Le Potentiel

Par : Abdeslam Seddiki

Avec un revenu national annuel par habitant de 3000$ (à peu près 28 000 DH), le Maroc se classe dans la catégorie des PVD à revenu  intermédiaire tranche inférieure. C’est une position dans laquelle il s’est durablement installé depuis des décennies en l’absence d’une dynamique qui viendrait bouleverser les structures existantes et mettre le pays sur un sentier de croissance durable.

Mais cela ne viendrait pas d’une façon spontanée tant il est vrai que le développement est un acte volontariste et un processus «révolutionnaire» englobant l’ensemble de la société dans ses structures  économiques, sociales, politiques et culturelles. Car, on ne le dira jamais assez, le développement ne se réduit pas à un simple acte d’accumulation du capital et des richesses. Il se mesure par la qualité de la  vie des citoyens et le niveau du confort- matériel et culturel- qu’il leur rassure.

Cette situation de pauvreté apparente du pays ne traduit pas tout le potentiel qu’il recèle.  Chose à laquelle des économistes de renommée, à l’instar de Charles Bettelheim, Paul Baran,   Aziz Belal et d’autres,  ont prêté attention depuis longtemps en distinguant par exemple l’épargne et le surplus économique. Alors que l’épargne, qui devrait se transformer en investissement, se limite à la différence entre le revenu réel et la consommation courante, le surplus (économique) a un contenu beaucoup plus riche.  Il est obtenu par la différence entre la production susceptible d’être réalisée moyennant le plein emploi des ressources disponibles ou  mobilisables d’une part et la consommation nécessaire à la reproduction sociale d’autre part.

Cette dernière exclut toute consommation ostentatoire et toute forme de gaspillage !! Vu de la sorte, le surplus s’avère un concept révolutionnaire car il nécessite des actions portant sur la transformation  des structures économiques, des comportements sociaux et des mentalités individuelles. On devine ainsi toute la différence entre l’épargne et le surplus : elle peut aller du simple au double !!

La pauvreté n’est finalement pas une fatalité. A l’inverse, le miracle ne tombera pas non plus du ciel. Il faut puiser les solutions  dans  notre intelligence collective  et dans notre volonté inébranlable à utiliser au mieux nos ressources  au bénéfice des citoyens. A  titre illustratif,  je me suis intéressé aux occasions perdues  suite à une mauvaise gouvernance ou à une mauvaise affectation des ressources existantes.

Ainsi, le faible taux d’activité des femmes, ne dépassant pas 24%, se traduirait par un manque à gagner de 10% du PIB ;   la corruption serait  à l’origine d’une perte de 7% du PIB pour notre pays ; la pollution occasionne une perte de 3% du PIB, autant que les accidents de circulation et les accidents de travail, soit 9% au total. Par ailleurs, une récente étude du  Conseil Supérieur de l’Education, de la Formation et de la recherche Scientifique  portant sur «l’école de la justice sociale» (mai 2018) a montré que «le potentiel perdu en raison des inégalités dans l’éducation est évalué à 45.8% en 2015» au niveau du développement humain. Ce qui correspond  à une part non négligeable  du PIB eu égard à la corrélation  entre productivité et niveau de formation de la population. Ne parlons pas du coût du non Maghreb évalué par le FMI à plus de 3% du PIB. Malheureusement, dans ce cas, l’édification  du Maghreb ne dépend pas que du Maroc. Elle est plutôt bloquée du côté du Palais El Mouradia !! Faisons le compte : on arrive à un manque à gagner de plus de 50%  du PIB qu’on pourrait mobiliser dans un délai n’excédant pas une législature en agissant essentiellement sur le mode de gouvernance et la moralisation du monde des affaires.

Imaginons ce qui va se produire par la suite : tous les indicateurs macro-économiques vont connaitre une réelle embellie.  Le revenu per capita grimerait à 4500$, le taux d’endettement  se réduirait à 40%, les ressources fiscales doubleraient au moins pour s’établir à plus de 400 milliards DH donnant à l’Etat suffisamment de moyens pour investir dans le social,  la masse salariale ne serait plus une contrainte et le pays serait en mesure de renforcer le nombre de fonctionnaires  qui est actuellement à un niveau trop bas par rapport  aux besoins du pays, le chômage se limiterait à son taux naturel  de 5-6%. Bref, le pays dans son ensemble retrouverait la sérénité nécessaire et renouerait avec la confiance dans ses capacités créatrices pour émerger sérieusement.

Un rêve ? Oui, il est permis de rêver. C’est par le rêve collectif de tout un peuple que notre pays avancera. L’histoire des peuples est riche d’enseignements à cet égard !!

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