Brahim Akhiat, père du mouvement culturel amazigh, nous quitte

Le fondateur du mouvement culturel amazigh au Maroc a été accompagné à son dernier repos par l’ensemble du tissu politique et associatif marocain

Le mouvement culturel amazigh est en deuil. Brahim Akhayat, l’un des pionniers de ce mouvement a été inhumé jeudi dernier au cimetière des Chouhada à Rabat. Les funérailles se sont passées dans une atmosphère solennelle. La classe politique, les représentants des différentes associations du mouvement, et autre amis et proche ont assister à la procession funéraire. Notons la présence du chef du gouvernement, Saadeddine El Othmani, celle du secrétaire général du PPS Nabil Ben Abdallah. Celui-ci a déclaré qu’il a eu «l’honneur de travailler avec Brahim Akhayat, alors que j’étais ministre de la communication, sur le projet de la chaîne Tamazight dans des conditions, ma foi, difficiles, mais nous avons réussi à faire les premiers pas de ce grand projet qui s’installe dans la durée. Peu de gens savent les efforts que ce Monsieur, ce pionnier, a déployé pour la cause Amazigh dans notre pays. J’avais pour lui un grand respect. Nous avons perdu en lui un des symboles de l’action nationale sérieuse».

Pour sa part, l’intellectuel Ahmed Assid, grande figure du mouvement amazigh au Maroc a estimé «qu’avec la perte d’Akhayat, nous avons perdu l’un des fondateurs du mouvement culturel amazigh, que ce soit au niveau du discours ou à celui de l’organisation. Il a été le fondateur de la toute première association amazighe au Maroc. Il a grandement contribué à l’établissement d’un dialogue national sérieux et responsable autour de l’amazighité. Il a pu en outre encadrer une génération de marocains dans l’esprit du respect de la diversité et pluralité culturelle. Il a participé avec force au grand projet de démocratisation culturelle et identitaire dans notre pays».

De son côté, Ahmed Boukous, Président de l’Institut Royal pour la Culture Amazighe, parle du défunt en ces termes, «Si Brahim Akhayat est le doyen du mouvement amazigh. Il est le fondateur du mouvement par la création de l’association de recherche et d’échange culturel. C’est un militant de la trempe que nous ne retrouvons plus aujourd’hui. Il a beaucoup donné de son temps et de sa santé pour cette grande cause. Un grand militant et un grand citoyen qui se battait pour l’idée d’union de tout les marocains dans leur diversité».

Avec cette perte, c’est tout un pan de l’histoire de la culture amazigh au Maroc qui disparait. De l’avis de tous, Akhyat a été l’exemple du militant droit et franc et juste. Son parcours riche inspirera des générations de militants.

Mustapha Bourakadi

 

***

DECLARATIONS

Réalisée par Mohamed Nait Youssef

 

Ahmed Boukous, recteur de l’IRCAM

«Brahim Akhiate a consacré toute sa vie à la promotion de l’amazigh»

«Brahim Akhiate est le fondateur du mouvement culturel amazigh au Maroc. Il a été l’initiateur de la première association culturelle qui est l’AMREC. Il a consacré toute sa vie à la promotion de l’amazigh. Il a sacrifié aussi sa vie professionnelle, car il aurait pu être un grand cadre, étant donné qu’il a fait des études scientifiques. Il a travaillé dans une entreprise, mais en réalité tout son tempsa été accaparé par le travail associatif en faveur de l’amazigh.  Il a également sacrifié un peu sa famille.

Sa demeure était ouverte jour et nuit aux militants du mouvement culturel amazigh. Il a été le principal instigateur de la création de l’association Université d’été d’Agadir. Il a été le promoteur de la création du premier noyau constitué d’étudiants qui a réfléchi sur la question culturelle au Maroc. Le défunt a toujours eu le souci de faire la jonction entre le milieu  étudiant, intellectuel amazigh et  la  société, notamment chez les migrants du  Souss à Casablanca, Tanger, Rabat  et  Fès. Ce rôle était capital dans la conscientisation des Amazighs immigrés en ville. Brahim Akhiate a été aussi à l’origine de la création  d’autres associations. Et ce qui caractérisait son action, c’est sa position unitaire et nationale. Il a toujours  considéré que la question  amazighe est une question nationale qui concerne tous les citoyens marocains arabophones et  amazighophones. Akhiate a tout fait pour réaliser aussi la jonction avec les partis politiques progressistes qui ont été en mesure de comprendre la portée de la question culturelle. Le PPS a joué un rôle très important. Je le dis et je le répète : c’est  une organisation qui  a ouvert ses portes à ces militants et à  ces dirigeants et le travail s’est toujours réalisé dans une entente cordiale. Brahim a sacrifié sa vie pour la cause amazighe. Il a apporté sa détermination et son sens critique pour faire avancer  les choses. Il est l’un des piliers dans la création de l’Institut Royal de la Culture Amazighe. Au nom de l’Institut et de celui de tous les collègues de l’administration et des chercheurs, je peux dire que nous avons tous perdu un grand homme».

Abdellatif Ouammou

«Notre pays a perdu une plume importante»

Le départ de Brahim Akhiate est une perte pour le monde associatif et les domaines de la culture et du militantisme au Maroc, a écrit Abdellatif Ouammou sur sa page Facebook. Son nom a été associé à l’Association Marocaine pour la Recherche et l’Echange Culturels (AMREC) depuis sa création dans les années 60 du siècle dernier, a-t-il  déclaré. Tout au long de son parcours de militant, le défunt a fait montre de compétence communicationnelle et de capacités de gestion à travers différentes expériences en matière de militantisme, a souligné Ouammou. Le regretté, a-t-il ajouté, fait partie des fondateurs de l’Université d’Eté d’Agadir en 1979 dont il a été le président de la commission organisationnelle pendant quatre  éditions (1980, 1982, 1988, 1991). Il a été élu premier coordinateur national  des associations amazighes au  Maroc (1993-1996), ainsi que président des travaux du Congrès mondial  amazigh qui s’est  tenu dans la ville de Lyon en France en 1999. Le défunt a contribué à la création du groupe Ousmane en 1974. Une perte immense pour le domaine de la production culturelle et intellectuelle, a-t-il déclaré. «Notre pays a perdu une plume importante dans le domaine de la poésie et de la  prose. Parmi ses œuvres littéraires et culturelles, figurent «Tabrat» (la lettre) en amazigh en 1992, le livre «pourquoi  l’amazighité » en 1994, le livre «l’amazigh notre identité nationale» en 2007…», a t-il fait savoir. Ledéfunt a assuré entre autres la direction de la première revue amazighe marocaine «Amoud» dont le premier numéro a vu le jour en avril 1990. Brahim Akhiat a occupé le poste de directeur du journal «tamounte» dont le premier numéro  est  sorti  en février 1994.

 

Ahmed Assid, activiste amazigh

«Un homme d’organisation et de dialogue s’en va»

Brahim Akhiate est l’un des piliers et fondateurs du mouvement amazigh marocain. Il est aussi l’un des militants dela première heure depuis les années 60. En 1965, il a décidé de réunir autour de lui des universitaires et des commerçants intéressés par la question identitaire et conscients de la marginalisation de la culture et de l’identité amazighes dans la  société. Il a ainsi réussi à créer en 1967 le premier cadre associatif qui est l’AMREC. Il a commencé à militer pour convaincre de la nécessité de reconnaitre l’amazighau Maroc. Il l’a fait par les revues, ensuite en distribuant des calendriers et l’alphabet tifinagh.  Il a créé l’université d’été à Agadir avec d’autres militants d’Agadir. Le défunta initié un débat national avec les partis politiques. C’était quelqu’un qui croyait au dialogue, au débat et à la nécessité d’un débat  national afin de convaincre l’élite partisane et la classe politique du pays, surtout sur la question amazighe. D’un autre côté, c’était un homme qui organisait bien les choses. Quand on voulait organiser un colloque, il réunissait tous les éléments nécessaires sans oublier bien entendu d’orienter l’équipe sur les taches à accomplir. Brahim savait saisir l’occasion pour développer un nouvel article qui reflète les revendications du mouvement. C’est grâce à lui que la charte d’Agadir a vu le jour. A l’époque, il a réuni les 6 associations qui existaient à l’époque et elles ont élaboré ce papier. Il a aussi réussi à créer la première troupe de musique qui a modernisé la musique amazighe, Oussmane. C’était un nouveau commencement pour la chanson amazighe. Il a été également à  l’avant-garde des actions du militantisme amazigh au Maroc. Brahim Akhiat a joué un grand rôle dans le mouvement amazigh.

 

M’hamed Sallou, chercheur à l’IRCAM

«Brahim Akhiate est parmi les fondateurs du mouvement amazigh. Le militant  et  l’activiste a tout  donné à l’amazigh parce que c’est  que c’est  lui  qui  a  préparé le terrain pour plusieurs associations  amazighes. Il avait soutenuentre autres des chercheurs, écrivains et intellectuels dans le domaine de la recherche et dela pensée amazighe.  Personnellement, après mon retour de l’Union soviétique, il m’aadopté comme un grand frère ou un père. Il m’a ouvert les portes de l’association à Rabat, ainsi que le journal édité par l’AMREC. Il m’a accompagné dès mes premiers pas dans ma carrière professionnelle. C’est un grand homme, généreux qui aime sa patrie et qui a contribué entre autres  pour le mouvement amazigh, un mouvement démocratique, pacifique, civil».

Mohamed Handaine

Le commandant Brahim Akhayate ou l’abnégation pour une cause

Parler des leaders historiques est difficile, parce que on ne sait  pas où on va commencer à parler de leur pluralisme et de leur charismes. Pour le commandant Ibrahim Akhiat ce n’est pas une personne ordinaire, c’est une personnalité exceptionnelle. Il est impossible de suivre son itinéraire personnel. Comment il a pu accomplir tout ce qu’il a accompli en un temps qui n’est pas compatible avec les années de sa vie. Ce sont des qualités des leaders historiques qui font de grandes choses en peu de temps.

Nanav avaras ivzif ura agga izday nzdar

Ils ont dit: « La route est longue. »Nous répondons nous pouvons y arrivé

Comme cela est le cas pour les dirigeants Brahim Akhiat n’a pas sa propre vie personnelle, sa famille, sa maison sont au service de sa cause : Tamazight, sa vie est inséparable de la lutte pour Tamazight, et était convaincu, son discours n’a jamais changé. Il est parmi les leaders amazighs les plus clairvoyants.  Il a consacré sa vie à la cause de la Tamazight. Alors que Tamazight est devenu officielle en 2011, Brahim Akhiat devenu paralysé suite à un accident cérébral, mais avec un gain de cause.

L’histoire retiendra le nom de Brahim Akhiat comme l’un des grands hommes du Maroc contemporain. Les Marocains doivent reconnaitre cet homme en baptisant  son nom dans les institutions publiques et les instituts supérieurs pour être un symbole du patriotisme marocain.

Moha Moukhlis

Brahim Akhiate n’est plus

Le pionnier de la revendication amazighe au Maroc, Brahim Akhiate, n’est plus. Il s’est éteint en silence, loin des feux des projecteurs. Il fut tenace. Il avait une ambition et un rêve : la reconnaissance officielle de son identité – notre identité- amazighe dans toutes ses dimensions. C’est un homme discret et pragmatique. Qui inscrit ses actions dans le cadre du respect des institutions de son pays. Il avait raison. Le temps lui a donné raison.Feu Dda Brahim est un fédérateur. Dans le cadre des manifestations de l’Université d’Eté d’Agadir, depuis les années quatre-vingts, il a tenu à associer et impliquer tous les Amazighes : Rif, Atlas central et Sous. C’était sa conviction, en dépit des tracas qu’il a subis de la part des autorités qui lui signifièrent de s’occuper uniquement du Sous. Il a résisté. La «Charte d’Agadir», document essentiel de la littérature du mouvement amazighe lui doit énormément.Joignant la parole à l’action, il a sollicité le soutien des Amazighes de bonne volonté, pour publier des recueils de poésie amazighes, soutenir les actions des militants et revigorer le travail associatif amazighe. Dda Brahim est un fédérateur : il était conscient de la dimension transnationale de l’amazighité. C’est dans ce sens qu’il a accordé une importance au combat amazighe en Libye, en Algérie, et aux Iles Canaries.Il a acculé les cadres politiques et les ONG marocaines des droits de l’Homme en les invitant à un dialogue national serein. Il resta fidèle à ses positions. Feu Dda Brahim fut membre du Conseil d’Administration de l’IRCAM. Et dans ce cadre, son souci majeur fut la défense des cadres associatifs amazighes. Avec conviction. Il nous a légué un témoignage écrit, édité : «L’amazighité tel que je l’ai vécu ». Un témoignage pour notre histoire. Dda Brahim a consacré sa vie pour l’amazighité. A nous de reprendre le flambeau.Que son âme repose en paix.Nos sincères condoléances à sa familles, ses proches et au mouvement amazighe.

Related posts

Top