Ce qui se passe actuellement dans les territoires palestiniens occupés constitue une nouvelle épreuve pour les médias, un nouveau test autour de la grande question de la crédibilité.
Le mot est à souligner en rouge, crédibilité. Il ne s’agit pas en effet de faire preuve de naïveté en invoquant une quelconque objectivité. C’est une dimension qui ne concerne plus les médias impliqués d’une manière ou d’une autre dans un schéma, dans une vision, dans un système économique, dans une sphère d’appartenance qui n’est pas nécessairement de nature organique. Il s’agirait alors d’interroger les médias, non pas du point de vue de la référence à une transparence au réel, mais du point de vue d’un certain code qui, en principe, régirait la profession et qui pourrait s’appeler la déontologie par exemple.
Cela suppose aussi de la part de l’observateur, de l’analyste de s’inscrire dans une logique similaire qui ne ramènerait pas son jugement des médias à la seule grille de lecture qu’il se donne lui-même pour appréhender le réel. En l’occurrence, adopter une position critique, intransigeante, lucide car distanciée. Pour le cas de figure qui nous interpelle aujourd’hui, l’agression israélienne à l’égard du peuple palestinien, il ne s’agit pas d’adopter des positions figées, généralisantes mettant tout dans un même sac, créant ainsi un amalgame entre les différents supports et les différentes pratiques au risque ainsi de perdre soi-même de crédibilité.
Il est ainsi inexact de parler d’une manière non différenciée de “médias occidentaux”, le concept est inapproprié, trop chargé idéologiquement pour avoir cette élasticité nécessaire qui lui permettrait d’embrasser toute la complexité de la pratique médiatique. Pratique obéissant certes à une logique d’ensemble et qui est traversée néanmoins de contradictions spécifiques inhérentes à tout “champ” exerçant dans le champ social.
En d’autres termes, la couverture des événements dramatiques actuels offre un large éventail allant d’une pratique soucieuse d’un certain degré de professionnalisme vers d’autres versant carrément dans la manipulation, la démagogie et la surenchère. Faut-il alors rappeler que cela n’a rien à voir avec l’origine géographique ou l’appartenance ethnique ou religieuse du média ou du journaliste concernés. Peut-être viendra le jour où le contexte culturel global permettra une lecture critique de la pratique journalistique de certains grands médias arabes à l’égard de la question palestinienne et de la lutte du peuple palestinien. On saura alors que les dégâts n’étaient pas seulement l’effet des chars de l’armée d’occupation, mais également de certaines attitudes et de certaines positions privilégiées ici et là par simple calcul opportuniste.
La pratique médiatique comme l’ensemble de la pratique sociale est traversée d’une violence symbolique. Le rôle des intellectuels, des journalistes spécialisés dans la critique des médias est de faire en sorte pour minimiser cette violence symbolique en favorisant et en privilégiant l’analyse et la lucidité. Le devoir de solidarité qui se nourrit d’abord de valeurs universelles n’est pas antinomique avec l’esprit critique. La tragédie actuelle est d’ailleurs quelque part l’expression d’une crise politique et la traduction de la défaite de la pensée laïque et critique dans cette aire géo-culturelle.