Le nouveau chef du gouvernement espagnol, le socialiste Pedro Sanchez, œuvre pour constituer un gouvernement minoritaire où ne figureront pas de ministres appartenant au parti de gauche radicale Podemos, a indiqué la porte-parole du groupe socialiste au Congrès des députés espagnol, Margarita Robles, dans des déclarations rapportées dimanche par les médias.
«La position de Pedro Sanchez est claire. Ce sera un gouvernement du parti socialiste, un gouvernement de minorité», a répondu Robles à une question sur si Pedro Sanchez envisageait d’inclure des membres de Podemos dans son cabinet.
Agé de 46 ans, le secrétaire général du Parti Socialiste Ouvrier espagnol depuis 2014, a prêté serment devant le roi Felipe VI au Palais de la Zarzuela en tant que nouveau chef du gouvernement espagnol après avoir renversé, par une motion de censure, son prédécesseur le Conservateur Mariano Rajoy au pouvoir depuis décembre 2011.
Impliqué dans l’affaire dite «Gürtel» que la justice espagnole considère comme étant «un authentique et efficace système de corruption institutionnel» à la suite duquel une trentaine de personnes – dont une douzaine de cadres du Parti de l’ancien chef du gouvernement espagnol – ont écopé d’un total de 351 années d’emprisonnement, le chef du Parti Populaire a été destitué à la suite d’une motion de censure déposée par le PSOE.
Jugé dans ce dossier en tant que «participant à titre lucratif» après avoir été reconnu coupable d’avoir obtenu des fonds de manière illégale, le Parti Populaire a été condamné à rembourser 250.000 euros.
Mais est-ce, pour autant, la mort politique de Mariano Rajoy ? Pas du tout, si l’on en croit l’historien et spécialiste de l’Espagne Benoît Pellistrandi qui reconnait que bien qu’ayant été beaucoup plus «fragilisé» par cette affaire de corruption qu’il ne l’avait été par la crise catalane Mariano Rajoy «tient son parti d’une main de fer».
Et si, avant le vote, l’ancien chef du gouvernement espagnol avait «concédé sa défaite» en déclarant que «c’est un honneur de quitter l’Espagne dans une meilleure situation qu’elle ne l’était», ce dernier, en vieux routier de la politique ayant survécu à une «mutinerie» au sein de son parti et à cette crise catalane qui avait effrayé toute l’Europe, pourrait aussi voir en la situation présente «une opportunité politique» qui lui permettrait, dans l’attente des prochaines élections, «de faire un travail de sape contre le parti socialiste et de remobiliser l’électorat conservateur» derrière lui.
L’historien Benoît Pellistrandi estime qu’il y aurait même une espèce d’alliance objective, quoique paradoxale, entre le PP et le PSOE dès lors que, dans les enquêtes d’opinion, tous les deux sont largement distancés par Cuidadanos et par le parti centriste et qu’à ce titre ils n’ont aucun intérêt à ce que des élections aient lieu en ce moment.
Après cette prestation de serment, le secrétaire général du Parti Socialiste Ouvrier Espagnol Pedro Sanchez aura donc la lourde tâche de former un nouveau gouvernement «avec sept formations politiques différentes dont les indépendantistes du Pays Basque et de Catalogne». C’est dire que celui que ses amis appellent «El guapepe» (le beau mec), et que la presse espagnole considère comme étant un «miraculé» – puisque déjà mort politiquement à deux reprises malgré ses 46 ans – aura bien du mal à constituer une équipe gouvernementale homogène.
Devenu, en 2014, secrétaire général du Parti socialiste ouvrier espagnol à la faveur d’une primaire dans laquelle, il faisait figure de «candidat pantin» et de «bon produit marketing» dépourvu de «substance», Pedro Sanchez serait, selon le journal «El Pais», «un obstiné» ayant essuyé moult échecs durant sa carrière.
Après avoir essayé en 2016 de briguer le poste de chef du gouvernement en s’alliant avec Podemos et les indépendantistes basques et catalans, Pedro Sanchez n’était parvenu qu’à s’attirer les foudres de son parti si bien qu’il sera forcé de démissionner le 1er Octobre 2016. Mais cette traversée du désert qui ne durera pas longtemps sera écourtée par sa victoire aux primaires du Parti de mars 2017; une victoire en demi-teinte car, d’un côté, «il n’avait pas de majorité pour gouverner» et, de l’autre, de nombreux militants du Parti socialiste ne lui faisaient pas confiance.
Cette investiture à la tête de l’exécutif espagnol va-t-elle permettre à Pedro Sanchez, à celui qui, d’après «El Mundo», «ne renonce jamais», de renaître de ses cendres et de constituer un gouvernement qui, bien qu’hétéroclite car comprenant des représentants de sept formations politiques différentes, pourrait permettre au pays de ne point sombrer dans d’éventuelles querelles partisanes ? Il est encore trop tôt pour en parler mais attendons pour voir…
Nabil Bousaadi