Miroir

Les individus se regardent dans un miroir. Quelle que soit la personne, à part de très fortes et rares exceptions, elle se retrouve intimement devant un miroir pour faire le point avant de s’aventurer devant l’autre. Elle se scrute dans les moindres aspects, se palpe, se pince, se tire la langue, se renvoie des grimaces, ajuste ses effets vestimentaires et se jauge.

Le miroir assure la réflexion, celle de la personne telle qu’elle se présente et celle aboutissant au jugement objectif de la personne sur elle-même. De là se dégage la décision du nécessaire à faire pour être en phase avec l’autre et devant son regard, son appréciation. Indubitablement des correctifs sont apportés dans un sens comme dans l’autre et l’aventure du quotidien est entamée dans la continuité de la vie.

L’état en tant qu’institution ne peut se voir dans un miroir. Les détails de son organisation, de son fonctionnement et les aspects à travers lesquels il est perçu par ses constituants, individuellement et/ou collectivement, ne le préoccupent pas à l’instant. Cela ne sera à son ordre du jour que quand l’objet de sa gestion, la société, est en situation de crise et qu’elle l’exprime à sa manière. Quand le rire devient jaune, qu’il se transforme en rictus sous le poids de la contrainte cumulée et que les individus n’arrivent plus à s’en sortir et à faire le dos rond.

L’état n’ajuste son état, quand il est obligé de le faire, que sur la base de données de deuxième main. Incapable de se voir tel qu’il est, il a besoin de descriptifs, d’indicateurs, dont il n’est point le déterminant, pour se faire une idée de ce qu’il est advenu. Cette différence explique l’inertie entre la personne et L’état qui le gère. L’intelligence des hommes d’Etat fait que cette inertie ne devienne pas une pesanteur dont la gravité pèse sur l’individu. Le discernement et la perspicacité leurs permettent d’anticiper, et de décider. L’explication est laissée à ceux qui ambitionnent d’encadrer la population, la société, pour que la mise en œuvre entreprise soit optimale.

La mondialisation par tous ses aspects a changé cela. La colère sourde et se relaye à travers les réseaux sociaux. L’absence de l’écoute conduit à la formation du «ras le bol» qui efface les repères et escamote la concertation. à force d’être stigmatisés, les structures de l’intermédiation dans leur complexité et les partis politiques dans leur logique de représentation se trouvent dépassés, La tension anéantit les initiatives des «associations intéressées à la chose publique». Plus, les institutions consultatives, se murent dans le silence ; leur parole composée, par laquelle l’alarme est équilibrée par les accomplissements achevés ou en cours de se faire, ayant été prononcée sans qu’une suite ne soit donnée à leurs suggestions mesurées. Le miroir se casse. La démocratie vacille.

Ailleurs et ici, les déséquilibres et les dysfonctionnements abîment la confiance de la population et induisent colère et peur. Ils constituent le terreau de l’obscurantisme, du populisme, du nihilisme, de l’extrémisme dans toutes ses couleurs, du racisme et de la xénophobie. Qu’il s’agisse de l’accroissement des inégalités, du chômage des jeunes, du renforcement de l’informel et de son expansion, de la violence contre les femmes et la négation de leurs droits, de la destruction du service public, du détournement du système éducatif vers la marchandisation, des dégradations portées à l’environnement par l’exploitation abusive et déréglée des ressources, de l’amplification de la pauvreté et de l’aggravation de l’exclusion, etc.

En raison des politiques régressives conséquentes, les efforts pour faire valoir la réforme et en assurer la réalisation dans le consensus et la sérénité risquent d’être réduits à néant.

Ailleurs et ici, œuvrant «à la création des conditions permettant de généraliser l’effectivité de la liberté et de l’égalité des citoyennes et des citoyens, ainsi que de leur participation à la vie politique, économique, culturelle et sociale». La vie ne constitue pas la sommation d’un certain nombre d’objectifs économiques, financiers et monétaires. Elle est bien plus que cela et mérite qu’elle soit vécue dans l’épanouissement, l’émancipation et le bienêtre. Que chacun devienne le miroir de l’autre pour connaitre ce qui entrave le développement de la société; et, d’un commun accord, devenir des acteurs responsables du changement vers la justice sociale, le bienêtre et la durabilité du développement.

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