De nouveaux raids aériens ont visé lundi la ville syrienne d’Alep, compliquant encore la tâche du secrétaire d’Etat américain John Kerry qui cherche à mettre fin au bain de sang et à rétablir la trêve réduite quasiment à néant.
Arrivé la veille au soir à Genève, John Kerry a rencontré lundi le ministre saoudien des Affaires étrangères, Adel al-Jubeir. Il doit discuter aussi avec l’envoyé spécial de l’ONU pour la Syrie, Staffan de Mistura, du rétablissement du cessez-le-feu, entré en vigueur le 27 février mais gravement compromis ces derniers jours.
Cependant, l’absence des Russes risque de rendre plus difficile l’obtention d’un résultat.
Moscou et Washington sont les initiateurs du processus de paix en Syrie, et M. de Mistura a indiqué que si les deux pays ne parviennent pas à s’entendre il n’est guère probable qu’il y ait des avancées.
Alliée du président syrien Bachar al-Assad, la Russie a fait état dimanche de pourparlers en cours pour parvenir à une suspension des combats à Alep. Les Etats-Unis avaient auparavant appelé à l’arrêt des bombardements du gouvernement sur la partie de la ville du nord de la Syrie tenue par les rebelles.
Plus de 250 civils dont une cinquantaine d’enfants ont péri depuis la reprise le 22 avril des violences à Alep, la majorité dans des raids menés par l’aviation du régime, en violation de la trêve.
Après une journée calme dimanche dans les secteurs est, les raids aériens ont repris après minuit, selon un correspondant de l’AFP sur place.
« Ce qui se passe à Alep est une honte. C’est une violation du droit humanitaire. C’est un crime », a affirmé lundi le ministre saoudien des Affaires étrangères Adel al-Jubeir, avant sa rencontre avec John Kerry. Il a également accusé les Russes et le président Bachar al-Assad de violer « tous les accords conclus » pour soutenir le processus de paix.
Le secrétaire d’Etat américain a quant à lui expliqué que Washington allait demander aux rebelles modérés de se distancer à Alep du Front Al-Nosra, le plus important groupe jihadiste en Syrie après l’Etat islamique (EI).
La Russie et le gouvernement de Bachar al-Assad ont justifié l’offensive sur Alep par la présence d’Al-Nosra, branche syrienne d’Al-Qaïda, qui n’est pas englobé par l’accord de trêve du 27 février.
« C’est ce dont nous discutons, parmi d’autres choses. Il y a différentes façons de l’aborder », a souligné lundi M. Kerry, estimant que « nous nous rapprochons d’un terrain d’entente ».
Dimanche soir, M. Kerry, qui avait rencontré son homologue jordanien Nasser Judeh, avait affirmé: « Nous parlons directement avec les Russes, y compris maintenant ».
Moscou avait annoncé dimanche que des « négociations actives » étaient en cours pour faire terme les armes dans la province d’Alep.
Le Centre russe pour la réconciliation des parties belligérantes en Syrie, créé par l’armée russe pour superviser la trêve, avait indiqué que « les hostilités avaient cessé dans la plupart des régions de Syrie », ajoutant néanmoins avoir enregistré cinq violations du cessez-le-feu à Alep, imputées aux groupes rebelles Ahrar al-Cham et Jaïch al-Islam, que la Russie considère comme « terroristes ».
Les bombardements sur Alep ont fait en neuf jours 253 morts parmi les civils dont 49 enfants, selon une ONG, l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH).
La poursuite des violences menace les chances d’un règlement politique, a jugé Anas al-Abdeh, chef de la Coalition nationale syrienne, principal groupe d’opposition en exil, estimant qu’il revenait aux Etats-Unis de sauver le processus de paix de Genève, dans l’impasse.
Le 3e round de négociations qui avait commencé le 13 avril s’est achevé le 27 avril à Genève. Les principaux représentants de l’opposition ont quitté la table des négociations pour protester contre la dégradation de la situation humanitaire et les violations de la trêve.
M. de Mistura a demandé à ce que le cessez-le-feu soit « revitalisé », avec l’aide de Washington et Moscou, et espère lancer un 4e round de pourparlers courant mai.
La guerre en Syrie a fait plus de 270.000 morts depuis 2011, selon l’OSDH.
Face à la tragédie à Alep, le hashtag « #AleppoIsburning » a été relayé massivement sur les réseaux sociaux, appelant à des manifestations de solidarité dans plusieurs pays du 30 avril au 7 mai.
Par ailleurs, le groupe Etat islamique a mené dimanche deux attaques près du champ gazier de Chaer, dans la province centrale de Homs, et dans la région de Houwaises, 30 kilomètres plus à l’est, selon l’OSDH. Seize soldats syriens et miliciens progouvernementaux et au moins sept jihadistes ont été tués, selon cette source.
(MAP)