A Nagrig, petite bourgade égyptienne du fin fond du Delta du Nil, un terrain de foot synthétique a été offert à une école par un sponsor de Mohamed Salah, l’enfant du village devenu star de Liverpool et des « Pharaons ». S’il peut jouer le Mondial, toute la bourgade vivra au rythme de ses dribbles.
Dans la localité entourée de verdure, le nom du serial-buteur des Reds est partout. Dans la bouche des enfants, par exemple. Ceux qui jouent avec un vieux ballon de cuir sur un terrain vague, dans un nuage de poussière, ou ceux croisés au milieu d’une rue étroite en terre près de la maison où a grandi la mégastar, dans le gouvernorat de Gharbeya à 120 km au nord-ouest du Caire.
Meilleur joueur africain, arabe et de Premier League, l’attaquant âgé de 25 ans a raflé une impressionnante collection de récompenses pour sa saison exceptionnelle chez les Reds. Problème: il a été blessé en finale de Ligue des champions. Mais personne ne veut penser au pire. Tout le monde se raccroche à ses exploits et ses trophées.
Dernier en date, le Soulier d’or (meilleur buteur) de Premier League grâce aux 32 buts en 38 matchs cette saison: un record dans le championnat anglais.
Ses crampons ont même eu droit à une place d’honneur au célèbre British Museum de Londres, aux côtés des antiquités égyptiennes.
En janvier, tous avaient bu ses paroles quand il recevait le Ballon d’Or Africain: « Ne cessez jamais de rêver, ne cessez jamais de croire ». Alors, tous veulent être « comme Mohamed Salah ».
Présente pour la première fois depuis 28 ans à la Coupe du monde, l’Egypte espère bien que l’enfant du pays y « exploitera » son expérience fructueuse à Liverpool, de l’aveu même du sélectionneur argentin des Pharaons Hector Cuper.
« Il a deux rôles techniques avec l’équipe égyptienne, explique l’analyste sportif égyptien Yasser Ayoub. Le premier est sa performance personnelle et les buts qu’il peut inscrire, le second est que sa présence permet une meilleure performance de l’équipe ».
Selon M. Ayoub, les équipes adverses sont désavantagées car elles doivent consacrer deux de leurs joueurs à « surveiller » Mohamed Salah.
Avant de fouler les pelouses britanniques, c’est dans le centre pour jeunes de Bassioun, près de son village natal, que « Momo » Salah, à l’instar de son père et ses oncles, a fait ses premières armes de footballeur.
« J’ai entraîné Mohamed Salah lorsqu’il était encore un enfant et son talent était clair depuis le berceau », confie Ghamri Abdelhamid Al-Saadani, ancien entraîneur du centre de Nagrig que la star a commencé à fréquenter à l’âge de huit ans.
Poussé par son père, le jeune prodige passe de Nagrig à Bassioun, puis à Tanta (chef-lieu de Gharbeya) avant d’arriver dans la capitale.
Sa réussite actuelle, le pharaon d’Angleterre ne la doit pas seulement à son talent, insiste M. Al-Saadani, « mais aussi à une volonté de fer, à l’effort et la persévérance ». A 14 ans, à l’époque où il rejoint l’Arab Contractors Sporting Club du Caire, « il devait passer environ dix heures par jour dans les transports pour suivre son entraînement quotidien », se souvient Maher Shateya, le maire de Nagrig.
Après Le Caire, direction l’Europe avec le FC Bâle (2012-14), Chelsea (2014-15), la Fiorentina (2015), l’AS Rome (2015-2017) avant son retour triomphal en Premier League à Liverpool.
Au sommet de la gloire, Salah n’oublie pas d’où il vient. Meilleur joueur africain, il a dédié son trophée à « tous les enfants d’Afrique et d’Egypte ».
M. Shateya, insiste sur « l’humilité » du crack et souligne qu’il « fait beaucoup pour les gens du village ».
Outre le terrain de l’école, il a aussi contribué à l’installation d’une unité de soins intensifs à l’hôpital de Bassioun, la ville la plus proche, ou à la création d’une association caritative à Nagrig, qui verse une aide financière mensuelle aux personnes dans le besoin.
Un institut religieux dans son village natal a aussi vu le jour grâce à lui. La religion a une place importante dans la vie du garçon, né de parents fonctionnaires et passé par une éducation musulmane conservatrice.
En dehors du Delta, le prodige s’est affiché dans un clip pour une campagne du gouvernement égyptien contre la drogue chez les jeunes.
A 20 ans, le footballeur a épousé une fille du village, Magi, qui le suivra partout où il pose les crampons. Réputé pieux, le couple a prénommé sa fille unique Makka (La Mecque, en arabe), en référence au premier lieu saint de l’islam.
Derrière une grande porte en fer noire verrouillée, la famille du célèbre footballeur se dérobe à la curiosité de la presse, « par respect pour sa volonté ».
Mais le lien avec la terre natale n’a jamais été rompu. « Au cours des trois dernières années, les vacances de Salah ont coïncidé avec le mois de Ramadan et il les a passées dans le village avec ses amis », raconte ainsi son ex-entraîneur.
(MAP)