Casablanca rend hommage à son fils prodige

La ville de Casablanca rend hommage à son enfant, le grand écrivain Driss Chraïbi, du 11 au 14 avril, avec au programme un colloque international sur ce grand romancier et son immense œuvre et des représentations théâtrales de « La Civilisation ma Mère », de « La Mère du Printemps », en commémoration du 10ème anniversaire de sa mort.

La communauté scientifique et le milieu littéraire tendent rendre hommage à cette grande figure de la littérature marocaine et universelle à travers un riche programme de communications, de tables rondes et une exposition d’éditions originales d’ouvrages et de documents de Driss Chraïbi, avec la participation de chercheurs, traducteurs, écrivains et artistes de différents pays (Maghreb, France, Espagne, Italie, Allemagne, USA), selon l’un des initiateurs de cette manifestation culturelle, Kacem Basfao, grand ami du défunt romancier.

« Bientôt dix ans que Driss Chraïbi (1926-2007) nous a quittés. Cela justifie pleinement de prendre le temps d’un regard rétrospectif sur l’œuvre et l’homme ». C’est pourquoi un colloque international se tiendra du 11 au 14 avril 2017 à Casablanca pour marquer cette commémoration. A travers cette manifestation riche en activités, Casablanca tend faire de 2017 l’année de Driss Chaibi », a confié l’universitaire dans une interview à la MAP.

« Il y a dix ans, le grand écrivain Driss Chraïbi, l’auteur du Passé simple et Un ami viendra vous voir, tirait sa révérence et est enterré dans sa ville, Casablanca. Dix ans après, on parle toujours de Driss Chraïbi, on voit bien la postérité et la stature universelle de ce grand écrivain et son importance consacrée par le temps qui passe », souligne M. Basfao, ami de 30 ans de Chraïbi.

Ce colloque sera l’occasion de revisiter les textes de l’auteur et les nombreuses dimensions de l’œuvre encore largement méconnues et sur lesquelles la recherche commence tout juste à se pencher, et, tout particulièrement, la très importante production de l’homme de radio : celle du producteur d’émissions de médiation culturelle et de vulgarisation de la culture arabo-musulmane, mais aussi et surtout celle de l’adaptateur de fictions.

« L’objectif étant de faire l’état des lieux de la recherche sur l’écrivain, procéder à une relecture de ses œuvres et à une réactualisation des approches de sa production littéraire », explique M. Basfao, également critique littéraire. Cette commémoration sera donc l’occasion de cumuler les apports de la recherche et de l’ouvrir à d’autres questionnements.

« Il est grand temps pour avoir l’audace de reconnaitre et revendiquer l’universalité de nos plus grandes figures d’écrivains en soulignant la fécondité de leur œuvre », relève M. Basfao, précisant en ce sens que Driss Chraïbi a écrit des livres pour enfants (Les Aventures de l’âne Khâl), des romans policiers littéraires (Une enquête au pays, L’Inspecteur Ali, Gallimard…), des livres de très grande spiritualité (L’âne, Les Boucs) ainsi que des ouvrages qui sortent du régionalisme littéraire, « Un ami viendra vous voir », « Mort au Canada ».
Pour lui, Chraïbi a porté le particulier marocain à l’horizon universel, en s’érigeant en écrivain à part dans les littératures du Maghreb, en précurseur et en devancier dans ses écrits. Chraïbi écrit sur la société de la communication et de la consommation, la condition humaine, mais de l’intérieur, avec de l’émotivité, de sensibilité, et parfois de distance », note M. Basfao.

Mettant en avant la force, les capacités humaines, la proximité et la sensibilité du défunt écrivain, M. Basfao estime que Driss Chraïbi est de ces écrivains marquants dont la durée, loin d’éroder l’impact de leurs textes phares, les fait apprécier à leur juste valeur.

Pour ce critique littéraire, « la véritable consécration d’un écrivain, c’est l’intérêt porté à ses œuvres, car la présence d’un auteur après son absence, c’est de par l’importance de débat suscité par son œuvre ». Soulevant des questionnements en des termes inédits au moment de leur publication, ces textes n’ont rien perdu de leur actualité ni de l’acuité et de l’intérêt du rapport au monde qu’ils présentent.

Abordant les facettes méconnues de son œuvre, l’universitaire fait savoir que Driss Chraïbi animait une émission de Radio sur France culture « théâtre noir », outres ses textes radiophoniques dont L’Homme qui était mort et D’autres voix.  Par ailleurs, il estime que l’exposition des ouvrages originales de Driss Chraïbi lors de cette manifestation s’inscrit dans le cadre des efforts visant à sensibiliser à l’importance de la littérature et de la culture, appelant à faire de la ville de Casablanca une capitale de la culture à travers la promotion du tourisme culturel.

Déplorant le désintérêt de la nouvelle génération pour la littérature, le professeur universitaire insiste sur le rôle de la famille et de l’école pour transmettre aux enfants l’amour de la lecture, car, selon ce pédagogue, « il n’y a pas d’autres moyens pour maitriser les langues que la lecture, l’élément clé au niveau de l’enseignement pour intégrer les langues et la culture c’est faire lire ».

Cette commémoration sera l’occasion de cumuler les apports de la recherche et de l’ouvrir à d’autres questionnements dont « Lectures de Driss Chraïbi : Etat des lieux de la recherche », « Relectures de Driss Chraïbi : Actualité de l’œuvre », « Traduire/interpréter les textes Chraibine : Quels défis ? » et « Driss Chraïbi lu, vu et entendu par les créateurs ».

Professeur de la littérature à l’université Hassan II de Casablanca, Kacem Basfao est un critique littéraire spécialiste de la littérature maghrébine de langue française. Dans sa thèse de doctorat : « Structures du texte et du récit dans l’oeuvre romanesque de de Driss Chraïbi », soutenue en 1989, l’auteur analyse les contenus riches des entretiens qu’il a réalisé avec Driss Chraïbi.

Khalid El Harrak

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