Les chefs de l’UE en Turquie pour relancer un «agenda positif»

Après des mois de tensions

Les dirigeants de l’Union européenne ont entamé mardi une visite en Turquie pour tenter d’impulser un nouveau départ aux relations entre Ankara et Bruxelles, après des mois de tension et la récente promesse turque de promouvoir un « agenda positif ».

Le président du Conseil, Charles Michel, et la présidente la Commission, Ursula von der Leyen, ont rencontré le président turc Recep Tayyip Erdogan pour discuter des modalités de la reprise graduelle des relations économiques et du soutien pour les réfugiés installés dans son pays.

Les deux dirigeants européens devraient s’exprimer lors d’un point presse dans l’après-midi à l’issue de leur rencontre avec M. Erdogan.

Après une année de tensions, les responsables turcs ont multiplié les appels au dialogue avec les Européens pour régler les sujets délicats, qui, outre la dispute maritime gréco-turque en Méditerranée orientale, portent notamment sur le rôle de la Turquie dans les conflits en Syrie, en Libye et plus récemment au Nagorny Karabakh.

Mais les dirigeants européens ont demandé des « gestes crédibles » et des « efforts durables » de la part d’Ankara et l’ont placé sous surveillance jusqu’au mois de juin tout en agitant la menace de sanctions.

Ils ont demandé au président turc des actes pour démontrer sa volonté d’apaisement, notamment en lien avec son contentieux vis-à-vis de la Grèce et de Chypre, le retrait de ses troupes de Libye et le respect des droits fondamentaux dans son pays.

Les autorités turques soulignent leur volonté de procéder à des pourparlers « positifs », en focalisant sur des actions concrètes à mener en ce qui concerne l’immigration.

Mais les dirigeants de l’UE ont prévenu que le maintien de « l’agenda positif », si cher à Ankara, dépendait de la capacité de M. Erdogan à démontrer qu’il demeure un partenaire fiable.

La politique de l’apaisement menée depuis peu par la Turquie survient en effet alors qu’Ankara s’inquiète d’un possible durcissement américain à son égard, avec l’entrée en fonctions d’une nouvelle administration démocrate à Washington.

En guise d’encouragement à la Turquie, l’UE s’est dite prête à engager la modernisation de l’Union douanière, à reprendre le dialogue à haut niveau suspendu en 2019 sur certains sujets comme la sécurité, l’environnement ou la santé, et à accorder certaines facilités de visas pour les ressortissants turcs.

La visite intervient peu de temps après le retrait controversé de la Turquie d’un traité de lutte contre la violence faite aux femmes et du lancement d’une procédure judiciaire pour interdire le parti prokurde HDP, troisième grande formation politique du pays.

Bruxelles a condamné ces développements, tout en restant engagé à travailler avec la Turquie si « la désescalade actuelle se poursuit ».
Mais chacune des deux parties a sa propre liste de reproches à l’encontre de l’autre.

Ankara attend une modernisation de l’accord de l’Union douanière signé en 1995 et une mise en avant de la vocation de la Turquie à rejoindre l’UE en tant que pays candidat, a affirmé une source diplomatique à l’AFP.

Selon la même source, Ankara souhaite aussi le renouvellement de l’accord signé en 2016 avec l’UE et ayant permis de réduire considérablement le passage de migrants vers l’Europe depuis la Turquie, qui a reçu en contrepartie une importante aide financière.

La Turquie accueille près de quatre millions de réfugiés et de migrants, en majorité des Syriens.

Ankara reproche à l’UE de n’avoir versé que 3,7 milliards d’euros d’aide pour l’accueil des migrants sur les 6 milliards promis.

Bruxelles reproche de son côté à Ankara d’avoir arrêté de reprendre les migrants en situation irrégulière sur les îles grecques depuis le début de la pandémie de coronavirus.

Selon Ilke Toygur, une analyste à l’Institut allemand des affaires internationales et sécuritaires, la Turquie cherche une relation transactionnelle avec l’UE. « La Turquie voit un monde multipolaire et divisé où l’influence de l’Occident est en déclin. Elle le voit comme une opportunité pour diversifier ses alliés », a estimé la chercheuse dans un podcast diffusé par son institut.

La préconisation par Ankara de la création de deux Etats à Chypre, alors que Bruxelles soutient une réunification de l’île sous forme d’Etat fédéral, s’ajoute à la longue liste des discordes.
Chypre est divisée depuis l’invasion en 1974 de son tiers nord par l’armée turque en réponse à un coup d’Etat visant à rattacher l’île à la Grèce.

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