Espagne
Les socialistes du Premier ministre espagnol Pedro Sanchez et les indépendantistes catalans se lancent jeudi dans une drôle de campagne électorale pour les régionales en Catalogne, sans même savoir si le scrutin aura bien lieu le 14 février.
Reportées à la fin mai en raison de la pandémie, ces élections ont finalement été reprogrammées à leur date initiale sur décision de la justice.
Mais cette dernière doit encore trancher sur le fond d’ici au 8 février, soit … à peine six jours avant le début du scrutin.
En attendant, la campagne électorale s’ouvrira quand même jeudi dans cette région de 7,8 millions d’habitants qui avait été le théâtre en 2017 d’une tentative de sécession.
Mais autre absurdité de cette drôle de campagne en pleine reprise de l’épidémie, le gouvernement régional a autorisé les habitants à sortir de leurs communes, toutes bouclées, pour participer à des meetings à l’affluence limitée. Avant de leur déconseiller de le faire.
Pour le coup d’envoi de cette campagne, Pedro Sanchez viendra présenter à Barcelone son candidat, l’ex-ministre de la Santé Salvador Illa.
Visage de la lutte contre la pandémie, ce Catalan de 54 ans est la carte jouée par Sanchez pour tenter d’arracher la Catalogne aux deux partis indépendantistes qui la gouvernent depuis 2015.
Selon les derniers sondages, M. Illa a des chances d’arriver en tête face à ces formations, Ensemble pour la Catalogne (JxC) de l’ex-président régional Carles Puigdemont et Gauche Républicaine de Catalogne (ERC).
Mais prendre la présidence de la région sera une autre affaire et devra passer par un complexe jeu d’alliances alors que JxC et ERC, plus divisées que jamais, pourraient ensemble être proches de la majorité absolue et gouverner de nouveau.
Selon Oriol Bartomeus, politologue à l’Université autonome de Barcelone (UAB), une victoire des socialistes dans cette élection aux enjeux plus nationaux que régionaux les renforcerait sur l’échiquier politique espagnol face à l’opposition de droite.
Et leur permettrait de priver les indépendantistes d’un gouvernement régional aux larges compétences dans ce pays très décentralisé.
De ce scrutin dépend aussi la pacification de la crise séparatiste en Catalogne, selon l’universitaire.
« Les possibilités de résoudre le conflit (en Catalogne) dépendent de la bataille interne au sein du camp indépendantiste », estime Oriol Bartomeus.
Si JxC gagne, « nous aurons la même situation. Mais si ERC arrive devant (JcX), cela pourrait permettre de débloquer la situation et de dépasser la confrontation permanente », souligne pour sa part Ana Sofía Cardenal, professeur de sciences politiques à l’Université ouverte de Catalogne.
Arrivé au pouvoir en 2018, notamment grâce au soutien au parlement des indépendantistes catalans, Pedro Sanchez s’est fixé pour priorité de trouver une issue à la crise catalane.
Il s’est rapproché d’ERC, plus enclin au dialogue, et n’a pas exclu de gracier les neuf dirigeants indépendantistes emprisonnés pour leur rôle dans la tentative de sécession, dont le président d’ERC, Oriol Junqueras.
Un rapprochement qui se heurte à l’opposition de JxC, partisan du maintien d’une stratégie de la tension.
« Très incertaines », ces élections dépendront aussi grandement de la participation, note Ana Sofía Cardenal.
Au Portugal voisin, l’élection présidentielle de dimanche dernier a connu un taux d’abstention record de 60,6% dans un pays lui aussi confronté à une explosion du nombre de cas de Covid-19.
Les autorités catalanes, qui s’efforcent de convaincre les citoyens qu’ils peuvent voter en toute sécurité, ont facilité le vote par correspondance.
Des créneaux horaires pour voter ont été en outre dédiées aux personnes à risque ainsi qu’aux personnes infectées ou en quarantaine.
Dans ce dernier cas de figure, les membres du bureau de vote seront équipés de combinaisons de protection.