Bilan du gouvernement à mi-mandat : «Le discours de satisfecit ne sied pas à une société ambitieuse»

Azzouz Senhaji sur MEDI 1 TV

A travers son exposé fleuve d’environ deux heures, mercredi 24 avril, devant les deux chambres réunies du Parlement, le chef du gouvernement Aziz Akhannouch a présenté le bilan à mi-mandat de sa majorité (RNI, PAM, Istiqlal), tout en affirmant que les réalisations «dépassent toutes les prévisions et attentes»… (sic).

«Un tel discours de satisfecit» qui brosse un tableau rose complètement détaché de la réalité vécue par les citoyennes et citoyens au rythme des augmentations incessantes des prix des services et des produits alimentaires et de la dégradation du niveau de vie «ne sied pas à une société ambitieuse qui aspire à un avenir meilleur et à des forces politiques et des institutions qui s’activent pour hisser leur pays parmi les grandes nations», a affirmé Azzouz Senhaji, membre du bureau politique du Parti du Progrès et du Socialisme, qui était l’invité, jeudi 25 avril de l’émission «Dossier spécial» diffusée sur la chaine MEDI 1 TV.

Un tel discours est loin d’être convaincant, compte tenu du fait que le gouvernement n’a pas réussi à honorer jusqu’à présent tous ses engagements définis dans son programme, a-t-il dit. Le gouvernement qui s’était engagé à réaliser un taux de croissance de 4%, n’a réalisé en 2022 qu’un taux de croissance de 1,3% et en 2023 un taux de croissance variant entre 3,2% et 3,4%.

En matière d’emploi, le gouvernement s’était engagé à créer un million d’emplois en cinq ans, soit 200.000 emplois par an, n’a pas pu atteindre de tels chiffres à travers ses différents projets (Forsa, Awrach et autres). Mais le pire c’est que le chômage a enregistré un taux record de 13% qui touche à présent non seulement les diplômés et les jeunes, mais également de larges couches de la population (3,2 millions de Marocains) qui ont chuté de la classe moyenne dans la pauvreté et la précarité. Toujours en matière d’emploi, quelque 12.000 PME ont fait faillite au cours des deux années.

Tout en saluant la comparution du chef du gouvernement pour présenter le bilan de sa majorité à mi-mandat et la portée d’une telle étape constitutionnelle, Azzouz Senahji a fait savoir que le PPS est en train d’élaborer une évaluation détaillée de ce bilan qui sera présentée ultérieurement dans un mémorandum.

En attendant, a-t-il dit, tout observateur est en mesure d’exprimer son point de vue, d’autant plus que les données chiffrées, diffusées régulièrement par des établissements et des institutions publics ne manquent pas.

A ce propos, il est donc possible de faire une évaluation préliminaire en partant d’abord du programme gouvernemental avec ses dix engagements et en comparant les réalisations avec les prévisions de ce programme.

Il a également indiqué que le PPS, tout en exprimant ses critiques et observations et en attirant l’attention du gouvernement sur ses défaillances et lacunes, il (PPS), en tant que parti qui pratique une opposition nationale, démocratique, constructive et responsable, avance le plus souvent des propositions et des solutions alternatives. C’est le cas de la lettre ouverte du parti au chef du gouvernement et tous ses documents et memoranda rendus publics.

Outre ce premier élément qu’est le programme gouvernement, il est indispensable de tenir compte de la réalité et de l’impact effectif des politiques et des mesures prises sur le vécu quotidien des citoyennes et des citoyennes ainsi que sur les plans économique, social, culturel et démocratique, a-t-il expliqué.

Dans ce contexte, Azzouz Senhaji a attiré aussi l’attention sur l’absence totale de la dimension démocratique dans le discours du chef du gouvernement pour la simple raison, selon lui, « qu’aucune mesure en la matière n’a été prise durant les 30 premiers mois » de ce gouvernement. Et pourtant, personne ne peut prétendre que la démocratie ne fait pas partie intégrante des préoccupations des différentes forces du pays.

Selon Senhaji, il s’agit notamment dans ce domaine de la mise en œuvre saine et globale de la Constitution de 2011, de la comparution périodique et respectueuse des dispositions de cette Constitution du chef du gouvernement devant le Parlement, de la prise en considération et du traitement des observations et des propositions de lois de l’opposition et de la communication sereine et continue avec l’opinion publique pour l’éclairer sur les objectifs des décisions et des initiatives gouvernementales. Une telle action à caractère démocratique est indispensable pour rétablir la confiance des citoyens dans leurs gouvernement et institutions et assainir le climat général dans le pays, a-t-il estimé, ajoutant qu’il s’agit aussi d’autres dossiers en rapport avec la justice sociale et spatiale. Selon le HCP, a-t-il dit, 82,5% des ménages déclarent, au premier trimestre de l’année en cours, une dégradation du niveau de vie au cours des 12 derniers mois et leur perte de confiance dans les décisions du gouvernement pour redresser la situation.

Selon Sanhaji, l’importance de rétablir la confiance des citoyennes et des citoyens revêt une grande importance non seulement pour qu’ils adhèrent aux projets et participent aux différentes échéances électorales, mais également pour qu’ils prennent part à la vie publique dans le but d’immuniser l’effort de développement déployé.

Il a reproché dans le même ordre d’idées au discours gouvernemental de se servir le plus souvent de la conjoncture nationale et internationale (Crise du Covid, guerre russo-ukrainienne, sécheresse, séisme d’Al Haouz) pour se justifier.

Après avoir rappelé que personne n’ignore les défis inhérents à cette conjoncture, il a fait savoir que tous les gouvernements qui se sont succédé au Maroc ont été confrontés à des conjonctures déterminées. Tous les gouvernements dans le monde sont investis pour gérer les affaires de leurs pays et tenter de les résoudre. Et c’est là la raison même de tout gouvernement qui ne doit pas se servir de la conjoncture qu’il affronte pour se justifier.

Mieux encore, l’actuel gouvernement n’a pas à se plaindre constamment de la conjoncture. Au PPS, l’on considère même que plus la conjoncture est difficile, plus il y a d’opportunités exploitables pour mettre en œuvre les réformes attendues. Pour le PPS, toute situation négative comporte en elle des éléments positifs, a-t-il dit, citant à titre d’exemple le séisme d’Al Haouz, une véritable catastrophe naturelle qui s’est transformée, grâce aux hautes orientations royales, en opportunité de réhabilitation et de reconstruction des zones sinistrées et de toute la région.

La conjoncture dont parle le gouvernement a été marquée aussi par une amélioration des transferts des MRE et une augmentation importante des recettes du tourisme, a-t-il dit, tout en rendant hommage aux efforts déployés pour ce faire par le gouvernement.

Et sans vouloir minimiser l’action du gouvernement, Senhaji a rappelé que la génération de la couverture sociale et médiale est un chantier royal d’envergure auquel le PPS adhère depuis son lancement. Dans le cadre de l’effort déployé par le gouvernement, il importe d’œuvrer sans confondre rapidité et précipitation.

En matière de dialogue social, Senhaji a rappelé que le gouvernement n’a pas encore mis en œuvre certaines dispositions de l’accord social du 30 avril 2022 et qu’il est de l’intérêt du pays d’apaiser les tensions, de traiter avec maturité la question des enseignants suspendus sur fond des grèves précédentes et de rouvrir le dialogue avec les étudiants pour rechercher une solution à la crise dans les facultés de médecine et de pharmacie.

Interrogé à propos de la gestion de la crise du stress hydrique du pays, Senhaji n’a pas hésité à louer l’effort du gouvernement, rendu possible grâce à l’important budget de 143 millions de dirhams alloué pour la première fois au secteur et qui a permis de construire cette première autoroute de l’eau, a-t-il dit.

Il a toutefois estimé qu’une réforme de la politique poursuivie en matière d’utilisation des eaux mobilisées dans le cadre notamment de la mise en œuvre du PLAN MAROC VERT et de son prolongement « génération green ». Il a affirmé dans ce cadre que 87% des eaux mobilisées servent à l’irrigation de certaines cultures destinées surtout à l’exportation à l’image de l’avocat, des pastèques et melons et autres, alors que le pays n’assure pas son autosuffisance alimentaire. Il ne produit pas autant d’aliments que la population marocaine en consomme. Une grande partie des produits consommés est importée, malgré les efforts d’investissements importants réalisés dans le cadre du Plan Maroc Vert pour que le pays puisse assurer sa sécurité alimentaire.

Après avoir souligné dans ce cadre que la politique agricole poursuivie depuis des décennies n’accorde aucun intérêt aux petits agriculteurs et à l’espace rural en général, Azzouzi a souligné la nécessité pour le pays de procéder à une refonte de cette politique dans le but de mettre fin à l’épuisement des ressources hydriques disponibles. L’idéal pour le Maroc est de se doter d’une politique agricole adaptée et au niveau de ses atouts naturels et de ses ressources hydriques, une politique qui prenne en considération les changements climatiques et la sécheresse structurelle que connait le pays.

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