jour, près de 3425 personnes meurent de la tuberculose et près de 30 000 personnes tombent malades à cause de cette maladie que l’on peut prévenir et guérir.
Au Maroc, des chiffres qui questionnent
En 2023, près de 35.000 cas étaient recensés, soit un taux de 92 pour 100.000 habitants.
59 % des cas de tuberculose toutes formes notifiés sont âgés entre 15 et 44 ans, alors que 7, 8 % sont âgés de moins de 15 ans. En outre, 59, 5 % sont des hommes et 40, 5 % sont des femmes.
La localisation pulmonaire représenté 97, 3 % des cas notifiés.
Le tubercule cause neuf décès par jour au Maroc.
Ces chiffres sont très parlant, ils questionnent sur la situation alarmante de la tuberculose qui loin de régresser, montre plutôt une stabilisation, et ce malgré tous les moyens qui sont consentis, les forts déployés, les campagnes de sensibilisation, les programmes de dépistage, les ressources financières, les moyens humains que le Maroc consacre à la lutte contre la tuberculose, qui ne saurait être une maladie que l’on élimine uniquement avec des anti bacillaires.
Il faut absolument agir sur les déterminants sociaux de la santé si nous voulons éradiquer la tuberculise et ne pas axer uniquement, exclusivement nos actions sur le volet curatif, il y a les actions préventives et les actions sociales qui sont très importantes.
Agir sur les déterminants de la santé
Quand on soulève la question de l’accès aux soins, l’accès aux médicaments, il nous faut reconnaitre qu’il y a des inégalités persistantes entre milieu urbain et milieu rural, entre les personnes riches, et les personnes pauvres, vulnérables.
En effet, il y a des iniquités, des inégalités choquantes et pénalisants, dont souffrent les plus démunis, et tant que de tels écarts, de telles différences existeront, il ne faut pas s’attendre à une amélioration de la santé des citoyens, car la santé est un état dynamique de bien-être physique, mental, social, spirituel et non pas uniquement une absence de maladie.
On comprend dès lors pourquoi la pauvreté est un déterminant important de la tuberculose. Des environnements de vie surpeuplés et mal ventilés, souvent associés à la pauvreté, constituent des facteurs de risque directs de transmission de la tuberculose. La dénutrition est un facteur de risque important de développement de la maladie active. La pauvreté est également associée à une mauvaise connaissance générale de la santé et à un manque de moyens d’action, ce qui entraîne un risque d’exposition à plusieurs facteurs de risque de tuberculose, tels que le VIH, le tabagisme ….
La réduction de la pauvreté réduit le risque de transmission de la tuberculose et le risque de progression de l’infection vers la maladie. Elle contribue également à améliorer l’accès aux services de santé et l’observance du traitement recommandé.
S’attaquer aux déterminants sociaux de la santé est une responsabilité partagée entre les programmes de lutte contre les maladies et les autres parties prenantes au sein et au-delà du secteur de la santé.
Des décisions politiques courageuses
Si nous avons un message à transmettre à tous nos lecteurs à l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre la tuberculose 2025, celui-ci consiste à rappeler si besoin est, que nous sommes tous concernés, et nous devons tous agir contre la tuberculose, pas uniquement le ministère de la Santé. Pour mettre fin à la tuberculose, il faut une action concertée de la part de tous les secteurs, de tous les départements afin de fournir les services et le soutien appropriés et de créer un environnement favorable et sûr au bon endroit et au bon moment.
Il faut absolument des décisions politiques courageuses pour combattre la pauvreté, les inégalités sociales, la dénutrition, les comorbidités, la discrimination et la stigmatisation qui sont les principaux moteurs de l’épidémie de tuberculose.