Attendons pour voir…
Nabil Bousaadi
«Je suis une femme, je suis une femme de couleur. C’est ce genre de personnes qu’il faut au pouvoir actuellement pour faire avancer les questions qui comptent». Tels furent les propos de Deb Haaland, choisie par le nouveau président américain Joe Biden pour occuper ce poste de très grande importance qu’est le ministère de l’Intérieur, un vaste département qui gère les ressources naturelles des terres fédérales, les parcs nationaux mais aussi les réserves indiennes.
Ainsi, après avoir désigné comme co-listière, donc comme vice-présidente en cas de victoire, la sénatrice afro-américaine et ancienne procureure générale de Californie, Kamala Harris, Joe Biden a, encore une fois, fait appel à une personne de couleur, une amérindienne, membre de la tribu «Laguna Pueblo» installée au Nouveau-Mexique, pour l’aider à appliquer son ambitieux programme de lutte contre le changement climatique au moment où l’un des premiers décrets signés quelques heures à peine après sa prestation de serment a eu trait au retour «symbolique» des Etats-Unis aux fameux Accords de la COP 21 signés par 195 délégations le 12 décembre 2015 à Paris.
Voulant marquer la fin de l’ère Trump en ce moment où l’industrie pétrolière est en chute libre et où les énergies renouvelables, le solaire et l’éolien ont le vent en poupe, Joe Biden entend faire des chantiers environnementaux, un axe principal de sa politique en leur consacrant une enveloppe budgétaire de 2.000 milliards de dollars sur 4 années.
En remettant, ce jeudi et de manière officielle, les «clés» du ministère de l’intérieur à Deb Haaland, le présiden Biden a tenu à rappeler que l’intéressée «a passé sa carrière à se battre pour les familles, les Nations tribales, les communautés rurales et les communauté de couleur». De son côté, Hillary Clinton a salué, sur son compte Twitter, la nomination de Deb Haaland et y a même vu «un moment historique».
Mais qui est, au juste, cette femme de couleur qui déclare vouloir défendre, de manière « féroce », ses compatriotes, la planète et toutes les terres protégées?
Soucieuse de faire de la lutte contre les violences faites aux femmes, une de ses priorités, Deb Haaland déclare, haut et fort, que «des femmes autochtones sont portées disparues et assassinées depuis l’arrivée des Européens sur ce continent à la fin des années 1400», que «cela ne sera pas réglé avec seulement deux textes législatifs» et qu’«il est maintenant temps d’aller plus loin !».
Tout comme sa mère, Mary Toya, une fonctionnaire fédérale, Deb Haaland est née à Winslow, dans l’Etat de l’Arizona où son grand-père avait été embauché par une compagnie ferroviaire dans le cadre de la politique d’«assimilation culturelle».
Après une enfance passée, comme toutes les gamines de sa communauté, à irriguer les champs ou à faire du pain, Deb Haaland, qui n’oubliera jamais les nombreuses discriminations dont était victime sa tribu, restera marquée par les coutumes, les valeurs et les traditions amérindiennes.
Son père, d’ascendance norvégienne, était un membre des Marines, ce corps d’élite de l’armée américaine. Aussi, les nombreux déplacements de ce dernier la contraindront à changer d’école à de multiples reprises et quand elle décidera de commencer des études de droit, elle ne parviendra pas à les terminer, faute d’argent si bien qu’elle se verra contrainte de recourir à des bons d’alimentation pour subvenir à ses besoins.
Décidée à s’en sortir financièrement, elle se lancera, alors, dans l’entreprenariat en créant une petite entreprise de fabrication de sauces en conserves qu’elle appellera «Pueblo Salsa».
Deb Haaland qui, à en croire son entourage, a «toujours eu de l’ambition», a fait ses premiers pas en politique le jour où elle décida, de son propre chef et avec toute l’énergie qui la caractérise, d’aller à la pêche aux voix au profit du démocrate John Kerry pendant sa campagne pour l’élection présidentielle de 2004.
Ce fut là, à n’en point douter, le point de départ de son engagement politique. Fortement déterminée, elle parviendra, en 2015, à prendre la tête du Parti démocrate du Nouveau Mexique avant de devenir, à peine deux années plus tard, l’une des deux premières autochtones à entrer au Congrès après avoir fait campagne sous le slogan : «Le Congrès n’a jamais entendu une voix comme la mienne». Au Congrès, elle présentera un projet de loi établissant une commission de vérité sur l’internement des amérindiens et défendra, bec et ongles, deux lois afférentes à la lutte contre les crimes dont sont victimes les femmes autochtones.
Enfin, si au vu de l’étendue de la mission qui lui a été assignée, il ne fait aucun doute que la nouvelle ministre américaine de l’Intérieur va avoir beaucoup de pain sur la planche, rien n’indique, en revanche, que Deb Haaland ne sera pas à la hauteur de l’importante charge qui lui a été confiée mais attendons pour voir…