Repenser les concepts liés au handicap

Par Mounir Kheirallah*

Comme chaque année, le 30 mars est devenu aux yeux d’une grande majorité de personnes en situation de handicap au Maroc un moment d’évaluation des politiques publiques et des actions civiles.

Outre les canaux conventionnels pour communiquer des messages de condamnation et de déception, les réseaux sociaux semblent offrir aux personnes en situation de handicap néanmoins des outils plus efficaces pour s’adresser directement aux décideurs politiques. Cependant, cette entreprise, de mon point de vue, ne parvient pas toujours à changer la situation de ces personnes. Cela est lié à deux facteurs interdépendants.

D’une part, presque tous les témoignages sur les réseaux sociaux, à l’instar des écrits sociologiques dans le domaine du handicap manquent d’un positionnement théorique. La question du handicap demeure un problème d’ordre général voire ambiguë. Bien que cette ambiguïté trouve sa justification peut être dans la vulnérabilité du mouvement social à cause des entraves d’accès à l’éducation, à l’autonomisation économique et la participation sociale et politique, les acteurs de la société civile et les chercheurs dans le domaine du handicap devraient essayer d’explorer les cadres conceptuels sociologiques pour pouvoir réinterpréter notre condition sociale.

A ce propos, la délimitation conceptuelle du terme «handicap» me semble l’une des entrées principales. Il est vrai que la  nomenclature onusienne et les conventions universelles des droits de l’Homme fournissent une avancée sans précédent, notamment via la mise en relief de l’aspect dialectique entre les capacités physiques propres à l’individu et les conditions sociales, culturelles et structurelles de son environnement. En revanche, et malgré l’approbation  populaire de cette définition et son adoption dans les cadres législatifs nationaux, on constate que les interventions institutionnelles dans l’éducation, l’employabilité et l’accessibilité se contentent d’adresser les déficits fonctionnels chez l’individu alors que les barrières handicapantes de toute nature sont restées intactes.

C’est pourquoi depuis les années 60, le mouvement social des personnes en situation de handicap sur les deux rives de l’atlantique a mis en garde contre l’aspect relationnel dans la définition du handicap. C’est ainsi que l’UPIAS au Royaume Uni distingue dans «Fondamental Principal» (1974) entre la déficience «Impairment» et le handicap « Disability». Le premier est personnel alors que le deuxième est social ou politique. Le handicap est conçu comme une forme d’oppression sociale résultante de la manière dont le monde est organisé.

Il serait peut être judicieux de la part des acteurs et chercheurs dans le champ du handicap au Maroc d’entamer cette gymnastique cognitive afin de pouvoir repositionner les questions du handicap comme formes de discrimination sociale et institutionnelle susceptible d’être un objet d’investigation sociologique.

*Chercheur sur le handicap

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