Centenaire d’Octobre à Casablanca: L’hypothèse communiste

Un anniversaire passé presque inaperçu, 1917-2017; comme s’il y a avait une pudeur, voire une honte à jeter un coup d’œil au rétroviseur. Dans le pays qui a vu naître ce qui fut considéré à juste titre comme l’événement majeur du XXème siècle cet anniversaire a été célébré dans une version minimale.

Dans le reste du monde, celui du moins que reflète  les médias dominants, le syntagme «révolution socialiste» relève du registre des gros mots. Des mots que les bienpensants  du politiquement correct ont banni depuis longtemps de leur dictionnaire.

Des générations entières, y compris dans les partis dits de gauche, ont ainsi grandi, au double sens du mot biologiquement et en termes d’ascension dans les postes et les appareils, sans profondeur historique, sans background et dans une indigence intellectuelle et idéologiquequi rappelle le célèbre titre de Roland Barthes  «le degré zéro». Avec, ici, cependant une signification littérale. Une génération sans mémoire. Cela me rappelle la situation des écoliers américains des années 1920 qui ont fait leur scolarité dans le cours de géographie avec la représentation d’un globe terrestre marqué par un espace vide au-delà de l’Oural, là, où il y avait l’Union soviétique.

On a corrigé artificiellement la géographie pour faire oublier idéologiquement l’histoire. Je ne peux m’empêcher ici de citer un souvenir personnel pour illustrer l’immense déphasage entre les générations à propos de la perception de la révolution d’octobre et son impact sur l’imaginaire des révolutionnaires. Début  des années 1970,  mon bac en poche, j’arrive à Rabat en pleine effervescence: la jeunesse estudiantine monte à l’assaut de la citadelle. Mon premier geste avant même  de régler les questions logistiques de mon installation fut de me rendre au Centre culturel soviétique pas loin de la gare Rabat-ville; l’adresse où règne aujourd’hui une marque «impérialiste» du fastfood (tout un symbole du temps écoulé). Après une brève visite, je me dirige vers le drapeau rouge que j’embrasse avec – je dirai aujourd’hui – un respect quasi religieux. Chaque génération a les mythes qu’elle mérite.

Cependant, notre journal dans le cadre  de sa mission d’information et son rôle d’animateur de l’espace politique et intellectuel avait proposé un dossier consacré à cet événement. Cette semaine (demain mercredi) c’est la section casablancaise du PPS qui déchire le linceul du silence qui étouffe le souvenir de la révolution d’octobre  1917 en organisant une rencontre-débat au siège du parti dans la grande métropole économique en invitant des cadres dirigeants du parti pour un échange autour  de la question qui reste certainement  rhétorique : la révolution d’octobre, quel héritage cent ans après ? Car la réponse hélas est déjà  dans les faits, dans la réalité qui fait notre quotidien.

Pour sa part, le quotidien français Libération a organisé dans ce sillage toujours, une rencontre à la fois originale et insolite réunissant dans les locaux du journal le philosophe Alain Badiou et Laurent Joffrin, journaliste, patron de la rédaction de Libération. Le premier  défend l’hypothèse communiste, le second, réformiste déclaré, défend l’option social-démocrate. Les remarques de ce dernier partent de faits issus de l’échec du communisme dans sa variante aussi bien stalinienne que maoïste.

Des arguments que réfutent Ain Badiou en se situant dans une perspective historique: si le communisme a échoué (l’expérience fut quand même de courte durée), l’hypothèse communiste reste entière «abandonner une hypothèse parce  que les toutes premières tentatives pour la valider n’ont pas été concluantes est une méthode for peu rationnelle…Heureusement que les ni les physiciens, ni les artistes n’ont pas adopté ce type d’arguments».

Ce qui plaide en faveur du maintien de cette hypothèse historique est l’échec du modèle social démocrate qui a tenté d’humaniser le capitalisme. Les principes de liberté et de démocratie chers aux sociaux démocrates sont devenus insignifiants, biaisés par les lois implacables du marché.

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