A un an de son échéance, le PPIEM traine dans les tiroirs

Quatre ans depuis son adoption, la «Politique publique intégrée de protection de l’enfance au Maroc» (PPIEM) n’est pas toujours mise en œuvre.  A un an de son échéance, ce dispositif élaboré sous le gouvernement Benkirane pour la période (2015-2020), en vue de fédérer tous les acteurs impliqués dans la protection de l’enfance, traine encore dans les tiroirs.

Najat M’Jid, experte internationale des droits de l’enfant, dénonce ce stand-by, dont l’une des causes serait le «turnover ministériel» et l’instabilité gouvernementale ayant marqué la période post-électorale de 2016-2017.

C’est en 2013, qu’a été lancé le processus d’élaboration du PPIEM. Objectif : concrétiser les dispositions de la constitution de 2011 en matière de protection des enfants Maroc. Et surtout, succéder au Plan d’action national de l’enfance (PANE) (2006-2015) et corriger sa principale défaillance, à savoir la faible protection de l’enfance. En effet, selon l’évaluation à mi-parcours de ce dispositif en vigueur pendant 9 ans, sur ses 10 objectifs initiaux, le 3e objectif relatif à la protection de l’enfance au Maroc n’a pas été atteint.

Entre les ambitions du Maroc, les efforts déployés et les résultats accomplis, il y’avait un énorme décalage. Le PPIEM, élaboré dans un contexte favorable, deux ans après l’adoption de la constitution de 2011, un an après la ratification par le Maroc du 3e protocole additionnel de la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) sur la procédure de communication (2012)et la célébration du 20e anniversaire de la ratification par le Maroc de la CIDE (2013), visait donc à relever ce challenge.

Après un processus participatif ayant engagé tous les acteurs concernés (gouvernement, collectivités locales, médias, ONG, UNICEF, parlementaires, secteur privé…) pendant plus d’une année, le document a été entériné officiellement en 2016. Même si un budget lui avait déjà été consacré dans la loi des finances de 2016, avec à la clé un Programme national de mise en œuvre, le PPIEM n’est toujours pas activé.

Les défis de protection de l’enfance restent légion. Interrogée sur le sujet lors d’une conférence sur les «migrants mineurs» organisée récemment par 2M, Najat M’Jid, experte internationale en droits de l’enfant, explique ce retard par l’instabilité gouvernementale qui a suivi les élections de 2016, année où le PPIEM a été adopté. «Vous connaissez le turnover ministériel qu’il y’a eu, l’instabilité gouvernementale qu’il y’a eue. Depuis, nous sommes restés en stand-by. Maintenant, les choses reprennent doucement», explique-t-elle. Si ce programme est placé sous la houlette du Chef du gouvernement, le blocage dans sa mise en œuvre ne serait pas de son seul ressort.

Il impliquerait différents départements ministériels, estime l’experte, puisque « la protection de l’enfance ne relève pas uniquement du ministère du développement social, mais engage d’autres départements ministériels». Selon l’experte, la mise en œuvre dudit dispositif est urgente, puisqu’il intègre plusieurs volets, dont l’aspect juridique, qui est très sensible et délicate dans la prise en charge et la protection des mineurs. En effet, en matière de protection des enfants, les acteurs impliqués dans la protection de l’enfant seraient par exemple confrontés au défi du logement des mineurs en errance. Les associations auraient d’énormes difficultés pour les loger, puisque cela pose le problème de la responsabilité légale, explique Najat M’Jid. Sans oublier que jusqu’à l’heure actuelle,  en l’absence de la mise en œuvre de cette politique, les initiatives en matière de protection de l’enfance restent éparses et éparpillées, ce qui limite leur efficacité. Ajoutée à cela, l’absence de statistiques sur le nombre d’enfants en besoin de protection, pour une meilleure concrétisation des objectifs de protection des enfants marocains.

En effet, le PPIEM se décline en 5 principaux objectifs, notamment le renforcement du cadre légal de protection des enfants et de son effectivité, la mise en place des dispositifs territoriaux de protection de l’enfance, la standardisation des structures et des pratiques. S’y ajoutent la promotion des normes sociales protectrices des enfants, la mise en place de systèmes d’information et de suivi-évaluation. Le PPIEM cible les enfants, les familles et les communautés. Il repose sur les principes directeurs fondamentaux inhérents aux droits de l’enfant tels que stipulés dans le CIDE et la constitution marocaine et les principes opérationnels, notamment une approche holistique, la coopération, la coordination et la redevabilité des acteurs (politiques, économiques, sociaux…) en charge de la mise en œuvre de ladite politique.

Danielle Engolo

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