L’ONU, butin de guerre pour Israël

Par Jamal Eddine Naji

Il se leurre celui qui pense qu’Israël compte sur ses bombes made in USA, pour effacer de sa « terre promise » l’existence même des Palestiniens ! L’arme de destruction massive sur laquelle compte ultimement à cette fin Netanyahou est immatérielle : c’est la démolition méthodique et permanente de ce que nous appelons le «Droit International».

Ce même «Droit» au nom duquel l’ONU avait permis, en 1947, aux commandos armés de Haganah et d’Irgoun, qualifiés de «terroristes» par l’occupant britannique, de déclarer un État hébreu sur cette terre où vivaient plus de 1,3 million de palestiniens (musulmans, chrétiens, druzes) et près de 650.000 juifs. On estime à plus de 800.000 palestiniens et palestiniennes qui furent chassés de leur terre (la «Naqba» de 1948) suite à ce hold-up autorisé par la résolution 181 adoptée le 29 novembre 1947 par l’ONU lors de sa 128ème séance plénière. Créée en 1945, l’ONU ne comptait alors, lors de ce vote, que 56 pays membres dont 33 ont voté pour cette résolution, 13 contre et 10 pays se sont abstenus dont la Grande Bretagne – à noter ! – la puissance qui administrait et occupait la Palestine au titre du mandat qui lui avait été confié en 1920 par une décision de la «Société des Nations» (SDN). Laquelle SDN, créée par le traité de Versailles consacrait le dépeçage de l’Empire Ottoman au profit des puissances victorieuses de la guerre 14/18 : la Grande Bretagne et la France, les plus grands empires coloniaux à l’époque.

Si la SDN, a été dissoute en avril 1946 pour laisser place à l’ONU, proclamée à San Francisco en octobre 1945, la donne restait pratiquement la même, changeant juste de continent pour le siège (de Genève à New York) …  La SDN était un club des puissances coloniales, l’ONU reproduisait la même domination des grandes puissances du moment : USA, UK, France, URSS, Chine, les cinq membres du Conseil de Sécurité (CS) qui jouissent exclusivement, de jure, du fameux et déterminant «droit de veto».

Sauf que ce droit de veto peut être exercé de facto, et il l’est par un seul État membre : Israël ! Plus de 100 résolutions du CS concernant la Palestine ont été ignorées, à ce jour, par Israël et davantage de résolutions de l’Assemblée Générale onusienne… Une résolution du CS du 29 Mars 1955 condamnait déjà Israël pour un raid sur Ghazza ! Autant dire que l’ONU, avec ses puissants membres du CS et ses 192 membres, ne pèse rien devant le « destin divin du Grand Israël » que poursuivent Netanyahou et ses alliés messianiques et suprématistes pour le 193 ème État membre, Israël, admis dans ce grand temple du Droit International en Mai 1949.

Mussolini et Auschwitz

Benyamin Netanyahou tient son opiniâtreté pour réaliser le «Grand Eretz Israël» (terre promise) de son géniteur, Benzion Netanyahou, russe natif de Varsovie, en 1910 (quand la Pologne faisait partie de l’Empire russe). Historien, Netanyahou père a été un activiste acharné du «sionisme révisionniste» (extrême droite par rapport aux sionistes travaillistes) avec une admiration déclarée pour Benito Mussolini, fondateur du fascisme… Fidèle à son héros de père, «Bibi», fait toujours une lecture religieuse et non profane du conflit avec les Palestiniens… Il répète à qui veut l’entendre qu’il est fier d’avoir enterré le projet «mirage» de deux États après l’accord d’Oslo… Quand le travailliste Rabin, signataire d’Oslo, gagnait des élections,  Netanyahou déclarait que celui-ci avait « gagné les voix d’Israéliens mais pas de juifs»… Netanyahou ne prononce jamais, à dessein, «Hamas» mais «Khamas», mot hébreu qui désigne dans la Torah la violence à combattre, qui fait peur au croyant juif (comme le déluge pour les chrétiens et les musulmans)…Il a recours constamment à la manipulation constante par la lecture religieuse et messianique de toute crise découlant de ses actes, ou émoi international, notamment de l’ONU, d’une des agences ou d’un des instruments de celle-ci… «J’ai été très clair avec la communauté internationale !», martèle-t-il, à chaque fois, tel un inquisiteur tout puissant face au monde entier… Comme récemment, après le jugement de janvier de la Cour Internationale de la Justice qui enjoignait à Israël comme à toute la communauté internationale de prévenir le risque de génocide à Ghazza.

La communauté internationale dont la conscience est censée être représentée par l’ONU, Netanyahou use du mensonge cynique qu’il faut pour l’intimider, l’inhiber quand il n’arrive pas à la figer dans une indulgence plus ou moins manifeste. Il tresse toujours son propos de plusieurs contraires : les promesses divines des Écritures, la violence ségrégationniste et raciste bien éprouvée par le Fascisme et l’Apartheid, l’ingrédient démocratique (comme les élections) et l’internement administratif à vie sans jugement, l’assassinat ciblé ou l’opprobre fabriqué, partout dans le monde, le chantage pour inféoder le dirigeant comme le prétendant, y compris chez les plus puissants, alliés ou ennemis …Il exploite à outrance la mémoire (de la Shoah, des pogroms) et la mêle à des prophéties sur le Mal et le Bien… Le Mal étant tout ce qui est opposé à un Grand Israël exclusivement pour les juifs… Et l’ONU, pour lui, est dans ce camp du Mal. «J’ai honte, vous avez donné une récompense à la violence» (sous-entendu Hamas ou «Khamas» !) cria l’Ambassadeur de «Bibi» à la tribune des Nations Unies, suite au vote de ce vendredi 10 Mai par l’Assemblée Générale sur le projet d’admettre la Palestine comme État-membre à part entière ! «Honte à vous !» ajouta ce porte-voix de Bibi avant de broyer la charte des Nations Unies dans une déchiqueteuse portative devant les délégués de 192 pays !

Si l’ONU « a été construite sur les cendres d’Auschwitz » (réplique de la  grande militante de la cause palestinienne, l’actrice Vanessa Redgrave, dans le film canadien «The Whistleblower»), Netanyahou et ses alliés œuvrent pour déchiqueter le Droit International, pour désintégrer l’ONU ou, pour le moins, approfondir sa crise qui «est irréversible» comme nous avertit le Prix Nobel de la Paix, José Ramos-Horta, Président de Timor Oriental, ex-enseignant à l’Académie de Droit International de La Haye.

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