Mohamed Briouel : un repère pour la relève

On ne peut parler de musique andalouse  sans citer le nom de Mohamed Briouel. En effet, cette grande adresse de notre patrimoine a vécu dans l’escarcelle d’un autre grand monsieur de la musique andalouse, en l’occurrence de feu Hadj Abdelkrim Rais qui présidait aux destinées de l’orchestre de musique andalouse de Fès.

Après la disparition de ce dernier, il était tout à fait logique que Mohamed Briouel prenne les commandes pour mener le bateau à bon port.

Né à Fès, Mohamed Briouel intègre le domaine en suivant des études de musique avec Abdelkrim Raiss. Aujourd’hui, il est toujours dans sa ville natale où il dirige le conservatoire de musique de la ville spirituelle. Professeur de solfège, il obtient en 1986 le Prix du Maroc pour la publication de son ouvrage « Musique andalouse marocaine : nouba gharibat al Husayn », un ouvrage où il retranscrit en notation occidentale, pour la première fois, les onze nouba andalouses.

Mohamed Briouel ne se limite donc pas à l’enseignement et à l’interprétation, mais va bien au delà en faisant beaucoup de recherche dans son domaine de prédilection. Et avec son orchestre de Fès, il se produit au Maroc comme à l’étranger avec un répertoire aussi riche que divers ; un répertoire qui s’est vu élargi au chant sépharade et qui a fait appel à certains chanteurs de confession juive tels Albert Bouhadana, Emile Zrihan et Françoise Atlan. Une autre façon de montrer l’esprit de tolérance qui a toujours prévalu aussi bien en Andalousie lors de la présence musulmane qu’au Maroc où les répertoires arabo-musulman et arabo-sépharade font objet de recherche et suscitent davantage d’intérêt.

Mohamed Briouel, conscient de l’importance de cette musique et de sa charge symbolique et affectueuse, est convaincu qu’il  a pour mission de faire en sorte de perpétuer la musique andalouse en la faisant connaître notamment aux jeunes.

C’est dans ce contexte qu’il a regroupé depuis quelques années des jeunes chanteurs de la ville de Fès au sein d’une chorale qui s’est déjà produite avec beaucoup de succès dans certains événements artistiques dont le festival des musiques sacrées de Fès.

Une carrière, un itinéraire et une mission, voilà le destin de Mohamed Briouel  qui mesure cette mission à sa juste valeur et qui montre en même temps beaucoup de disponibilité pour léguer ce savoir et cette musique ancestrale aux générations futures.

Ces dernières années, beaucoup d’expressions musicales appartenant soit au folklore soit au répertoire populaire ancien, Malhoun, Aitaetc, font l’objet de beaucoup d’attention et d’une grande action de promotion aussi bien au niveau du public qu’au niveau des médias. La musique andalouse, elle, n’a pas profité de ce mouvement peut-être parce qu’on croit qu’elle est immortelle et donc pas menacée et qu’elle a ainsi de bons jours devant elle.

Mais ne pas vivifier et réactualiser au besoin une musique n’est-il pas un facteur de sa disparition?

Mohamed Briouel, lui, anticipe et préfère passer à l’action. C’est grâce à lui aujourd’hui que cette musique commence à assurer sa propre survie non seulement en interprétant ce qui existait déjà, mais aussi et surtout en se lançant dans des études et des recherches et en initiant les jeunes aux règles de la musique andalouse ; l’une des rares au monde à avoir fait preuve d’une aussi grand longévité artistique.

Abdeslam Khatib

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