Benabdallah : « Les mesures prises par le gouvernement sont insuffisantes, isolées et dénotent de sa faiblesse »

Rencontre-débat à l’initiative de la Fondation Lafqui Titouani

Très suivie par une assistance nombreuse et avertie, une rencontre- débat, organisée mardi soir 31 mai à Salé, à l’initiative de la Fondation Lafqui Titouani a réuni les Secrétaires Généraux du Parti du Progrès et du Socialisme, Mohammed Nabil Benabdallah et du Parti de l’Authenticité et de la Modernité, Abdellatif Ouahbi, qui ont dû répondre à une série de questions pertinentes posées par deux journalistes.

Toutes les interrogations qui préoccupent au plus haut point l’opinion publique ont été en effet abordées, lors de cet échange intense et courtois entre les deux responsables, dont la flambée des prix des carburants et des produits de consommation et des services de base, l’insuffisance de l’argumentaire gouvernemental et des mesures prises, le retrait du code pénal du parlement, l’interdiction faite aux associations d’ester en justice, le renouvellement des élites politiques, le sort du processus démocratique outre le déficit de confiance en la politique, la situation des libertés publiques et individuelles, le rôle de la presse et de nombreuses autres questions.

Nabil Benabdallah : Les orientations du nouveau modèle de développement ne figurent pas dans la déclaration gouvernementale

Tout en saluant l’initiative des organisateurs de ce débat, le Secrétaire Général du PPS a souligné qu’elle offre l’occasion « très rare » de discuter de toutes les questions qui fâchent dans le but ultime de servir le pays et défendre l’intérêt et les droits des citoyens.

Après avoir évoqué le processus de formation du gouvernement actuel, au lendemain des élections du 7 octobre 2021, il a rappelé que ces échéances ont été marquées par des pratiques (utilisation excessive de l’argent) qui ont nui à la société dans son ensemble et approfondi encore plus le fossé entre les citoyennes et les citoyens d’une part et la politique d’autre part. Elles ont porté atteinte notamment à la crédibilité des institutions et renforcé la perte de confiance dans les politiques.

Si, en théorie, ce sont les trois partis politiques qui ont remporté ces élections, qui forment ce gouvernement, en réalité des portefeuilles ministériels ont été accordés à des personnalités étrangères à ces partis, a-t-il dit.

Il a également relevé une série de contradictions qui marquent la déclaration gouvernementale à commencer par l’absence de toute  volonté de mettre en œuvre les orientations du nouveau modèle de développement (NMD), pris pour référence de cette déclaration.

Il en est aussi du sort réservé à l’Etat social, adopté comme slogan par le gouvernement, qui oublie qu’il s’agit d’un concept idéologique et philosophique beaucoup plus large et qui ne saurait pas être réduit à des mesures isolées.

Il a également reproché au gouvernement de se contenter de justifier ses mesures par la persistance de la guerre en Ukraine, les répercussions de la Covid-19 et les effets de la sécheresse, sans aller jusqu’à prendre des mesures globales et courageuses à la hauteur des défis qui se posent.

Quant à la question démocratique, elle est tout simplement ignorée au même titre que l’espace démocratique et des libertés ou le rôle des institutions élues en particulier au niveau local et régional, a-t-il affirmé.  

Il a également indiqué que le gouvernement a fait preuve de son incapacité à faire face à la flambée des prix et du coût de la vie et en particulier des carburants pour diverses raisons liées évidement aux fluctuations des cours mondiaux du pétrole et des produits de base. Et d’appeler le gouvernement à agir pour la remise en service de la raffinerie de pétrole LA SAMIR et à faire usage de toutes ses prérogatives pour réduire les impôts dont la TIC et inciter les sociétés qui contrôlent actuellement le marché des hydrocarbures à réduire leurs profits exorbitants.

A part les transporteurs, tous les autres secteurs n’ont pas bénéficié jusqu’à présent d’aucun appui, a-t-il ajouté, notant que les 10 milliards de Dirhams annoncés pour combattre les effets de la sécheresse ne seront pas financés du budget de l’Etat.

Répondant à une autre question relative aux enjeux du prochain congrès national du PPS, il a fait savoir que le parti aspire à en faire un point de départ vers de nouveaux horizons tout en restant fidèle à sa ligne idéologique, à ses principes, à ses valeurs et à son identité de parti gauche forgée tout au long des combats qu’il a menés et mène pour la libération et l’unité nationales et l’avènement d’une société de  démocratie, de liberté, d’égalité, de  justice et de dignité.

C’est pourquoi, il importe de ne pas réduire l’enjeu de ce rendez-vous à l’élection du Secrétaire Général, a-t-il dit, soulignant que le PPS recèle de nombreuses capacités à même d’assumer cette responsabilité. Tout en réitérant son vœu personnel de ne pas briguer un nouveau mandat, il a rappelé que la responsabilité politique dont il est investi par son parti lui impose de ne pas abandonner et remettre sans préavis les clés avant l’élection d’un SG qui fait l’unanimité de tous. Le 11ème congrès national du PPS est appelé à tout mettre en œuvre pour préserver l’avenir et l’identité du parti et le doter des outils requis pour continuer le combat pour la réalisation de son idéal et ses objectifs et jouer pleinement son rôle en tant que force de proposition au service du pays et qui force le respect de tous.

 Ouahbi : Le gouvernement entre contraintes et respect de ses engagements

Prenant la parole, le SG du PAM, Abdellatif Ouahbi, également ministre de la justice a indiqué que le gouvernement s’efforce de ne pas renoncer aux objectifs qu’il s’est fixé dans son programme, en dépit des contraintes auxquelles il est confronté (répercussions de la pandémie du Covid-19, sécheresse, guerre en Ukraine, flambée des prix à l’international, legs des anciens gouvernements).

Tout en soulignant que la majorité et l’opposition sont des partenaires du jeu démocratique qui se partagent la légitimité politique, il a indiqué qu’elles doivent jouer correctement leur rôle sans se contenter de critiquer de la part l’opposition le gouvernement sans proposer d’alternatives.

Si le gouvernement est appelé à prendre des décisions pour gérer les affaires, l’opposition doit émettre ses critiques sans prétendre que tout ce que fait le gouvernement est faux.

Il est revenu par ailleurs sur le legs des gouvernements qui se sont succédé depuis 2011, estimant que des dérapages ont été commis durant ces mandats et que le gouvernement actuel tente de surmonter à travers la mise en œuvre de son programme.

Selon le ministre de la justice, l’approfondissement du processus démocratique relève en premier lieu de la responsabilité des partis politiques, qui doivent être soutenus par le gouvernement.

Il a indiqué aussi que l’augmentation des prix est encore sous contrôle malgré la gravité de la situation au niveau international.

S’expliquant sur le retrait du code pénal du parlement, il a souligné la nécessité d’en élaborer une nouvelle mouture pour tenir compte des résultats d’autres réformes à réaliser au niveau du code de la procédure pénale, du code de la procédure civile, du code de la numérisation, des peines alternatives, de l’organisation judiciaire du pays, du parquet, de l’indépendance du pouvoir judiciaire etc. Le tout dans la perspective de préparer le terrain pour dématérialiser le travail des tribunaux et de parvenir à n’organiser que des procès virtuels dans le souci majeur de lutter contre la corruption, a-t-il affirmé.

Il a également fait savoir que son département œuvre pour la modernisation de ses méthodes de travail, allusion faite aux dernières décisions prises à l’encontre de nombreux cadres du ministère de la justice. 

 Evoquant le sort réservé à la presse, il a souligné la nécessité de renforcer l’organisation et la réglementation de la profession tout en oeuvrant pour la préservation de la liberté d’expression et lutter surtout contre la désinformation et les règlements de compte et les abus à travers les réseaux sociaux.

C’est d’ailleurs dans le sens de protéger les citoyens contre les abus de toutes sortes que le ministère de la justice a interdit à certaines associations de protection des consommateurs d’ester en justice pour permettre aux élus et aux responsables à différents niveaux de travailler en toute sécurité sans pression et menaces de la part des cadres de ces associations qui se sont transformées en maitres-chanteurs, a-t-il dit.

Exergues :

Mohammed Nabil Benabdallah :

L’Etat social est un concept idéologique et philosophique beaucoup plus large et qui ne saurait être réduit à des mesures isolées.

Les portefeuilles ministériels ont été accordés à des personnalités étrangères aux trois partis politiques formant ce gouvernement

Abdellatif Ouahbi :

Les contraintes auxquelles l’Exécutif fait face résultent des répercussions de la pandémie, de la guerre, de la sécheresse et du legs des gouvernements précédents

La majorité et l’opposition sont des partenaires du jeu démocratique qui se partagent la légitimité politique

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