Les émissaires doivent à présent rentrer rendre compte de leurs trois jours de discussions à la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) qui les a dépêchés à Bamako pour réclamer un «retour immédiat à l’ordre constitutionnel» après le coup d’Etat du 18 août, dernier épisode d’une dégradation politique, sécuritaire et économique, source d’inquiétude continue pour la communauté internationale.
Les chefs d’Etat de la Cédéao doivent se concerter mercredi et décider, en fonction des résultats obtenus à Bamako, de renforcer ou d’alléger les mesures prises à la suite du coup d’Etat.
La junte, qui a promis de rendre le pouvoir aux civils après une période de transition d’une durée à déterminer, a invoqué les efforts de «compromis» qu’elle a consentis et attend de la Cédéao qu’elle lève les sanctions annoncées le 20 août, deux jours après le putsch ayant renversé le président Ibrahim Boubacar Keïta.
Dans un pays éprouvé par la pauvreté, la propagation du jihadisme, les violences intercommunutaires et la faillite de l’Etat, «c’est le peuple qui va beaucoup plus souffrir (des) sanctions», a souligné Ismaël Wagué, porte-parole des militaires réunis autour du nouvel homme fort, le colonel Assimi Goïta.
Membre de la mission ouest-africaine, le ministre des Affaires étrangères du Niger Kalla Ankourao, a donné acte aux militaires de leur volonté de transiger. «Chacun a déjà fait un pas et nous avons dit que nous nous donnions le temps, 24 heures, 48 heures, de part et d’autre, et nous restons en contact pour régler cela», a-t-il dit à l’AFP.
Les chefs d’Etat de la Cédéao ont annoncé le 20 août la fermeture des frontières des Etats membres de l’organisation avec ce vaste territoire enclavé. Ils ont décidé l’arrêt de tous les flux financiers et commerciaux, sauf les produits de première nécessité ou de lutte contre le Covid-19.
Ils avaient exigé, avec effet «immédiat», le retour à la Constitution et le rétablissement du président renversé dans ses fonctions.
Cette dernière exigence ne paraît plus d’actualité. Dans des déclarations distinctes, les deux parties ont indiqué que M. Keïta renonçait au pouvoir de son plein gré et, selon les militaires, «sans menace».
Les putschistes qui l’ont arrêté et le retiennent ont accepté que les émissaires de la Cédéao le voient samedi.
«Keïta a dit: +Ecoutez+, il a démissionné, on ne l’a pas forcé à démissionner, mais il a démissionné et gouverner à nouveau ne l’intéresse pas», a rapporté le chef de la délégation ouest-africaine, l’ancien président nigérian Goodluck Jonathan.
Une grande confusion subsiste sur le lieu où se trouve M. Keïta et sur un possible départ du Mali avec la mission de la Cédéao. Les propos qui lui sont prêtés par la junte et la mission n’ont pu être confirmés dans son entourage.
A la demande de la mission, la junte a accepté que M. Keïta, 75 ans, quitte le pays «quand il veut» pour des examens médicaux, la Cédéao «garantissant» son retour au pays, a dit le colonel Wagué.
Aucun accord ne s’est dessiné en revanche sur les conditions d’un transfert du pouvoir aux civils, promis par la junte. La durée de la transition et qui, civil ou militaire, dirigera le pays pendant celle-ci, opposent les négociateurs.
Des sources au sein de la mission ouest-africaine ont initialement prêté aux militaires le projet d’une transition de trois ans, dirigée par un des leurs qui assumerait les fonctions de chef d’Etat.
Une position bien éloignée des exigences de la Cédéao et du délai «raisonnable» dans lequel la junte promettait des élections générales le soir du coup d’Etat du 18 août. La junte, confrontée à des protestations sur les réseaux sociaux alors qu’elle avait été plutôt épargnée jusqu’alors par ses compatriotes, a cependant contesté défendre des positions aussi arrêtées.
Lundi matin, elle a ramené ses prétentions à deux ans, a indiqué le chef de la diplomatie du Niger. «C’est trop», a-t-il dit invoquant des expériences passées de 7 à 12 mois dans l’espace Cédéao.
Quant à la présence d’un soldat à la tête du pays durant cette période, il a évoqué le risque qu’elle fasse peur aux partenaires internationaux engagés au côté du Mali dans la lutte contre le jihadisme. Il a exprimé l’espoir que la junte se rende sous 24 ou 48 heures aux arguments de la Cédéao, au moins sur la durée de la transition.
(AFP)