A la manière des grands peintres et photographes, Wahib Chehata, artiste singulier, explore les couleurs, séduit la lumière et incarne les questions de l’identité, de ses origines à travers la photographie. Fasciné par la renaissance et ses mythologies, l’artiste est parti de l’Afrique vers l’occident et est retourné ensuite dans son continent pour y puiser ses sujets de travail. Pour Wahib Chehata, la photographie n’est qu’un élément parmi ses outils de langage L’artiste expose ses œuvres jusqu’au 28 avril 2017 au Musée Mohammed VI d’art moderne et d’art contemporain de Rabat.
Al Bayane : Pourquoi avoir choisi l’Afrique comme sujet de travail?
Wahib Chehata : C’est un choix lié à mes racines et à une quête d’identité. Je suis né en Tunisie, j’y ai grandi. Je me suis développé en France et j’ai constaté que la parole avait un sens en Afrique. On y trouve des histoires, des corps et un regard innocent qui m’intéressent. A la manière des peintres, je suis allé chercher un sujet que j’ai exploré à ma manière. Comme je m’inscris dans la peinture occidentale, je voulais poursuivre sur cette lancée. Donc j’ai pris un sujet africain que j’ai inscrit dans la tradition picturale occidentale, notamment celle qui appartient à la période de la renaissance au 19e siècle. Ma peinture s’inscrit dans ce prolongement.
Dans vos œuvres, il y a un travail fascinant sur la lumière. Pouvez-vous nous en dire plus sur votre conception de l’art?
Je suis fascinée par la peinture de la renaissance avec toutes ses mythologies, sa construction, le travail sur la lumière, la composition, l’approche qui relève de la foi et pas uniquement de la technicité. Il s’agit d’une application au travail de l’art qui s’inscrit dans la recherche de l’excellence, de la maîtrise de son objet avant même le propos. Je me sens proche de cette tradition.
Dans cette optique, que représente la photo pour vous ? Est-ce un simple médium?
J’ai voulu, à travers l’appareil photo, définir la peinture à travers le geste. La photo n’est qu’un élément parmi mes outils de langage. Je l’emploie comme un peintre, en gardant à l’esprit, la présence de mon corps, la maîtrise du sujet essentiel à fixer, du format, de la composition en termes de lumière, de vibration, d’incarnation. Bref, il s’agit pour moi de maitriser mon sujet du début jusqu’à la fin comme un peintre.
Dans votre travail, on trouve des portraits, des scènes, des corps, des postures mais aussi et surtout de l’identité…
Je suis le fruit d’un croisement, d’un ensemble de cultures, de croyances, de langages. C’est un élément qui me permet de m’exprimer, de présenter la peinture dans son aspect universel, c’est à dire la désenclaver des cultures, des appartenances. J’essaie de la situer avec une sorte de foi supérieure. C’est pour cela que je travaille sur les mythologies. Je m’approprie d’une certaine manière le mythe chrétien ou la représentation catholique et j’en fais un élément transversal et plus universel. Je vois l’Afrique à travers le prisme d’un peintre. J’ai fait le chemin inverse des orientalistes. Plutôt que de partir de l’Occident vers l’Afrique, je suis parti de l’Afrique vers l’occident, puis je suis revenu parce qu’il y avait une matière brute et intéressante en Afrique. Je voulais un sujet ne dégageant aucune émotion que celle de l’instant.
Mohamed Nait Youssef