Brahim El Haissan fait «l’éloge de la trace»

Essaouira

« L’Eloge de la trace » est la thématique d’une exposition exceptionnelle de l’artiste plasticien et critique d’art, Brahim El Haissan, dont le vernissage a eu lieu, lundi à l’espace emblématique « Dar Souiri » à Essaouira.

Organisée par l’Association Essaouira-Mogador, cette exposition individuelle offrira au grand public, parmi les passionnés des arts, l’occasion de découvrir et d’apprécier les nouvelles œuvres réalisées par M. El Haissan durant la période allant de 2017 à 2021.

Dans une déclaration à la MAP à cette occasion, M. El Haissan a expliqué que ses œuvres, qui trônent sur les cimaises de la salle d’exposition Tayeb Seddiki, font ainsi l’éloge de la trace « avec une approche chromatique différente et renouvelée qui s’étend à une expérience chromatique antérieure », ajoutant que celle-ci « puisait essentiellement dans la pensée visuelle des nomades. Une pensée à laquelle, elle a emprunté certaines caractéristiques esthétiques et symboliques, ainsi que d’agréables coïncidences de la vie quotidienne, notamment lors d’étapes ou d’escales pendant les voyages ».

En général, a-t-il enchaîné, « elle regorge de traces et artefacts chromatiques mitigés », soulignant que « les sites et les dialogues spectraux s’échangent au rythme de la multiplicité des textures et supports, et où vivent des matériaux de teintures du terroir notamment l’indigo avec sa splendeur bleue foncée, ainsi que le brou de noix, les encres, les matières de mixage et d’aggravation ainsi que d’autres médiums expressifs simples qui partagent la production de sens et de plaisir visuel ».

Pour l’écrivain et critique d’art, Hassan Laghdach, « l’artiste-peintre Brahim El Haissan se consacre à l’exploration des questions esthétiques en tant que critique d’art accompli. Son travail repose sur une thématique qui constitue un point-carrefour entre de nombreux champs épistémologiques ».

En effet, « le thème de la trace nomade est adossé au statut de la mémoire et de l’oubli, au patrimoine matériel et immatériel ainsi qu’au fonctionnement du palimpseste, une question que Brahim El Haissan ne cesse d’expérimenter selon une démarche heuristique et inter-picturale à géométrie variable », explique M. Laghdach.

« Ici, la trace ne renvoie nullement aux vestiges en tant que reliques archaïques, ou quelque symbole totalement tombé en désuétude. Elle n’évoque pas non plus quelque débris que le temps aura oblitéré pour que n’en subsiste que ruine regret et désolation. Bien au contraire, la trace, chez Brahim El Haissan, parce que vivante, comporte mouvement et rythme. Elle est l’œuvre d’une anthropisation qui transforme le déjà là sous l’effet d’une activité sublimatoire », fait-il remarquer.

« Il s’agit surtout d’une nomadisation de signes réinventés dans un style qui rend tout mysticisme contenu dans la nostalgique comme dans l’expérimenté chromatique de l’indigo », a-t-il dit, faisant constater que « l’expérience de Brahim El Haissan dirige notre regard à l’extérieur des limites de l’œuvre exposée, une sorte d’invitation à une forme de prééternité riche en significations muettes ».

De son côté, l’écrivain et chroniqueur d’art, M’barek Housni, estime qu' »ici, la trace n’est pas frappée de mutisme, elle scintille de signification. Elle parle en se faisant sentir dans ce qu’elle a de constitutif, ce qui la distingue de ce qui est fixé ou imperturbable ».

« Elle susurre son langage dont le lexique est une certaine accointance de couleurs et de procédés, et dont le résultat est réfléchi d’avance », note-t-il.

Et de poursuivre qu’ »elle n’est pas un reste d’un passage où d’un événement qui ne tire pas à conséquence. Juste un infime ajout aux objets préexistants. Mais un fait avéré devant l’œil qui ne peut que le fixer et qui l’admire presque malgré lui. Quand le fait prend l’aspect de l’œuvre ».

« L’artiste avait appelé cela la trace nomade. C’est-à-dire douée d’une +personnification+ à l’égal de l’homme. Désormais, ce thème, Brahim El Haissan ne s’en départit pas et continue à creuser toutes ses possibilités cachées ou apparentes », écrit le chroniqueur.

« L’éloge de la trace, voilà un titre d’exposition qui laisse pensif. Peut-on proférer des termes élogieux à ce qui est insaisissable? Dont la nature est de ne pas permettre l’acquisition d’assez de temps pour au moins le contourner ? L’artiste semble détenir le secret, qui n’est bien entendu que l’approche artistique. Par les moyens de l’art », conclut-il.

En marge de cette exposition, il sera procédé à la signature d’un catalogue de 64 pages, réalisé par cet artiste-peintre, et regroupant des photos et des œuvres artistiques ainsi que des analyses réalisées par une pléiade de critiques et de chercheurs de renom.

Par ailleurs, une conférence-débat sera organisée, le 22 courant, autour de la thématique de « La ville et la question esthétique », avec la participation d’un parterre d’artistes et critiques d’art.

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