L’élection présidentielle en Tunisie, dans ses résultats du premier tour, a provoqué un séisme chez tous les observateurs qui s’intéressent de loin ou de près à ce pays de l’Afrique du Nord qui connait une transition politique remarquée depuis l’évasion de Ben Ali, en janvier 2011, sous la pression de la contestation populaire.
La mort de Béji Caïd Essebsi, avant la fin de son mandat présidentiel, a certainement surpris ceux qui avaient la volonté de verrouiller le système électoral pour s’assurer un rôle de premier plan dans la suite des événements.
Des élections anticipées sont ainsi organisées avec 26 candidatures. Le vote des tunisiens de l’étranger prendra trois jours alors que celui des tunisiens à l’intérieur se fera le dimanche 15 septembre. Résultats : Un faible taux de participation qui est conséquent à «la non-crédibilité des discours politiques»; et, à la stupeur générale, deux candidats qui se situaient eux-mêmes en tant qu’antisystèmes, l’universitaire «sans appartenance politique» Kaïs Saïed et l’homme d’affaires «non encore tiré d’affaires» Nabil Karoui sont en tête du premier tour de l’élection présidentielle. Cette promotion suscite des interrogations, sans préjugés préalables, sur ce qu’il en sera de la jeune démocratie tunisienne. Qui vivra verra ?
A la même latitude, dans notre beau pays, on semble déjà s’interroger sur comment amenez les personnes à la participation ? En rendant le vote obligatoire pensent certains. Dans l’attente d’un remaniement ministériel qui prend son temps, le discours ambiant répond en réclamant l’obligation d’avoir accès à l’emploi, à la santé, à l’éducation, au logement décent… etc.
Ce discours ne prend pas en considération l’état asymptotique dans lequel se trouve le processus démocratique; à la limite, il en est inconscient. Sa préoccupation est pour le présent; elle revendique hautement sa part légitime dans les réalisations et les avancées déjà acquises.
Il faut dire que le néolibéralisme pratiqué n’a pas réussi à transformer les individus en les aliénant au besoin de consommer, et en chaque instant, toujours plus. Les inégalités perçues et vécues maintiennent la revendication sans pour autant que chaque personne devienne un militant de la cause populaire. Une revendication sourde ou formulée ; constatée mais non prise en charge.
Le coût social de la libéralisation est reconnu, sous des dénominations diverses, par tous les acteurs politiques et socioéconomiques. L’abandon par l’État de ses fonctions sociales qui s’affirme par la marchandisation tout azimut, la dégradation constante (fût-elle subjective) des conditions de vie du grand nombre de la population, l’absence de plus en plus avérée des acteurs de la médiation sociale et le dénigrement incessant des organisations politiques contribuent au malaise et délégitiment l’action politique en la déconsidérant.
L’altération de l’intimité et/ou la perte d’un statut social servent à polir toutes les aspérités qui peuvent faire hérisser la peau d’une population dont la bipolarisation, en relation directe avec l’aggravation des inégalités, ne touche pas seulement la manière de vivre mais aussi la manière de penser.
La possibilité de lutter ne se situe plus dans l’engagement politique partisan mais se fait par le biais du réseau social comme si l’espace démocratique était un leurre. La perception des élus, des politiques est des plus mauvaises. L’absence décriée des intellectuels est au fait une non reconnaissance de ceux qui essayent de réfléchir sur les modalités de la transition démocratique en les intégrant au «système». La nostalgie imprègne le présent qui devient médiocre malgré les transformations sociales noircies par le désenchantement généralisé.
La dépolitisation, au fait, n’est qu’apparente et d’autres manières de faire la politique pointent du nez «seulement» pour prendre la défense des malheureux qui souffrent ! Les échéances électorales prochaines sont déjà en vue. Le remaniement gouvernemental envisagé permettra-t-il à certains de «prendre du recul pour mieux sauter» ? La participation massive du corps électoral pourra-t-elle se faire et remettre la consolidation du processus démocratique dans tous ses aspects à l’ordre du jour ?
Car toute politique ne peut avoir qu’une finalité, celle du partage et de l’ambition de mieux faire et de mieux être pour l’ensemble de ses compatriotes. Ici et ailleurs, l’espoir est de mise; barcha!