Arménie:La rue réclame le départ du Premier ministre

Nabil El Bousaadi

Aux cris de « Nikol est un traître » et de  « Nikol va-t-en ! », ce sont plus de 10.000 arméniens qui, ce dimanche, en brandissant des drapeaux de l’Arménie et du Nagorny Karabakh ainsi que des photos des soldats tombés au front, se sont retrouvés dans le quartier de la capitale où résident le Premier ministre Nikol Pachinian et les membres du gouvernement.

Objectif, dénoncer l’accord de cessez-le-feu jugé « catastrophique » conclu sous l’égide de la Russie le 9 Novembre dernier après les six semaines d’affrontements meurtriers qui se sont déroulés dans le Haut-Karabakh entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan.

La manifestation de ce dimanche constitue le plus grand rassemblement de l’opposition arménienne depuis la conclusion de cet accord de paix qui, tout en ne mentionnant pas le sort réservé aux civils arméniens, désormais, considérés par Bakou comme étant des « colons illégaux », a consacré de manière définitive la victoire de l’Azerbaïdjan grâce au soutien indéniable des miliciens syriens déployés par la Turquie.

Or, même si Nikol Pachinian – dont le « courage » face à une « décision très difficile mais nécessaire » a été salué par Vladimir Poutine – assure avoir signé ce « douloureux » arrangement pour garantir la survie de l’Arménie et pour que la totalité de la région ne puisse pas tomber sous le contrôle de l’Azerbaïdjan, le résultat est que le Nagorny Karabakh en est sorti amoindri puisque ce sont quelques 2.000 soldats russes qui ont été déployés dans la région pour assurer la sécurité du corridor de Latchin, désormais unique point de passage entre le Nagorny Karabakh et l’Arménie.

Si donc, d’une part, l’arrangement conclu sous l’égide de la Russie, a permis à l’Azerbaidjan de récupérer les trois districts de Latchin, Kalbajar et Aghdam qui faisaient partie de cette zone tampon autour du Nagorny Karabakh peuplée majoritairement d’arméniens qui avait fait sécession de l’Azerbaïdjan à l’issue du conflit qui avait opposé les deux pays en 1994, il a infligé, d’autre part, à l’Arménie « des blessures telles qu’il lui faudra plusieurs générations pour les guérir », dira aux journalistes de l’AFP, une manifestante, en larmes,  scandalisée par le fait que la « République d’Artsakh » – reconnue uniquement par Erevan – enclavée, désormais, dans les territoires reconquis par l’Azerbaïdjan, ait été réduite à peau de chagrin et que le petit corridor qui la relie à l’Arménie soit contrôlé par les forces russes pour une période d’au moins cinq années. En conséquence, pour cette manifestante, Nikol Pachinian serait « un cadavre politique » qu’elle n’a point « l’intention de suivre jusque dans sa tombe ».

Mais, en considérant, lors d’une allocution télévisée, que la priorité de son gouvernement est, plutôt, d’organiser le rapatriement des prisonniers de guerre et des dépouilles des 2.300 soldats et 50 civils tombés lors des combats, le Premier ministre arménien déclare n’avoir aucune intention de démissionner dans l’immédiat. Le fera-t-il, un jour prochain, sous la pression des manifestants ? Il est, certes, très difficile, au vu de la situation politique actuelle de l’Arménie, d’envisager que Nikol Pachinian puisse persister à faire la sourde-oreille à la clameur de la rue mais attendons pour voir…

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