Le Maroc a réalisé en 2017 quelques avancées, avec en particulier une relative amélioration de la croissance et des équilibres macroéconomiques… Toutefois, le rythme du progrès reste lent et les réalisations demeurent à la fois en deçà des attentes, fragiles et tributaires de facteurs exogènes, a précisé Abdeltif Jouahri, wali de Bank Al Maghrib (BAM) lors de sa présentation du rapport annuel de BAM au titre de 2017 devant le Souverain.
Bénéficiant d’un environnement globalement favorable et de bonnes conditions climatiques, l’économie nationale a connu une nette accélération de la croissance, passant de 1,1% à 4,1% en 2017, a-t-il indiqué. Et d’ajouter que la valeur ajoutée agricole a rebondi de 15,4%, tandis que les activités non agricoles ont poursuivi leur reprise bien qu’à un rythme toujours lent. Au niveau des finances publiques, le déficit s’est allégé à 3,6% du PIB. Néanmoins, l’investissement privé reste faible malgré les incitations accordées et l’effort de la dépense publique, sensée lui servir de levier. Par manque de visibilité, les opérateurs économiques semblent adopter un comportement d’attentisme, réduisant ainsi les chances d’une reprise rapide de la croissance. Aussi, l’inflation a marqué un net ralentissement, revenant à 0,7%. Cette décélération est attribuable exclusivement au recul des prix des produits alimentaires à des prix volatils sous l’effet d’une amélioration de l’offre. Voici quelques extraits du discours du Wali de Bank Al Maghrib devant le Souverain.
Dette publique: le seuil de soutenabilité frôlé
Au niveau de l’administration publique, les marges de l’Etat s’amenuisent avec la tendance haussière de la dette qui atteint des niveaux qui frôlent le seuil de la soutenabilité et le niveau des salaires par rapport au PIB par tête est parmi les plus élevés au monde.
Emploi : des mesures fragmentées sans résultats tangibles
Concernant la problématique de l’emploi, nous assistons depuis quelques années à la mise enplace de multiples programmes et mesures fragmentés sans résultats tangibles. Plus récemment,les autorités ont entamé l’élaboration d’une stratégie nationale de l’emploi, laquelle a débouché sur un plan pour la promotion de l’emploi avec plusieurs objectifs, mais qui paraissent peu réalistes et qui ont besoin de mesures concrètes pour les atteindre.
L’accès à l’emploi ne constitue pas la garantie d’un niveau de vie décent. Près d’un actif occupé sur cinq n’est pas rémunéré, huit sur dix ne bénéficient d’aucune couverture médicale et parmi les salariés, les deux tiers travaillent sans contrat.
Compensation des produits pétroliers: quid des conditions de son déploiement?
La réforme de la compensation, considérée comme une expérience réussie dans la région, a été mise en œuvre dans un contexte favorable marqué par la baisse des cours du pétrole mais le suivi prévu des prix des carburants après leur libéralisation et les mesures d’accompagnement n’ont pas été appliqués. Près de cinq ans après son lancement, la tendance à la hausse des prix du pétrole la soumet à rude épreuve et remet à l’ordre du jour les conditions de son déploiement. Aujourd’hui, elle devrait être parachevée et généralisée dans le cadre d’une politique plus globale axée à la fois sur l’instauration de la réalité des prix, pour une meilleure allocation des ressources et sur le soutien aux ménages les plus démunis.
Régime de change flexible: la nécessaire discipline budgétaire
L’année a été également marquée par l’aboutissement d’un long processus de préparation de la transition du Maroc vers un régime de change plus flexible. Celui-ci a porté sur divers volets, notamment les cadres stratégique et opérationnel, la communication et l’accompagnement des opérateurs. La mise en œuvre de cette réforme entamée au début de l’année 2018 se déroule dans de bonnes conditions avec une appropriation par le système bancaire et les entreprises. Sa réussite à terme, tributaire de la préservation des équilibres macroéconomiques et de la discipline budgétaire, permettrait de soutenir la compétitivité de l’économie, de rehausser sa capacité d’absorption des chocs et servirait de levier pour les autres politiques macroéconomiques.
Régimes de retraite: l’urgence est de mise
L’augmentation des départs à la retraite accélère progressivement l’épuisement des ressources de la CMR et rappelle ainsi l’urgence d’entamer les étapes suivantes pour parachever le processus global de manière à assurer la pérennité de l’ensemble des régimes.
Revoir la gouvernance de la politique publique
Notre modèle de développement doit être revu et repensé pour une meilleure adéquation avec le contexte actuel et une meilleure réponse aux aspirations de la population. Il y a nécessité de renforcer la pratique de l’évaluation afin d’assurer une mise en œuvre adéquate des réformes et les faire aboutir dans les délais impartis pour en maximiser le rendement. Il est recommandé de rehausser la transparence du processus de prise de décision aussi bien au niveau central que local et de lier davantage la responsabilité à la reddition des comptes tout en conditionnant la liberté individuelle par le respect de celle d’autrui et des lois.
Fairouz El Mouden