Marginaliser la presse sérieuse c’est « préparer le terrain au monstre de Frankenstein »

Noureddine Miftah 

Quant au président de la Fédération marocaine des éditeurs de journaux (FMEJ), Noureddine Miftah, il s’est arrêté dans son intervention sur l’état des lieux, insistant sur la nécessité pour tous les intervenants d’intensifier les efforts pour mettre à niveau le secteur et lui permettre de gagner en professionnalisme, car « tout ce que je peux dire, c’est que la presse marocaine fait face aujourd’hui au pire scénario envisageable », a-t-il dit.

Au lendemain de l’alternance démocratique qui avait donné une forte impulsion à la presse indépendante, d’aucuns parmi les journalistes sont allés peut être loin en voulant jouer d’autres rôles que la mission dont ils sont investis.

En agissant de la sorte, ils ont commis l’erreur de se comporter en leaders et en influenceurs au lieu de jouer leur rôle de contrôleur du fonctionnement de la chose publique et de l’action des décideurs pour éclairer les citoyens.

Lors de la période d’ouverture, plusieurs accidents sont malheureusement survenus et ont donné lieu à des affrontements avec l’Etat. Ce qui avait nécessité le lancement d’une expérience unique en son genre, qui s’était traduite par des séances de dialogue dit « la société et les médias », sous la supervision du Pr. Jamal-Eddine NAJI, qui a établi un diagnostic très exhaustif.

Après 2011, on avait créé la commission scientifique avant la promulgation du code de 2016. Entretemps, le Maroc a été dépassé par la révolution technologique, qui a complètement changé le paysage médiatique à travers le monde, a-t-il poursuivi

La révolution en la matière s’est en fait traduite par une démocratisation de la communication des masses sans intermédiaires au détriment des professionnels qui n’ont plus cette exclusivité comme avant.

Malheureusement, l’environnement marocain qui souffre d’un manque d’éducation et de culture et d’un taux élevé d’analphabétisme a offert l’occasion à toute une foule de gens pour prendre la parole à travers les réseaux sociaux. Malheureusement, tout le monde risque de couler sous l’effet de cette situation, qui souffre du manque d’organisation et d’orientation des discussions et des débats, qui se déroulent sans contrôle et sans évaluation, a-t-il prévenu.

Au Maroc, a-t-il affirmé, des acteurs officiels utilisent malheureusement des comptes virtuels pour défendre leurs intérêts ou régler des comptes. Pire encore, une bonne partie des gouvernants fait appel aujourd’hui au service des influenceurs, qui n’ont de compte à rendre qu’à leurs payeurs.

Il en résulte que le nombre des ventes de la presse écrite ne dépasse pas 30.000 exemplaires, a-t-il dit, ajoutant que la FMEJ estime dans une étude qu’il ne peut y avoir de démocratie sans médias professionnels.

Evoquant de nouveau la situation du secteur, il s’est arrêté sur la précarité économique des entreprises de presse, tout en indiquant que 40% des subventions de l’Etat (3 milliards de dirhams) vont à la télévision publique. Au niveau de la presse écrite, sa part du marché tourne autour de 7% seulement. Quant à la presse électronique, elle ne vit que des subsides des GAFA (M) qui s’accaparent quelque 80% des recettes.  

Il a également fait savoir que le secteur compte quelque 700 éditeurs de journaux et 726 journaux électroniques, rappelant que la presse a pour finalité majeure l’animation de la démocratie. Elle ne peut être considérée en aucun cas comme son acteur principal, a-t-il estimé.

Et Miftah d’appeler à soutenir le secteur car si on laisse tomber la presse sérieuse, on risque de créer le monstre de Frankenstein, qui menace tout dont en premier lieu la démocratie, a-t-il expliqué.

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