Le secteur de l’hôtellerie au bord de la dépression

Le secteur hôtelier 

Karim Ben Amar

Le secteur de l’hôtellerie subit sans nul doute sa période la plus critique. De Fès à Marrakech en passant par Ouarzazate, les hôtels autrefois prisés, sont aujourd’hui désertés ou pire encore à l’abandon.  Dépendant de la liberté de circulation, ce domaine d’activité se voit amputer depuis maintenant près de deux ans de sa clientèle principale, les touristes étrangers.  Cette industrie du loisir n’a donc réalisé aucun chiffre d’affaires depuis la fermeture des frontières, en mars 2020. A Tanger, le bilan n’est pas plus reluisant, puisque cette ville qui dépend principalement du port ne reçoit plus de touristes. Pour en savoir plus sur les difficultés que traverse le secteur, et les solutions pour en sortir, l’équipe d’Al Bayane a contacté le président de l’association régionale de l’industrie hôtelière de la région Tanger-Tétouan-Al Hoceima (ARIH de la région TTA), Ali Kadiri.

Dans le monde entier, la première mesure phare pour endiguer la propagation de la pandémie est la fermeture des frontières. Pour le secteur de l’hôtellerie, domaine d’activité dépendant exclusivement de la liberté de circulation, un long hiver s’annonçait déjà en 2020. Près de deux ans plus tard, toujours pas le moindre rayon de soleil à l’horizon.

A Tanger, à l’instar du reste du pays,  l’hôtellerie se meurt. Le tourisme national n’a pas limité les dégâts puisque le couvre-feu à 21H n’encourageait pas grand monde à voyager. L’interdiction de se réunir dans les salles n’a rien arrangé à la crise que traverse le secteur.

A ce sujet, le président de l’association régionale de l’industrie hôtelière, Ali Kadiri a affirmé qu’au niveau de la clientèle nationale ou locale, « nous n’avons pratiquement enregistré aucune réservation des salles pour les mariages ou les congrès, puisqu’il est interdit de se réunir à plus de 50 personnes ».

Ali Kadiri a aussi souligné que les points de vente des réservations d’hôtels sont en chute libre. Concernant le coût de la masse salariale et des charges d’un hôtel, le président de l’association détaille que « au-delà des factures d’eau et d’électricité qui sont très élevées, nous donnons un complément de salaire en plus des 2000 dhs versés par l’État. Ce complément qui s’élève à 2000 dhs est versé au noir donc non comptabilisé. Ce qu’il faut savoir, c’est que ce complément sort de la poche du propriétaire de l’établissement ». Et d’ajouter, « ce complément est versé aux employés pour qu’ils puissent vivre dignement sachant que 2000 dhs ne nourrit une famille. De plus la somme versée par l’Etat est une aide. Il est donc normal de donner un complément aux employés puisqu’ils travaillent ».

«Multipliez 2000 dhs par 50 employés et cela donne 100.000, 150.000 dirhams, sommes a verser tous les mois, et cela depuis maintenant près de 21 mois. C’est très conséquent, surtout en ces temps de disette », poursuit-il.

Ali Kadiri nous explique que concernant les statistiques officielles, le taux d’occupation est établi par rapport aux établissements ouverts et non pas par rapport à la capacité.  «C’est un réel sacrifice que nous faisons pour rester ouvert. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si la plupart de nos confrères ont décidé de rester fermé jusqu’à la levée totale des restrictions ».

Quant aux doléances du secteur, Ali Kadiri nous apprend que le domaine de l’hôtellerie est soumis au paiement de quelques 17 taxes. «Notre domaine d’activité est le seul à payer la TVA sur la taxe, et ce n’est pas une blague ».

«Nous payons aussi la taxe de séjour, la taxe de promotion touristique, taxe sur la boisson etc. Si l’on additionne toutes ces taxes, elles représentent près de 40% de notre chiffre d’affaires ».

En ces temps de crise, le secteur demande le gel de certaines taxes jusqu’à la reprise de l’activité. « Prenons l’exemple de la taxe professionnel. Pourquoi allons-nous la payer alors qu’il n’y a aucune activité. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous demandons le décalage de cette taxe pour l’année 2021 et 2022, pour la simple raison que nous n’avons enregistré aucune activité. Aussi, nous demandons le report du paiement de la taxe professionnelle et les intérêts intercalaires à 6 mois après la levée des mesures de restrictions, payables sur 36 mois ».

Étant le domaine d’activité le plus touché par cette pandémie, l’État a décidé d’injecter 2 milliards de dirhams, en soutien au secteur sinistré.  Dès la publication de cette information, beaucoup de secteurs d’activité dépendant du tourisme ont critiqué le partage de cette somme. En réponse à une question d’Al Bayane sur le partage de cette enveloppe, Ali Kadiri a déclaré que «la moitié de cette somme, soit 1 milliard de dirham est réservé aux aides versées aux employés du secteurs ».

 Le milliard restant est pour sa part versé aux établissements touristiques comme le déclare le communiqué du ministère publié le 18 janvier 2022. « Nous déplorons malheureusement que jusqu’à ce jour, aucun centime n’a été versé de cette somme devant être allouée aux travaux des établissements hôteliers ».

Le contrat programme, fruit d’une négociation entre les professionnels du secteur et l’État, contient 21 mesures afin de sauver le secteur. « L’application du contrat programme est un moyen pour le sauver. Des mesures fiscales et bancaires doivent être appliquées. On ne va pas se mentir, à l’heure qu’il est, sur les 21 mesures prévues, seule une est réellement appliquée. Il s’agit de l’aide de 2000 dhs versés aux employés du secteurs ».

« L’heure n’est pas à la suspicion, l’État doit mettre en place des filtres pour stopper les fraudeurs et ainsi permettre aux autres de restaurer leurs établissements afin d’être prêts pour la reprise de l’activité économique.  L’État a les moyens de contrôler l’avancement des travaux et de démasquer les fraudeurs », a-t-il tonné.

« Depuis cette semaine, les dossiers sont envoyés afin de pouvoir bénéficier des aides prévues pour les professionnels de l’hôtellerie. Nous espérons que cela signifiera bientôt pour nous la fin de cette crise qui n’a que trop duré », affirme-t-il.

Quant à la seule solution pour la reprise rapide de l’activité touristique à Tanger, Ali Kadiri est catégorique. « Tant que le port et le transport maritime des voyageurs n’est pas autorisé, nous ne pouvons pas nous attendre à une reprise, car le maritime est le souffle de tout le secteur dans cette ville portuaire ».

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