Les Etats insulaires en appellent au droit de la mer

Climat

Les dirigeants de petits États insulaires menacés par le changement climatique se sont tournés lundi vers le tribunal maritime des Nations unies pour demander un renforcement des mesures de protection des océans.

L’audience, qui va durer deux semaines, doit déterminer si les gaz à effet de serre sont de la « pollution marine » au sens de la Convention de l’ONU sur les droits de la mer, protégée par cette cour basée à Hambourg en Allemagne.

Une telle classification imposerait juridiquement aux 157 Etats ayant ratifié ce traité de prendre davantage de mesures législatives contre le réchauffement climatique.

Plusieurs représentants des nations requérantes (Antigua-et-Barbuda, Bahamas, Niue, Palaos, Saint-Kitts-et-Nevis, Sainte-Lucie, Saint-Vincent-et-les Grenadines, Tuvalu et Vanuatu) se sont succédé dans la matinée, devant les vingt-deux juges en robe bleu.

« Le temps est venu de parler en termes d’obligations juridiquement contraignantes plutôt qu’avec des promesses vides non tenues », a lancé Gaston Alfonso Browne, le Premier ministre de l’archipel caribéen d’Antigua-et-Barbuda.

Dans la salle circulaire du tribunal, les intervenants ont montré des images des dégâts d’ores et déjà causés par le changement climatique sur leurs îles, menacées par la montée des eaux et la multiplication d’évènements météorologiques extrêmes.

« Ce n’est pas exagéré de parler de menace existentielle, quand certaines de nos nations pourraient disparaître », a commenté M. Browne.

La Convention de l’ONU impose aux Etats signataires de « prendre des mesures pour prévenir, réduire et contrôler la pollution du milieu marin, ainsi que protéger et préserver cet environnement ».

Est une « pollution marine » toute « introduction par l’homme, directement ou indirectement, de substances ou d’énergie dans le milieu marin (…) qui entraîne ou est susceptible d’entraîner des effets délétères », selon ce texte.

Une description qui s’applique à la situation actuelle, selon les requérants qui ont lancé la procédure fin 2022.

« Des écosystèmes marins et côtiers entiers meurent actuellement, en raison du réchauffement et de l’acidification des eaux », a déclaré devant la Cour Kausea Natano le Premier ministre de Tuvalu, un archipel océanien qui pourrait disparaître d’ici la fin du siècle sous les eaux selon certains scientifiques.

« Si le droit international n’a rien à dire à propos de pays entiers qui disparaissent sous l’eau (…), alors quel est son intérêt? », a-t-il ajouté.

Que les gaz à effet de serre soient considérés comme de la « pollution marine » aurait un fort impact. « Le tribunal international du droit de la mer est très respecté. Cela influencera l’interprétation de la Convention par tous les tribunaux nationaux », explique à l’AFP Hannah Craft, porte-parole du collectif.

« Seulement quelques années — c’est tout ce que nous avons avant que l’océan ne consomme tout ce que mon peuple a construit au cours des siècles », a souligné M. Natano.

Les mers subissent de plein fouet le changement climatique. Près de 60% de la surface océanique mondiale a connu au moins une chaleur marine en 2022, selon un rapport des autorités américaines.

Cela représente 50% de plus que les niveaux préindustriels et s’agit du niveau « le plus élevé dans les enregistrements atmosphériques modernes et dans les archives paléoclimatiques remontant à 800.000 ans », note-t-il.

Ces derniers années, les actions en justice contre l’inaction climatique des gouvernements se sont multipliées, réussissant parfois à influencer les politiques climatiques.

En septembre 2023, la base de données du Sabin Centre for Climate Change Law de l’université de Columbia répertorie plus de 2.500 affaires dans le monde, dont plus de 1.600 aux Etats-Unis.

Les tribunaux internationaux sont de plus en plus sollicités. En mars, l’Assemblée générale de l’ONU a fait une demande à la Cour internationale de justice (CIJ) pour clarifier les « obligations » des Etats en matière de changement climatique, suite à une demande du Vanuatu, petite île d’Océanie particulièrement vulnérable à la montée des eaux.

En janvier, la Colombie et le Chili ont sollicité un avis de la Cour interaméricaine des droits de l’Homme sur les obligations étatiques en matière de lutte contre l’urgence climatique, au regard du droit international des droits humains.

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