Quand les trois religions monothéistes cohabitent en symbiose

Il est midi trente. Le ciel est un peu nuageux et l’océan, serein. Rien ne perturbe la tranquillité de ses vagues et les regards tendres et enthousiastes posés par les estivants sur la Cité portugaise de Mazagan. Ce bout de terre a un charme singulier et séduisant. On laisse filer le temps en exposant son visage au soleil et la brise fraîche qui souffle paisiblement sur El Jadida, la ville côtière à l’histoire millénaire et ancestrale.

En flânant dans la cité, l’odeur si spéciale de la mer portée par le zéphyr réveille toutes les sensations ensommeillées dans les tréfonds de la mémoire. Le visiteur de la forteresse de Mazagan est frappé et fasciné  par son  fossé et ses remparts solides avec une architecture unique au style manuélin, mais aussi cette cohabitation entre les trois religions monothéistes, à savoir le Judaïsme, le Christianisme et l’Islam qui a marqué la ville pendant des siècles.

En outre, la spécificité de cette ville réside dans le fait d’être un carrefour des cultures européenne, marocaine, africaine qui se reflète dans l’urbanisme, l’art culinaire, l’urbanisme, l’architecture et l’art de vivre. «Moulay Abderrahmane ben Hicham, qui figurait dans une peinture de Eugène Delacroix, a reconstruit toute la forteresse de Mazagan  y compris les églises. Et si Sidi Mohamed Ben Abdellah avait permis aux Portugais de porter l’immobilier religieux, Moulay Abderrahmane avait restauré entre 1823 et 1825 la forteresse, les remparts,  les bastions, les maisons,  les bureaux et toutes constructions y compris les églises», nous explique Aboulkacem Chebri, directeur du Centre d’études et de recherches sur le patrimoine maroco-lusitanien.

La Cité des lieux de culte et de tolérance par excellence…

Cette petite forteresse recèle 4 églises, à savoir l’église paroissiale de Notre-Dame-de-l’Assomption, qui s’est transformée aujourd’hui en théâtre du quartier. Ce joli bâtiment a été imaginé et conçu dans un style manuélin, et a été construit lors de l’extension de la Citadelle en 1541. D’autres églises ont été construites par la suite. Elles meublent la Cité, notamment l’église-de-la-Miséricorde et l’église de Notre-Dame-de-la-Lumière, à  l’entrée, à droite, collée au bastion Saint Esprit. Dans le nord du bastion, se trouve la petite église chapelle de Saint-Sébastien. Selon l’archéologue, conservateur principal des monuments historiques et sites archéologiques, ce sentiment religieux a été très fort chez les Portugais comme chez les Marocains.

Quand Moulay Abderrahmane avait reconstruit la forteresse, il a décidé de la baptiser Al Jadida (la neuve). Il a choisi de faire vivre à l’intérieur de cette Citadelle les musulmans et les juifs marocains. D’après le conservateur, Moulay Abderrahmane a bien restauré l’Eglise paroissiale portugaise avec son clocher, sa charpente de bois et même les niches de statues… En outre, sur le côté latéral de l’église, il a construit la mosquée. «Le minaret de la mosquée ne serait autre que la tour de contrôle qui représentait l’autorité militaire portugaise parce que c’est là où on contrôlait tout l’espace, c’est là où il y avait le signal», précise Aboulkacem Chebri.

Une cité sans Mellah !!!

A l’époque, les juifs étaient présents en force dans la cité. D’ailleurs, une synagogue située à côté de l’église espagnole le témoigne. «La cité portugaise de Jdida aujourd’hui  n’a jamais été  un Mellah. Il y avait des juifs marocains de pure souche qui vivaient à l’intérieur de la cité portugaise, mais ils n’étaient pas seuls parce qu’ils étaient avec leurs frères musulmans. Ils vivaient !  Chacun avait pris une maison. En plus, on pouvait trouver un juif entouré de trois musulmans, comme on pouvait trouver un musulman entouré de trois juifs, pas comme les médinas de Meknès, Rabat, Fès, Essaouira  où  nous avions dans un angle ce que nous appelons Mellah, un lieu exclusivement réservé aux Juifs où on pouvait entrer et sortir, mais où les autres habitants ne pouvaient vivre», affirme le membre du Comité du patrimoine mondial d’origine portugaise (WHPO), Aboulkacem Chebri.

Existe-t-il une cohabitation entre les trois religions au sein de la Cité?

Selon lui, quand on parle de cohabitation, il y avait plus de Chrétiens et l’église était présente, mais il existait la mosquée et la synagogue de l’autre coté de la Citerne à partir du 1825. «En vérité, moi en tant que chercheur, je ne parle jamais de cohabitation entre les juifs marocains et les musulmans marocains du 19e siècle à la 2e moitié du 20e siècle parce que c’est nous qui l’appelons cohabitation, mais eux ils menaient leur vie tranquillement !  Ils n’avaient pas cette notion de cohabitation», indique-t-il. Et d’ajouter : «On trouvait à l’époque une juive voisine qui allaitait un bébé d’une musulmane et vice-versa. Aujourd’hui, on pourrait parler de tolérance, mais pas avant, parce qu’ils menaient leur vie paisiblement et naturellement », fait-il savoir.

La Cité portugaise de Mazagan est aujourd’hui un bijou et témoigne sur la terre marocaine d’un style architectural unique et d’un héritage humain universel  qui résiste contre vents et marées. Cette Cité  mérite une place si importante dans les chantiers et les programmes des décideurs afin d’en faire un levier de développement et une source génératrice de revenus.

DNES à El Jadida Mohamed Nait Youssef

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