Premier rapport de l’UpM sur la participation économique des femmes


Trois questions à l’experte Anna Dorangricchia, experte de l’UpM

A l’occasion de la journée du 8 mars, l’Union pour la Méditerranée (UpM) a publié son premier rapport sur la participation économique des femmes dans la région euro-méditerranéenne.
L’experte de l’UpM pour l’égalité Hommes-femmes Anna Dorangricchia explique dans trois questions à la MAP, les enjeux de cette première étude menée par l’UpM qui sert de mécanisme de suivi de l’évolution de cette situation et des mesures prises dans la région.

Quelle estimation faites-vous de la participation économique et le leadership féminin dans la région euro-Méditerranéenne ?

Aucun pays n’a atteint l’égalité femmes-hommes ni en Europe ni dans la région MENA. Deux chiffres peuvent aider à mieux comprendre l’état des lieux :Tant l’Europe que les pays MENA sont en dessous du pourcentage global de 6,2% de femmes entrepreneures qui possèdent des entreprises établies (5,3 % et 4,5 %, respectivement). Ces régions ont également les plus faibles pourcentages de start-up dirigées par des femmes (respectivement 3,4% et 4,1%, contre le pourcentage global de 5,5 %). Nous restons en dessous des 10% en moyenne mondiale, si on regarde la présence des femmes CEO dans les grandes entreprises.
Ceci dit, l’autonomisation économique des femmes a été un des domaines qui a enregistré le plus grand nombre d’initiatives adoptées par les pays de la région, surtout dans le cadre des politiques publiques de réponse à la pandémie Covid-19.
Les mesures adoptées sont variées et vont des aides spécifiques aux femmes entrepreneures jusqu’à l’adoption des nouvelles dispositions pour assurer des quotas obligatoires dans les grandes entreprises, en passant par des allocations familiales au soutien des femmes qui ont perdu leur travail. Mais il reste beaucoup de chemin à parcourir notamment sur les sujets d’accès aux crédits et aux investissements pour les PME gérées par des femmes,et dans le soutien au leadership féminin dans les instances nationales et internationales. L’introduction de quota semble d’ailleurs avoir été une des mesures les plus efficaces pour faire face à ces inégalités.

 Quel a été l’impact de la pandémie sur cette situation ?

La pandémie a ainsi rendu visible un défi à aborder pour la région : celui du manque de donnés statistiques désagrégées par sexe. Sans ces données, la formulation des politiques publiques efficaces inclusives restera un défi.
C’est pour cela que les pays de l’Union pour la Méditerranée se sont unis pour proposer un mécanisme de suivi intergouvernemental sur l’égalité des genres.
Cet exercice de suivi établit pendant la pandémie permet de mesurer les progrès accomplis en matière de droits des femmes et de formuler des recommandations politiques pour réduire les disparités entre les sexes dans la région. Il prend en compte les dimensions économiques, sociales et politiques.
Les crises ne sont malheureusement jamais « neutres » en termes d’égalités des genres et agissent comme un effet « miroir » qui met au grand jour les défis de la région, et la pandémie de Covid-19 n’a pas fait figure d’exception.
La première publication du mécanisme ce mois-ci, met en avant que, les femmes ont été les plus touchées par la perte d’emploi due à la pandémie ; puisque les secteurs les plus touchés, comme le tourisme, les services à la personne, ou encore la production agro-alimentaire, sont des industries avec une représentation plus forte des femmes, notamment dans les positions au bas de l’échelle hiérarchique.

 Que doit-on faire et à quel niveau pour redresser les déséquilibres existants ?

 Il n’y a pas une solution unique car les difficultés dans les pays de la région sont à la fois au niveau structurel et au niveau conjoncturel. Néanmoins, il y a des éléments communs que nous avons pu identifier dans des politiques publiques qui ont pu être efficace, comme investir dans la formation professionnelle des femmes, dans l’accès à des formations tout au long de leurs carrières, et l’accès aux financements.
Pour faire face à ces enjeux, l’Organisation des Nations Unies pour le Développement Industriel (ONUDI) et l’UpM se sont associés au Business Club Africa, pour lancer le premier MENA Women Business Club. Cette initiative implique plus de 130 femmes entrepreneures et vise à créer de meilleures opportunités de réseautage et à aider leurs entreprises à se développer dans la région.
L’Union pour la Méditerranée a également apporté son soutien au projet « FLOWER », qui forme, informe et propose un accompagnement auprès des femmes marocaines dans les zones rurales pour justement faire face à l’impact qu’a eu la pandémie. Ce projet est mené par une organisation marocaine E.S Maroc, également en Tunisie.
Au-delà de cette pandémie, le changement climatique a imposé un besoin d’investir sur l’accès aux jeunes femmes aux emplois verts et aux métiers en lien avec les nouvelles technologies numériques.
A noter que le Maroc est un pays où le pourcentage des femmes diplômées en STEM est particulièrement élevé.
Pour notre région, il s’agit également de renforcer un partenariat entre les secteurs publics et privés pour permettre le passage de l’économie informelle à une économie formelle, où les droits sociaux économiques des femmes sont assurés. Mais toutes ces mesures ne seront jamais efficaces sans un travail plus constant d’éducation à l’égalité des sexes et dans une lutte contre les stéréotypes qui empêchent aux femmes de voir reconnaitre leurs droits sociaux et économiques.

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