Le secteur public de l’électricité au Maroc

Dans le cadre des rencontres préparatoires de son programme électoral, le Parti du Progrès et du Socialisme a accueilli la Fédération Nationale des Travailleurs de l’Energie (FNTE-UMT) et des cadres du secteur dans une rencontre en distanciel, le jeudi 08 avril 2021, aux côtés de Nabil Benabdallah, Secrétaire Général du Parti, et de Charafat Afailal, membre du Bureau Politique et ancienne Secrétaire d’Etat.

Le thème abordé a été consacré au  secteur stratégique de l’électricité qui fait l’objet, depuis plus d’un quart de siècle de multiples transformations, dont les impacts n’ont jamais fait l’objet d’études préalables et dont certaines étonnent par leur incongruité. Compte rendu.

La « politique publique de démantèlement et de privatisation du secteur de l’électricité » dans notre pays s’inscrit dans les orientations socioéconomiques inaugurées avec le plan d’ajustement structurel (PAS) prônées par le couple FMI-Banque Mondiale, au début des années 1980, et formalisées, en 1989, par la Loi 39-89 « autorisant le transfert d’entreprises publiques au secteur privé ».

Elle s’inscrit dans un contexte international caractérisé par l’omniprésence et le pouvoir étendu des Institutions Financières Internationales (IFI) qui doivent être pris en considération pour analyser les transformations successives et l’éclatement du secteur de l’électricité ainsi que l’impact socioéconomique qu’ils génèrent pour le pays et sur les travailleur(e)s dudit secteur.

A partir de 1994, de très nombreux textes ont été promulgués pour constituer l’arsenal législatif et réglementaire permettant le démembrement systématique du secteur et une plus grande ouverture au capital privé sous forme de « contrats d’achat d’électricité » (PPA) pour la production et de « contrats de gestion déléguée » pour la distribution ainsi que la création d’une entité indépendante de gestion du réseau de transport (GRT).

Un quart de siècle après, l’ex-ONE devenu Branche Electricité de l’ONEE, depuis 2011, représente moins de la moitié de la puissance installée en énergies fossiles et en énergies renouvelables face aux opérateurs privés.  Après la cession imminente et sans contrepartie de ses installations EnR à MASEN, sa part dans le mix énergétique se réduira à près de 30%. Dans le même temps, le marché privé des énergies renouvelables qui fonde la stratégie énergétique nationale arrêtée en 2009 stagne et l’utilisation des énergies fossiles, qualifiées de « sales », est fortement contestée, en particulier, par nos voisins et clients européens.

Pour la production de l’électricité à partir des énergies renouvelables, l’ONE avait été mis à l’écart au profit de MASEN (2016). Les choix technologiques de celle-ci pour « le solaire », qui a été son domaine de compétences à sa création en 2010, se sont avérés peu performants et le coût de revient du kWh très élevé. Globalement, l’objectif de 40% dans le mix énergétique, en 2020, n’est pas atteint !

Dans un marché où l’ONEE-BE est acheteur unique et où les investisseurs se font rares, l’Agence Nationale de Régulation de l’Electricité (ANRE), dont la création fait partie du « modèle standard » défini par le couple FMI-BM et dont la mise en place a duré des années, s’ajoute aux institutions dont l’utilité pose question.

Concernant les compétences, l’ONE avait formé plusieurs générations de cadres et de techniciens en différents domaines de la production, du transport, de la distribution et dans les métiers supports, qui ont fait le bonheur des opérateurs privés, sans contrepartie et, surtout, sans se conformer aux dispositions du « Statut du personnel des entreprises de production, de transport et de distribution de l’électricité au Maroc », en vigueur.

Sur plusieurs autres aspects de sa mission, le bilan de l’ONE aura été largement satisfaisant. Il aura agi dans le respect des critères fondamentaux du « service public » que sont la « Mutabilité » en s’adaptant à l’évolution de l’intérêt général et donc aux besoins du pays et des citoyens (PERG, Energie propre, etc.) la « continuité » de service et « l’égalité » des usagers (services et tarification).

Plus récemment, les projets de passage en sociétés anonymes (SA) de l’ONEE et des régies de distribution de l’électricité, d’une part, et la création d’Agences Régionales de Distribution multiservice, dans un horizon proche, annoncent d’autres restructurations et d’autres ouvertures au capital privé.

Ainsi, malgré les rapports critiques de la gestion déléguée du service public de la distribution (Rapports de la Cour des Comptes et du CESE), la réalité vécue par les populations sur le terrain (tarification, éclairage public, inondations), et le risque de constitution d’oligopole (Achat de Suez par Veolia), l’option privatisation reste privilégiée dans les prévisions officielles.

Dans ce relativement long processus de transformation du secteur de l’électricité, plusieurs des options et des dispositions prises n’ont pas fait l’objet d’études d’impact, ce qui leur donne un caractère dogmatique. Il en est ainsi de la Loi 40-09 créant l’ONEE par le regroupement de l’ONE (Electricité) et l’ONEP (Eau), en 2011, qui n’est toujours pas mis en œuvre sur le plan opérationnel, dix ans après, confirmant ainsi son caractère incongru.

L’impact de ce processus de démembrement-privatisation sur les milliers de personnes en activité,
à la retraite ainsi que les ayants droit, liées avec l’ONE, devenu ONEE-BE, par le « Statut du personnel des entreprises de production, de transport et de distribution de l’électricité au Maroc » aura été immédiat.

Dès 1997, la Société JLEC a été dispensée de verser au Conseil des Œuvres Sociales (COS) la cotisation statutaire de 1%. Plus tard, les travailleur(e)s de la centrale sont affilié(e)s à une caisse mutuelle autre que la CMSS statutaire.

En 2001, la Caisse Commune de Retraite (CCR), après une série d’augmentations des cotisations, a été fermée aux personnes embauchées à partir de cette date, causant ainsi l’aggravation de son déficit. Le transfert des droits de retraite au RCAR/RECORE qui avait servi de justification à cette opération n’a jamais été effectué. Les différentes recommandations des conseils d’administration de l’Office et les études actuarielles couteuses réalisées n’ont jamais été suivies d’effet.

Pourtant, sous prétexte qu’il assure l’équilibre de la CCR en cas de déficit, l’ONE aurait, pendant des décennies, intégré ses importantes réserves dans sa trésorerie, au lieu de les faire fructifier en des moments où le coût de l’argent était au plus haut.

En 2020, les dispositions prises par le Ministère de l’Intérieur, en accord avec la Fédération Nationale des Travailleurs de la Distribution (FNTD-UMT) concernant la retraite et les organismes sociaux semblent donner le ton de ce qui se prépare en la matière pour les Agences Régionales de Distribution annoncées ; une sorte de statut du personnel réaménagé et un régime de retraite mixte : la CCR pour les un(e)s, le RCAR-RECORE pour les autres !!

Par contre, dans le domaine de la Production, en dehors de la convention de transfert entre ONEE
et MASEN, qui mérite attention et, surtout, la mise en place de mécanismes de suivi, les opérateurs privés semblent s’être affranchis du « Statut du Personnel des Entreprises de Production, de Transport et de Distribution de l’Electricité ».

Cela prive les travailleur(e)s d’un cadre commun organisant leurs relations avec les employeurs et, surtout, du caractère mutualiste de leurs contributions et celles des opérateurs privés aux organismes sociaux.

Pourtant, dans d’autres lieux, les clauses sociales figurent en bonne place parmi les critères d’attribution de contrat de partenariat public-privé (PPP) et sont prises en compte au niveau de l’exécution dudit contrat.

Dans le cadre de sa campagne de plaidoyer, la Fédération Nationale des Travailleurs de l’Energie (FNTE-UMT) a remis un mémorandum au Chef du Gouvernement, le 09 mars 2021, rencontré le Secrétaire général du PPS, le 30.03.2021, et a poursuivi ses rencontres avec des partis politiques.

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