La clarification

Par : Abdeslam Seddiki

Le champ politique national continue à être traversé par un brouillard intense rendant la visibilité difficile voire impossible. Ce qui ne fait qu’élargir la distance entre les partis et les citoyens qu’ils sont censés encadrer et tout particulièrement les jeunes.

Doit-on rappeler que  seuls 1% des jeunes de 15-35 ans  déclarent appartenir à un parti ou à un syndicat ? Ce phénomène,  inquiétant pour l’avenir de notre pays et l’évolution positive de son processus démocratique nous interpelle tous et en premier lieu les partis politiques eux-mêmes.  Ces derniers sont appelés à effectuer une véritable mue dans le sens de plus de clarté et de clarification afin d’être en phase avec les principes qu’ils énoncent et les orientations  programmatiques qu’ils prônent.

En effet, tout observateur un tant soit peu averti ne manquera pas de relever la confusion des programmes et l’amalgame des discours de nos partis.  A tel point que le citoyen se retrouve perdu dans cette «jungle politique» et ne sait plus à quel saint se vouer. Tous, «droite», «gauche», «centre», récitent la même chanson et scandent les mêmes slogans ou presque : justice sociale, égalité des chances, modèle inclusif… Ce qui a fait dire à un ami qui a assisté récemment à une rencontre sur «finances publiques et justice sociale» que «tout le monde emploie un discours de gauche» !!  Si telle était effectivement la conviction des uns et des autres, à quoi bon d’avoir toute une pléiade de partis politiques?

C’est cette confusion des rôles, sciemment entretenue?, qui retarde l’évolution de la démocratie.  Les partis politiques ont vocation d’encadrer les citoyens et de rentrer en compétition sur la base des programmes et des projets de société pour essayer de convaincre les électeurs potentiels soit pour  accéder à la gestion des affaires  du pays, soit pour exercer le rôle d’opposition dans une optique d’équilibre des pouvoirs. La situation actuelle de la société marocaine doit en principe inciter les partis politiques à agir dans ce sens. En effet, la stratification sociale de la société marocaine ne prête guère à équivoque, les classes sociales existent bel et bien et  les intérêts antagonistes entre ces classes sont une réalité tangible, le capitalisme se développe et procède à la «destruction créatrice» au quotidien en désagrégeant les  classes sociales et les modes de production traditionnels, les phénomènes d’inclusion et d’exclusion se superposent de plus en plus… Dans ces conditions, le bon sens aidant, chaque parti politique, tout en exprimant son attachement à un certain nombre de valeurs, doit se positionner par rapport à ces contradictions et choisir son «clan» pour ainsi dire. Prétende défendre vaguement  les intérêts de tout le peuple relève de la démagogie et du populisme.  Scander des mots d’ordre de la gauche et faire comme si, tout en gardant une pratique foncièrement de droite, relève de l’opportunisme. Dire que l’ère des idéologies est révolue,  c’est surfer sur les vagues d’une mode dont l’expérience commence à montrer ses limites.

Cette clarification est nécessaire pour nouer des alliances saines et productives entre forces politiques ayant des affinités idéologiques  et sortir le pays de cette transition démocratique qui a l’air de faire du sur-place. Notre pays a besoin d’un front de gauche  fort qui soit le porte-parole  de ces classes montantes et ces couches déshéritées qui se trouvent aujourd’hui sans voix à l’exception de la rue et des réseaux sociaux. Il a tout autant besoin d’un front libéral qui s’assume pleinement et qui a le courage de défendre son projet et de développer une culture et une philosophie libérales. Nous manquons terriblement d’une «bourgeoisie nationale» porteuse d’un projet mobilisateur  qui s’attaquerait- en alliance avec les forces de gauche éventuellement- à l’élimination des résistances au progrès et des privilèges relevant du passé.  Bien sûr, comme dans toute société, les forces conservatrices existent et ont le droit de s‘exprimer. Mais il faut les empêcher de se nourrir de la mamelle religieuse en donnant leur propre interprétation de l’islam à des fins inavouées. Soyons clairs : la religion doit être laissée à l’écart de la compétition politique. La constitution ne mentionne qu’un Seul Commandeur des Croyants qui est SM le Roi. Et personne n’a le droit de s’interférer entre Dieu et  le citoyen.

Cette clarification, rendue impérative et urgentissime,  donnera du sens au politique et donnera, par conséquent, le goût aux citoyens pour renouer avec les partis politiques. La balle est désormais  dans le camp de ces derniers. Qu’on ne vienne pas chercher des alibis pour justifier leur léthargie. Et continuer à  faire de l’agitation dans l’immobilisme. Faut-il rappeler cette évidence : pas de démocratie sans partis politiques, et pas de démocratie sans démocrates!

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