On reviendra sur une attitude inappropriée qui tend à persister dans les rouages administratifs du royaume. Certes, on se dote d’une panoplie de textes qui rectifie ces conduites drastiques des employeurs vis-à-vis des divers subalternes au sein de l’administration. Mais, il se trouve que des abus ne sont encore prêts à abandonner ces agissements draconiens. En effet, on a toujours l’habitude d’expédier un commis de l’Etat dans un patelin reculé du territoire national pour le sanctionner. Un comportement fort fréquent au sein des décideurs pour donner l’exemple aux autres dans un système établi.
Si cette conduite semble être déplacée pour la personne concernée, elle l’est également pour la localité d’accueil des agents «indésirables». Ai fait, il est insoutenable de constater que ces coins abandonnés du pays ne soient bons, en fin de compte, que pour punir les «fauteurs». La frustration est alors doublement ressentie. Tout d’abord, elle constitue pour la victime renvoyée un lourd fardeau moral. Ce sentiment de rejet pèsera dans son rapport avec le lieu de sanction et sa nouveau point de chute qui ne parvient nullement à tolérer son existence dans ses murs.
D’autre part, les populations de ces zones purgatives sont, de plus en plus, mal à l’aise à l’idée de savoir que leur «bled» n’est autre qu’un camp d’exil pour «les contrevenants». Cette sensation est d’autant plus mitigée qu’elle donne à croire que le pays est réellement scindé en régions «utiles» et d’autres «inutiles», pour parapher cette distinction aberrante et révolue, aux connotations coloniales. On déplorera alors le maintien de cette approche ségrégative à ce niveau, au point de semer une profonde réaction de d’indignation chez des citoyens, frappés par la privation et l’exclusive.
Le fait de s’entêter à se comporter de la sorte, en termes de mesures disciplinaires adoptées à l’encontre des fonctionnaires de l’Etat, donne bien la preuve que ces espaces purgatoires sont ignorés et délaissés. Excepté pour réprimer les dissidents. C’est ainsi que dans la conscience collective des marocains, des villes «de marge» telles Tinghir, Bouarfa, Foum Zguid, M’hamed Ghizlane, Assa Zag et bien d’autres sont toujours considérés comme des endroits de prédilection pour infliger un châtiment de supplice à tel ou tel gouverneur et caid dégradés, tel ou tel chef de service extérieur démis de ses fonctions dans une métropole du centre.
En fait, on ne saurait guère procéder par discrimination sélective envers des cadres, de manière à concentrer les affectations dans les villes «favorisées» et marginaliser celles se trouvant dans ce qu’on appelle communément le Maroc profond. Plus question alors de considérer ces contrées se trouvant dans les confins du pays comme des lieux de «séquestration» pour tous ceux ou celles ayant, peut-être, «gaffé».
En se conduisant de cette façon, on ne fait, en conséquence» qu’enfoncer le clou pour ces citoyens qui ressentent de la vexation devant de telles intimidations. Il y a bien mille manières de rappeler à l’ordre tous ceux qui faillent à leurs obligations, surtout pas au détriment des concitoyens, profondément affectés dans leur amour propre. Ni la Constitution qui stipule la justice spatiale et sociale, ni les droits humains qui promulguent la préservation de la dignité ne permettent de tels dérapages.