Attendons pour voir…
Nabil EL BOUSAADI
Lorsqu’en Août dernier, les Talibans s’apprêtaient à prendre le pouvoir en Afghanistan, ils avaient promis que le régime qu’ils allaient mettre en place, cette fois-ci, serait différent et beaucoup moins strict que le précédent qui avait été en vigueur de 1996 à 2001 et durant lequel les femmes étaient obligées de porter la burqa, ne pouvaient quitter leur domicile qu’accompagnées par un homme et, par conséquent, n’avaient ni le droit d’étudier ni celui de travailler.
Or, il n’en est rien, aujourd’hui, et ce ne fut là qu’un slogan creux puisque ce dimanche 26 décembre 20121, le ministère afghan de la promotion de la vertu et de la prévention du vice – un, au demeurant, titre très significatif – a publié une « recommandation » affirmant que toute femme désirant voyager, sur une distance d’au moins 45 miles soit 72 kilomètres, doit impérativement être accompagnée par un homme de sa proche famille et appelant tout conducteur d’un moyen de locomotion public ou privé à ne faire monter à bord de son véhicule que des femmes portant le « voile islamique ».
Force est de reconnaître, toutefois, que cette directive n’est pas la première du genre puisqu’elle est intervenue quelques semaines après que ce même ministère ait intimé aux télévisions afghanes l’ordre de ne plus diffuser de « feuilletons et séries à l’eau de rose dans lesquels des femmes » jouent et d’obliger les femmes journalistes à porter « le voile islamique » avant d’apparaître à l’écran sans préciser, néanmoins, s’il s’agit de ce simple foulard que portent la plupart des femmes afghanes ou d’un voile plus couvrant du genre burqa.
Parmi les autres recommandations émises par ce même département ministériel figure également l’interdiction d’écouter de la musique à bord des véhicules et dès samedi dernier, les talibans avaient érigé des barrages en certains point de la capitale pour en informer les automobilistes
Au début du mois de décembre, un décret au nom du leader suprême du mouvement a demandé au gouvernement de faire appliquer les droits des femmes sans, toutefois, évoquer leur droit à l’éducation et dimanche dernier, Abdul Baqi Haqqani, le ministre afghan de l’éducation supérieur a été plus précis en signalant que l’« émirat islamique d’Afghanistan » – nom qu’ils donnent, désormais, à leur gouvernement – n’est pas « contre l’éducation des femmes mais contre la co-éducation » des garçons et des filles ensemble, donc contre la mixité. Il ajoutera, plus loin : « Nous travaillons à construire un environnement islamique dans lequel les femmes pourraient étudier (…). Cela pourrait prendre du temps».
Or, bien que dans quelques provinces, pour montrer leurs bonnes « dispositions » à l’égard des femmes, les autorités locales ont consenti à rouvrir les écoles aux filles, nombreuses sont celles qui ne peuvent toujours pas y aller de peur qu’une nouvelle directive ne vienne leur imposer d’être accompagnées par un mâle de la famille comme sous le précédent régime des Talibans.
Tous ces faits vont pousser Heather Barr, de l’ONG Human Rights Watch a déclarer à l’AFP que « ce nouvel ordre va fondamentalement (…) plus loin dans cette direction qui fait des femmes des prisonnières » avant d’ajouter que les talibans sont en train d’offrir au monde « une image très très sombre » de leur appréhension des droits des femmes.
Ainsi, en dépit de ses promesses initiales, le régime des talibans est en train de procéder à un durcissement de sa politique envers les femmes dont les libertés se réduisent jour après jour. Jusqu’où ira-t-il ? Assez loin dans l’enfermement des femmes, certainement, mais attendons pour voir…