Attendons pour voir…
Nabil El Bousaadi
La guerre d’Ukraine, l’interminable génocide en cours dans la bande de Gaza ou encore le retour à la Maison Blanche d’un président qui parle tellement fort en tirant sur tout ce qui bouge que sa voix couvre tout ce qui se passe ailleurs, ont tellement retenu l’attention de la communauté internationale qu’en certains endroits de la planète, des évènements sont passés inaperçus en dépit de leur extrême gravité.
C’est le cas, notamment, de ce qui a lieu, au Koweït, depuis qu’après le décès de son frère Cheikh Nawaf, dont il avait assuré l’intérim pendant 3 ans, lorsque l’état de santé de ce dernier s’était particulièrement dégradé, l’émir Mechaal Al-Ahmad Al-Jaber Al-Sabah en avait pris les rênes, le 16 décembre 2023.
Ainsi, dans le cadre de la « lutte contre la fraude » mais au mépris du droit international, ce sont quelques 42.000 Koweïtiens qui, ces six derniers mois, ont été déchus de leur nationalité koweïtienne dont 464 – principalement des épouses de koweïtiens – durant la seule journée du 6 Mars 2025.
Etant, désormais, apatrides puisqu’elles avaient dû abandonner leurs nationalités d’origine, ces dernières n’ont plus accès ni aux soins hospitaliers gratuits ni aux généreuses prestations sociales qui leur étaient versées par l’Etat koweïtien.
Et, comble de l’ironie, les permis de conduire de certaines d’entre elles ont été « invalidés » et elles ne peuvent même plus avoir accès aux services bancaires.
Mais bien que la révocation de nationalité, qui a toujours existé dans le pays, mais qui était rare, rentrait dans le cadre de décisions judiciaires prises à l’encontre d’opposants politiques ou de détenus qui, après avoir été accusés de terrorisme à la suite des évènements du 11 Septembre 2001 avaient fait un détour par le célèbre pénitencier de Guantanamo, force est de reconnaître que la déchéance massive de nationalité, observée au Koweït depuis septembre dernier et constituant une incontestable dérive autoritaire, repose essentiellement sur l’amendement législatif autorisant le retrait de la nationalité koweïtienne pour « turpitude morale », « malhonnêteté » ou même pour « des actions visant à menacer la sécurité de l’État, y compris des critiques à l’égard de l’émir ou de figures religieuses » qui avait été promulgué en décembre dernier.
Cet amendement permettant à un comité suprême, présidé par le ministre de l’Intérieur, d’examiner, au cas par cas, les conditions ayant permis l’octroi de la nationalité koweïtienne, chaque semaine les listes des personnes « sanctionnées » sont rendues publiques et, dans l’attente de la publication de ces documents, nombreux sont ceux qui sont très angoissés car ils craignent d’y voir apparaître leur nom ou ceux de leurs proches.
Pour justifier la campagne de déchéance de nationalité menée par le Koweït depuis la promulgation de la loi y afférente, le ministre de l’Intérieur, Cheikh Fahad al-Youssef, a déploré, sur les ondes de la télévision nationale, que «le Koweït a(it) été instrumentalisé par d’autres nationalités».
Mais si l’Etat entendrait, par-là, «sanctionner les criminels étrangers qui profitent des généreuses aides sociales versées aux Koweïtiens», un membre de la famille royale ira même jusqu’à adopter un comportement ouvertement xénophobe en déclarant que ces étrangers risquent de porter atteinte à la «nature authentique» de la société koweïtienne et de générer des «confusions de lignage».
Sachant que le Koweït a donné le coup d’envoi à une véritable «chasse aux sorcières» en ouvrant une «ligne d’assistance téléphonique» qui encourage ses ressortissants à rapporter les cas des personnes qui détiendraient encore la double nationalité et à dénoncer celles qu’ils suspectent d’avoir produit de faux documents pour l’obtention de la nationalité koweïtienne, attendons pour voir…