Mohammed Benmoussa : «L’environnement des affaires est basé sur une logique rentière»

Conférence-débat du Forum des économistes du progrès

En dépit des efforts déployés depuis trois décennies pour le développement du pays, l’économie marocaine demeure encore au milieu du gué. C’est le constat général établi par Mohammed Benmoussa, président du Forum des économistes des progrès, lors de la conférence-débat, modérée par Abdelhak Najib, journaliste et écrivain, et organisée par l’Espace cadre du PPS, jeudi 27 juin 2024, à Casablanca.

Placée sous le thème « Le rôle de l’entreprenariat dans la transformation structurelle de l’économie marocaine », cette rencontre fut une occasion pour dresser un diagnostic des « pesanteurs » freinant le développement du Maroc.

Il va sans dire que notre pays est confronté à une double problématique, principalement liée à la croissance économique et la distribution des richesses, a d’emblée affirmé Benmoussa.

Certes, l’Etat en tant que stratège, a joué un rôle incommensurable en vue de mettre à la disposition du secteur privé les infrastructures nécessaires pour aller de l’avant ou en investissant dans certains secteurs d’avenir (aéronautique, automobile…). Mais force est de constater que « nous sommes loin d’atteindre les objectifs escomptés », a-t-il avancé. Autrement dit, « nous sommes un pays qui n’a pas encore fait sa mue pour devenir un pays émergent », a-t-il noté en substance.

Il faut dire, a-t-il ajouté, que l’investissement public a alourdi de façon dramatique la dette publique en atteignant environ 85% du PIB. Cela étant, le Maroc figure parmi les pays qui ont le taux d’investissement national le plus élevé de la planète.

Afin de sortir cette situation, le professeur universitaire a appelé à ce que les policymakers doivent inverser la tendance en faisant en sorte que l’investissement privé jouera pleinement son rôle stratégique pour constituer les deux tiers de l’investissement global au lieu de seulement un tiers.

Abondant dans le même ordre d’idées, Mohammed Benmoussa a dressé un constat  alarmant du marché du travail où le taux de chômage a atteint 13,7%. Pire encore, le Maroc a le taux d’activité le plus faible de la planète en s’élevant à 45,3% contrairement à d’autres pays émergents où le taux d’activité se situe à 65%.

Quant au taux de la participation des femmes au développement économique, le conférencier a fait constater que ce taux a baissé en passant de 20% à 18% en 30 mois alors que l’Exécutif s’est engagé à l’augmenter à 30%. « Il s’agit d’un échec total de la politique publique menée par le gouvernement, a-t-il laissé entendre.

La réalisation d’un sursaut économique requiert d’agir sur plusieurs facteurs afin de « tutoyer » des taux de croissance plus élevé, a-t-il souligné.

Comme quoi, la transformation structurelle de notre économie nationale passe par la diversification de l’offre de la production, assortie d’une forte valeur ajoutée. Ainsi, le conférencier a critiqué la faible modernisation des entreprises marocaines dont 96,6% sont des TPE et seulement 6,3% s’activent dans le secteur industriel.

Faible indice de complexité économique

Argument à l’appui, le conférencier a fait référence au classement établi par l’université Harvard qui indique que le Maroc est doté de l’indice de complexité économique le plus faible, en occupant le 81ème rang sur 133 pays.

En termes plus clairs, 4% des entreprises marocaines s’adonnent à la recherche et développement avec 50 brevets enregistrés annuellement, alors à titre d’exemple,  5000 brevets sont déposés annuellement en Turquie.  Idem en ce qui concerne le secteur des startups. En comparaison avec le Kenya,  les startups  font annuellement une levée de fonds estimée à 800 millions de dollars. Cependant  les startups marocaines ne dépassent à peine les 17 millions de dollars, a-t-il fait remarquer.

En s’attelant sur les faiblesses qui entravent le développement de la culture entrepreneuriale, le conférencier a mis en avant certains facteurs de blocages de l’acte d’investissement, notamment le coût excessif de la production  (énergie, financement). Sans omettre le coût élevé de transaction, qui est lié à l’administration et à la réglementation.

Dans cette optique, l’intervenant a relevé la question de l’environnement des affaires, basée sur une logique rentière.

C’est un environnement qui « ne favorise pas la libre concurrence et privilégie les barrières administratives tout en privilégiant les situations monopolistiques et oligopolistiques  », a-t-il martelé. Et de poursuivre : « les politiques publique incitatives n’ont pas favorisé l’entreprenariat. Elles ont privilégiée plutôt des secteurs rentiers, ce qui paralyse le développement de la culture d’entreprenariat».

Parer à une telle situation, « le gouvernement doit revoir de fond en comble sa politique de développement, qui malheureusement s’inscrit actuellement  aux antipodes des recommandations du nouveau modèle de développement », a insisté le conférencier.

Khalid Darfaf

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