Que faire ?

Par : Abdeslam Seddiki

Face aux différents événements, parfois douloureux, que vit le pays, il est légitime de se poser la question  que s’est posée Lénine il y a plus  d’un siècle : «que faire»? Car l’heure est à l’action et le temps d’attente est entièrement consommé depuis des années déjà, du moins dans certains cas précis. La situation que vit la ville frontalière de Jerada s’inscrit dans ce cadre. On peut tout reprocher à la population de la ville,  sauf son manque de  patience et de réalisme. Le problème remonte, en effet, à 1998 suite à la fermeture des mines de charbon. Cela fait exactement une période de deux décennies au cours de laquelle cinq gouvernements se sont succédé !!

Face à cette indifférence et ce laisser-aller,  la jeunesse est descendue dans la rue pour se  faire entendre et  adresser des messages à qui de droit pour crier haut et fort : «ça suffit» sans demander du reste, l’impossible. Elle veut juste redonner vie à la cité : créer  des activités alternatives au charbon pour générer des emplois dans une ville où le taux de chômage bat tous les records, assurer les services sociaux de base  qui soient au moins au niveau de la moyenne nationale, ouvrir des canaux de dialogue directs avec la population dans la mesure où les institutions d’intermédiation en place se sont avérées défaillantes et ne jouissent plus de la confiance des citoyens.  Nous touchons ici un problème de taille qui risquerait de se poser à l’avenir avec plus d’acuité, tant que la nature a horreur du vide.

Certes, le gouvernement actuel n’est pas resté muet aux revendications de la population. Avant le déplacement du chef de gouvernement dans la région à la tête d’une importante délégation ministérielle, deux membres du gouvernement se sont rendus successivement dans la ville où ils ont tenu  des «réunions de travail» avec les autorités locales, les élus de la ville, les représentants des partis politiques. Ces rencontres se sont soldées par   l’élaboration d’un programme  d’action, jugé ambitieux,  au bénéfice de la ville décliné sous forme d’actions urgentes, à moyen et long termes.  Apparemment, tout est fait pour revenir au calme et rassurer la population.

Malheureusement, tel n’est pas le cas, ce qui pose un problème sérieux de crédibilité des acteurs et de confiance dans les institutions. On a déjà vécu la même situation à Al Hoceima où les manifestants ont déclaré clairement qu’ils ne font confiance à personne, à l’exception de la plus Haute Autorité du pays !!

C’est là où la question «que faire»  se justifie et trouve toute sa pertinence.  Quand les canaux de confiance sont rompus, il devient difficile de négocier.

C’est le débat de sourds qui s’instaure.  Les réunions deviennent stériles quand elles ne se transforment pas en joutes oratoires. Instaurer la confiance devient  désormais un préalable à tout. Cela suppose un minimum de crédibilité de la part des acteurs. Un effort d’écoute doit être fait de part et d’autre tout en évitant d’adresser des accusations hâtives.

Bien sûr, la confiance ne se retrouve pas du jour au lendemain, mais on peut y parvenir en donnant à chaque occasion la preuve concrète que «c’est du sérieux». Justement, quand la population s’impatiente ou exprime sa colère c’est parce qu’elle se rend compte que les mesures concrètes tardent à voir le jour. C’est plus le «mauvais côté de l’histoire » qu’elle voit se défiler devant ses yeux comme c’est le cas des heurts entre manifestants et forces de l’ordre. Ce qui ne fait qu’aggraver la situation et verser de l’huile sur le feu.

Bien sûr, personne ne conteste le rétablissement de l’ordre, mais il y a plusieurs façons de procéder.  Le recours à la force est la pire des manières et la plus détestable. L’ère de l’approche sécuritaire est révolue. La violence ne fait qu’engendrer la violence. Mieux vaut substituer à ce cycle infernal de violence un cycle vertueux de confiance. Celle-ci se construit d’une façon collective en mettant à contribution toutes les parties et en partant du postulat que le Maroc appartient à tous les Marocains. C’est notre maison commune et notre patrimoine commun.

Mais ce postulat ne doit pas rester un simple slogan. Il entraine des engagements réciproques et suppose des mesures concrètes sur le terrain.  C’est ce qui peut redonner confiance aux habitants et les inciter à collaborer pour apporter des solutions durables aux problèmes de la région. Que Jerada nous serve de leçon pour l’avenir!

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