El Jadida: question de mémoire collective

Le fardeau est devenu très lourd à supporter. Aussi, aujourd’hui ce n’est pas sur la question de la défiguration des beaux traits de La ville que je vais donner libre cours à mon indignation et ma colère.Ce n’est pas, non plus à cause de cette solitude nostalgique qui me serre horriblement le cœur ni encore en raison des mille et une aberrations ayant fait d’El Jadida cet épouvantail qui fait peur aux locaux avant les visiteurs, alors que pas plus loin qu’hier elle faisait chanter les sirènes.

Non, ce n’est pas en réaction contre ces prises de décisions incongrues, ces barcasses à ordures débordantes, ces routes malmenées, ce désordre ambulant, cet éclairage public étouffant, ces parcs qui périclitent… que je vais libérer les flux de déceptions et d’incompréhensions qui me taraudent tout au long de ces dernières années, où je me retrouve étranger dans une ville étrangère et qu’on continue d’appeler El Jadida par respect à l’histoire.

Cette héroïque et belle histoire qui nous ramène aux artisans qui ont forgé l’indépendance de notre pays et à leur tête Feu Sa Majesté le Roi Mohammed V, que Dieu l’ait en sa sainte miséricorde.

Ainsi donc, c’est pour rendre symboliquement un Grand Hommage à cet Auguste Roi qui avait fait fusion avec son peuple lors des périodes les plus difficiles, que la ville d’El Jadida avait changé le nom du parc Lyautey en parc Mohammed V tout en installant une stèle commémorative portant son effigie. Plus qu’un symbole, c’est un des plus précieux repères historiques qui fait la fierté de tout un chacun, comme il doit être légué en héritage aux futures générations pour qu’ils soient en phase avec un passé qu’ils n’ont pas vécu.

Toutefois, l’insolite que nous vivons depuis quelques temps, c’est que cette effigie qui porte en elle tout un pan de notre histoire contemporaine a disparu assez de temps sans que cet acte qu’on peut qualifier comme “sacrilège”, ait été suivi par une véritable levée de boucliers afin de démasquer les tenants et aboutissants de ce “pillage.

A défaut, d’une enquête sérieuse et qui s’impose, on aurait dû au moins mettre en place une copie similaire en attendant l’aboutissement de cette affaire qui nous concerne tous.

Depuis le temps où nombre de symboles et archives, censés immortaliser la mémoire collective de cette ville, disparaissent dans un silence énigmatique, depuis le temps où  même le bâti à forte charge historique est laissé à l’abandon ou devient sujet de négociations à connotation mercantile, on serait tenté de croire que le goût du lucre rapide, attisé par une irresponsabilité inadmissible, l’emportent de basse main sur les valeurs humaines qui ne peuvent avoir un sens sans ce regard nostalgique vers notre passé et les repères qui doivent  continuer à marquer son acheminement dans le temps.

Il se peut que certains me rétorquent que le monde avance de l’avant et qu’il appartient à l’avenir, ou que les vieilles fripes ne sont bonnes que pour les poubelles, ce qui est une insulte impardonnable envers ceux qui les ont  façonnées et portées dans la joie comme dans la douleur. Il se peut aussi que certains dépassements vis à vis  de nos lieux et places de mémoire, arrivent à s’entourer de quelques appuis plus ou moins tolérants, pour une raison ou une autre, mais lorsqu’il est question de repères à forte charge historique le pardon ou la tolérance n’ont plus le même sens ni la moindre place.

Chahid Ahmed

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