Propos recueillis par Abdelilah Edghoughi (MAP)
L’idée de mettre gratuitement la cinémathèque du Centre cinématographique marocain (CCM) à la disposition des Marocains est une bonne initiative qui intervient dans un contexte «où nous assistons de plus en plus à une disparition quasi-totale des salles de cinéma», a souligné le réalisateur Hakim Belabbes.
Le CCM a pris l’initiative de donner accès à certains films marocains gratuitement, ce qui va leur permettre d’être vus par un large public, a indiqué M. Belabbes lors d’un entretien accordé à la MAP, regrettant que le cinéma et le monde cinématographique soient lourdement impactés (des tournages interrompus, des salles de cinéma fermées..).
«Cette initiative va permettre également à ceux qui n’ont pas la chance d’avoir une salle de cinéma ouverte près de chez eux d’apprécier ce que les créateurs dans le domaine du cinéma au Maroc créent et ce qu’ils offrent», précise le cinéaste marocain, ajoutant que «le citoyen a le droit de voir ces films sous n’importe quel format ou sur n’importe quelle plateforme».
Par ailleurs, le
confinement a des conséquences positives qui ont fait oublier l’impact négatif
de la présence humaine, notamment l’industrie et la pollution de l’air, a noté
M. Belabbes, estimant que ce temps de confinement était un «temps
d’introspection et de réflexion forcées, mais utiles».
«Nous voyons désormais le monde un peu plus clair», a-t-il lancé.
S’attardant sur l’incarnation de son attachement spirituel avec ses origines
dans ses films, le réalisateur résidant à Chicago aux États-Unis, a fait
observer que ce n’était pas une décision volontaire ou pensée de sa part de
renouer avec ses origines, mais cet attachement avait forgé son style et son
parcours cinématographique.
«Je n’ai pas eu d’autres possibilités que par ce processus personnel pour m’exprimer cinématographiquement et cela m’a réconforté», a-t-il révélé, ajoutant que l’élément moral constitue l’élément essentiel dans un récit cinématographique en parallèle avec les décisions esthétiques.
Le cinéma est un «outil de fabrication et de manipulation», un outil «à double tranchant qui peut être utilisé dans plus d’un sens», a-t-il jugé.
«Il fallait que je me batte pour retrouver la manière la plus sincère de m’exprimer. Il se trouve que cela passe par «Bejaad», qui est en fait comme une sorte de puits qui me rafraîchit «, s’est exprimé le fils de cette ville avec un air nostalgique.
«Bejaad est mon
studio de tournage: j’y connais tout le monde, je peux tourner là où je veux,
j’essaye de faire participer un maximum de personnes locales pour m’aider à
faire le film, car je suis chez moi», s’est-il réjoui.
«Cela ne veut pas dire que je ne peux pas tourner ailleurs. Je l’ai fait, mais
je me sens en bonne compagnie quand je suis à «Bejaad» et je peux raconter ce
que je veux et je peux adapter toutes mes histoires dans cet espace», a-t-il
poursuivi.
Approché par la MAP sur les prix qu’il avait reçus ainsi que sur le processus esthétique de ses films, M. Belabbes a dit qu’il essaie de ne pas trop se concentrer sur le fait de juger son travail par les prix que ses films reçoivent.
Quant au processus esthétique, le réalisateur a noté que ce sont les histoires et les moments qui lui dictent un peu le processus et comment les exploiter cinématographiquement.
«Il y a des choses qui ne changent jamais pour moi : cette idée d’être à mi-chemin entre la fiction et la non fiction «, a-t-il dit.
Concernant le processus esthétique de ses films, le cinéaste marocain s’est dit toujours attiré par une certaine fragmentation du récit.
«Je préfère
aussi ne pas avoir à étaler ce qu’on appelle «An establishing shot». Je n’aime
pas établir par un plan large et faire tout ce qui est présentation ou
exposition des personnages et de l’espace», a-t-il expliqué.
«Je préfère être dans l’espace et dans le temps parce que ce dernier est
l’élément le plus essentiel pour sculpter un moment d’humanité sur écran», a
révélé le réalisateur. Interrogé sur ses futurs projets, le metteur en scène a
affirmé qu’il est en train de monter un film qu’il avait tourné en juillet 2019
à Bejaad encore.
«Il s’agit là de
18 histoires dans un seul film et comment elles sont reliées par le temps et
par l’espace», a-t-il confié à la MAP.
«Ces histoires émanent de mon enfance, de mon adolescence et des histoires que
j’ai vécues et d’autres que l’on a racontées», a-t-il précisé.