«En Afrique de l’Est, le Maroc d’écrire une nouvelle page blanche»

Alioune Gueye, fervent promoteur de l’Afrique, a créé le Groupe Afrique Challenge en 1999 qui se veut un espace dédié au renforcement des capacités des dirigeants et du middle management, des entreprises et institutions publiques et privées africaines. Il exerce également dans le conseil en management, la maîtrise médicalisée des dépenses de santé et l’édition. Chaque année, le groupe organise un forum des dirigeants à la Sorbonne, mais aussi plusieurs forums interafricains dans toutes les disciplines du management.

Al Bayane : Pouvez-vous nous dresser un bref état des lieux de la présence marocaine en Afrique?

Alioune Gueye : Le Maroc, depuis le début des années 2000, se déploie à travers le continent en s’appuyant sur ses champions nationaux. Cette stratégie a débuté par son premier cercle, principalement francophone, en Afrique de l’Ouest et du Centre, avec notamment le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Gabon, mais aussi le Cameroun et la Guinée Conakry. Plus récemment,le Maroc aborde l’Afrique de l’Est et centrale, majoritairement anglophone, avec le Rwanda, la Tanzanie, l’Ethiopie et le Nigéria. Dans ces pays, le Maroc se déploie à travers trois canaux: le transport des biens et des personnes à travers Royal Air Maroc, le transport de la voix, des données via l’opérateur historique Maroc Telecom, et celui des flux financiers grâce à des banques comme Attijariwafa, la Banque Populaire et la BMCE notamment.

Bien entendu, la présence marocaine dans ces pays ne se limite pas à ces trois secteurs, bien au contraire. En effet, l’assurance, les technologies de l’information, l’immobilier, la formation professionnelle, mais aussi l’agriculture, les travaux publics sont des secteurs dans lesquels les entreprises marocaines gagnent du terrain.

Quelles sont les chances du Maroc en Afrique de l’Est?

Je pense que le plus grand atout du Maroc en Afrique de l’Est, c’est d’abord qu’il écrit avec ces pays une nouvelle page blanche, car il n’y a pas d’antécédents d’échanges économiques consistants avec ces pays. Le Maroc a réalisé des avancées économiques certaines et dispose d’un capital expérience récent qu’il peut rapidement partager avec les pays de l’Afrique de l’Est qui rencontrent les mêmes préoccupations en matière agricole, industrielle, financière, immobilière, touristique…

Toutefois, une attention particulière doit être accordée aux subtilités culturelles. L’Afrique est un continent, mais il compte cinquante-quatre pays avec des peuples, des états d’esprits, des histoires et des langues différents.

Pensez-vous que les opérateurs marocains puissent aisément outrepasser les obstacles de la langue, du risque, de l’éloignement géographique?

Ce n’est jamais simple et les opérateurs économiques marocains doivent s’y préparer comme le font les Américains, les Chinois ou les Malaisiens.

Pour cela, ils devront suivre des cursus de management interculturel afin de se préparer à l’expatriation, tout comme doivent travailler à mettre sur pied un Centre d’Etudes Africaines orienté «business» qui aura pour mission de faire des études sectorielles sur l’Afrique, de produire des données économiques fiables, d’animer des séminaires et conférences ayant trait au continent, en partenariat avec des chaires «Afrique» portées par des universités pour accompagner ce mouvement de déploiement sur le continent.

Ceci étant, il faut dire que le choix du Maroc n’est pas d’expatrier des cadres sur le reste du continent, mais plutôt de co-développer, c’est –à-dire de s’appuyer sur du capital humain local à chaque fois que cela sera possible. Si l’AMCI –Agence Marocaine de Coopération internationale- offre plus de bourses à des ressortissants de ces pays, on parviendra à produire des cadres qui connaissent à la fois le Maroc et leur pays d’origine et ils n’en seront que de meilleurs ambassadeurs : de leur pays au Maroc et du Maroc dans leur pays d’origine.

Quels sont les grands pays investisseurs en Afrique de l’Est?

Naturellement ce sont les pays d’Asie pour des raisons de proximité géographique, et de décalage horaire. N’oublions pas que le Maroc est de l’autre côté du continent. Un chef d’entreprise marocain mettra quasiment 18 heures pour se rendre à Singapour avec 08 heures de décalage horaire, comparés à huit heures de vol pour un kenyan avec un décalage de 05 heures. Dans le business, le temps est déterminant. On trouve dans ces pays d’Afrique de l’Est des Chinois, des Indiens, des Pakistanais, mais aussi des Grecs, des Italiens…

Cette présence s’explique également par des raisons historiques. La communauté indienne est présente au Kenya, en Tanzanie, en Afrique du Sud depuis des siècles et cette communauté a toujours gardé des liens avec son pays d’origine. Pas étonnant que les relations se soient intensifiées et diversifiées dans l’industrie, la finance et de plus en plus dans les technologies de l’information, la grande distribution.

Quels types de stratégie ont-ils mené en Afrique de l’Est pour réussir leur implantation et leur développement?

La Chine a utilisé la même stratégie sur tout le continent, à savoir la stratégie «plug and play». Elle met à disposition l’argent, les hommes et la technologie, en contrepartie souvent de ressources du sous-sol, pétrole, fer, or…

L’Inde s’appuie sur sa diaspora, qui a fait souche dans des pays comme le Kenya et l’Afrique du Sud, notamment pour développer son influence.

Les investissements singapouriens plus récents, dans la gestion portuaire et la planification urbaine, s’appuient de plus en plus sur une diplomatie économique brillante et offensive.

***

Des opportunités d’investissement à saisir !

L’Éthiopie

Population : 99.390. 759habitants

Surface : 1.127.127 km 2

PIB : 61, 54 milliards de dollars

PIB/hab : 590 dollars

Taux de croissance : 9 ,6%

Capitale : Addis-Abeba

Source :Banque mondiale, dernières données 2015

Longtemps décrit comme un pays sans espoir, ravagé par la pauvreté, la famine et les effets de la dictature militaire (1974-1991), l’Ethiopie a bénéficié durant cette dernière décennie (jusqu’en 2014) d’une croissance à deux chiffres, atteignant un peu plus de 10% annuellement, ce qui la classe deuxième en Afrique en termes de croissance, après l’Angola.

Les taux de croissance fulgurants qu’a connus l’Ethiopie pendant la dernière décennie sont le fruit d’une politique d’investissements ciblé dans différents secteurs (principalement les transports, les télécommunications et le secteur énergétique) et d’une amélioration relative de la stabilité politique et sociale.

L’économie éthiopienne repose principalement sur l’agriculture : 80% des habitants vivent dans les campagnes. Le secteur primaire est entravé par des pratiques agricoles archaïques, combinées à la dépendance à l’agriculture pluviale et aux conditions climatiques extrêmes, entre sécheresse et inondations. C’est pour cela que le gouvernement encourage activement la diversification de l’économie, notamment en favorisant des secteurs tels que l’industrie (le secteur des textiles avec la fabrication de chaussures, le tannage du cuir et la production de coton) et l’énergie (énergies hydrauliques et sylviculture). En ce qui concerne le secteur tertiaire, le tourisme est dominant, l’Ethiopie accueillant des touristes étrangers ainsi que sa diaspora en masse.

 

Le Rwanda

Population : 11,61 millions d’habitants

Surface : 26.338 km2

PIB : 8,096 milliards de dollars

PIB/hab : 742,9 dollars

Taux de croissance : 6,9%

Capitale : Kigali

Source : Banque mondiale, dernières données 2015

Très rares sont les personnes qui auraient parié que le Rwanda, victime de l’un des plus grands génocides populaires de l’histoire, pourrait aussi rapidement dépasser ce qui l’a si profondément divisé. Le Rwanda est, aujourd’hui, en train de se mouvoir en véritable exemple de développement pour tous les pays africains.

La croissance rwandaise est portée par un secteur des services très dynamique, une agriculture de subsistance et de nombreux projets d’investissement public. Sa constance repose sur une relative stabilité macroéconomique. La seconde Stratégie de développement économique et de réduction de la pauvreté (Economic Development and Poverty Reduction Strategy – EDPRS) pour la période 2013-18 appelle à une expansion des zones économiques ciblées et spécialisées, ainsi qu’à une transformation du réseau logistique rwandais. Parmi les autres mesures, on peut citer le plan de développement du tourisme aux abords du lac Kivu (Kivu-Belt Tourism Master Plan). Le Rwanda se veut aussi un futur hub financier et d’investissement régional.

Le Rwanda tire, également, son épingle du jeu grâce à des politiques sociales efficaces, en faisant de l’éducation pour tous et de l’accès aux soins des priorités de son gouvernement. Le Président Paul Kagamé a saisi l’importance d’investir dans le capital humain pour rendre la croissance de son pays inclusive et pérenne.

Le Rwanda peut aussi compter sur un climat des affaires très attractif, parmi les meilleurs du continent (troisième pays africain au classement Doing Business, au-dessus de la moyenne mondiale). Par ailleurs, le pays est connu pour être un État où règnent les principes de bonne gouvernance, une certaine transparence et une tolérance zéro pour la corruption.

La Tanzanie

  • Population : 4 8,7 millions d’habitants
  • Surface : 088 km 2
  • PIB : 45,628 milliards de dollars
  • PIB/hab : 1015 dollars
  • Taux de croissance : 6,96%
  • Capitale : Dodoma

Source : Banque mondiale, dernières données 2015

La Tanzanie, pays prometteur d’Afrique de l’Est, fait rarement les gros titres de la presse internationale, contrairement à ses voisins, le Rwanda ou le Burundi. Pourtant, ce pays continue son ascension économique, et plusieurs grandes avancées dans différents secteurs laissent présager un développement économique imminent. Le pays enregistre un taux de croissance compétitif de 6,96% qui devrait continuer à progresser dans les années à venir.

Il bénéficie de ressources minières telles que l’or, le gaz ou les pierres précieuses, et de nombreux investissements publics et privés dans ce secteur contribuent considérablement à la poussée des indicateurs économiques. L’agriculture tient également une place de choix dans l’économie tanzanienne, qui jouit d’une production agricole variée (production bovine, clous de girofle, tabac, blé, manioc, etc.). Le secteur tertiaire demeure le composant principal de l’économie du pays et représente 48,9% du PIB, avec des secteurs tels que les télécommunications, les services financiers, les transports, ou le tourisme.

La diversification de l’économie tanzanienne et les nombreux secteurs d’activités du pays en font une destination privilégiée pour les affaires. En effet, le classement Doing Business de la Banque mondiale positionne la Tanzanie au 16e rang Africain.

Soumayya Douieb

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