«Débat intellectuel et politique sur le référentiel du Parti et les transformations du terrain»

Préparatifs du XIe  Congrès national du PPS

Khalid Darfaf

Dans le cadre de ses préparatifs pour son XIe Congrès national et lancement du débat interne,  le Parti du progrès et du socialisme (PPS) a organisé, jeudi 3 février, une rencontre-débat autour du thème : «Questions intellectuelles et politiques entre le référentiel du Parti et les transformations de la réalité».

 Cette rencontre, dont la modération a été assurée par Mahtat Rakas, directeur de publication des journaux Al Bayane et Bayane El Youm et membre du Comité central du Parti, a vu la participation des membres du bureau politique, Aicha Lablaq, Abdelouahed Souhail et Abdelahad Fassi Fihri. Le débat s’est poursuivi par des échanges de vues et d’idées entre les conférenciers et plusieurs militants du Parti qui ont été nombreux à intervenir pour échanger avec les panélistes et exprimer leurs opinions.

Un Congrès avec une nouvelle perspective

En réaction à une question du modérateur, portant sur la particularité de ce Congrès et ce qui le différencie par rapport aux précédentes étapes organisationnelles,  Abdelouahed Souhail a considéré que tous les Congrès du Parti depuis sa création ont joui d’un haut intérêt aussi bien au niveau politique qu’organisationnel, mais le plus important pour lui, consiste à en tirer les leçons de l’étape actuelle et redéfinir les nouvelles missions du Parti.

Il faut dire, selon l’intervenant, que le prochain Congrès aura une importance cruciale dans l’histoire du Parti vu qu’il aura lieu après 20 ans de participation dans la gestion de la chose publique et ce depuis le gouvernement d’alternance en 1998, alors que le Parti se positionne maintenant dans les rangs de l’opposition. Il ne faut pas omettre, a-t-il insisté, que le PPS  a été toujours  acteur clé dans l’échiquier politique national, surtout  durant  ces dernières années.

Toutefois, après plus de 10 ans de l’adoption de la Constitution 2011, le moment est venu pour établir un bilan minutieux et se poser les questions portant sur les nouvelles missions du Parti afin de développer son action et l’ancrer davantage dans le tissu social en soulignant que le document intitulé : «Dans la perspective des préparatifs du XIe Congrès national : pistes de réflexion et de débat»,  pose les jalons d’une rénovation des outils de travail du Parti et son mode de fonctionnement. «Nous voulons construire un Parti pour affronter les défis de l’avenir», a-t-il noté.

Prenant la parole, Aicha Lablaq, a déclaré que le PPS a toujours tenu à mener à bien ses préparatifs pour tous ses Congrès, en considérant que le document d’orientation requiert l’implication de tous les militants et militantes du Parti qui entament les préparatifs en se dotant  d’une nouvelle approche, imposée par la conjoncture actuelle, soit un contexte ponctué par des préoccupations et des craintes quant au processus de la construction démocratique, la réalité des droits de l’Homme et  la justice social, entre autres.

Pour la militante du PPS, le document d’orientation qui s’inscrit dans le cadre du lancement du débat interne, vise, en premier lieu, à créer une dynamique au sein du Parti afin d’instaurer une convergence entre les visions tout en tenant compte des transformations sociétales. Cela étant, l’enjeu consiste à s’approprier  davantage l’identité de gauche. Surtout dans un environnement international marqué par le recul des forces de gauche face à l’hégémonie du courant libéral.

De son côté, Abdelahad El Fassi Fihri, s’est attelé dans son intervention sur les attentes par rapport au prochain Congrès du Parti, en mettant l’accent sur la nécessité du débat inter-militants afin d’aboutir à une idée cohérente, tout en insistant sur le fait que l’identité du Parti demeure la clé de solution pour plusieurs problématiques qui sont d’actualité. Le militant du PPS a appelé dans sens à une révision profonde des méthodes du travail du Parti en faisant preuve d’un sens de créativité au regard des mutations sociétales et les représentations péjoratives que font les citoyens du champ politique. Le conférencier a relevé dans ce sens certaines problématiques relatives au renforcement de la démocratie interne du Parti, la gestion des différences d’opinion tout en veillant à assurer  aux militants un espace de discussion et de liberté d’expression. De telles problématiques soulèvent également d’autres questions qui sont en lien avec la nécessité de l’unité du Parti, la discipline dans le cadre d’un organe politique unifié, que ce soit au niveau organisationnel ou idéologique.

Le PPS, un acteur incontournable

Sur un autre registre, Abdelouahed Souhail, en répondant à une question du modérateur portant sur l’utilité du PPS dans le champ politique, a mis en avant les raisons de la création du PPS, des raisons qui existent encore et légitiment sa continuité à travers l’histoire, en tant que pièce maitresse du champ politique national.  Il s’agit, en fait, de deux éléments importants qui sont liés à la conquête de l’indépendance et son intégrité territoriale et l’édification d’un Etat démocratique. Ces éléments sont toujours d’actualité,  mais suscitent des questions sur les responsabilités et les nouvelles missions du Parti. Ce dernier, en tant que structure politique influente au sein de la société a toujours rallié les rangs de la classe travailleuse, les paysans et les catégories laborieuses dans le dessein de bâtir une société où la justice sociale, économique, la dignité sont les mots d’ordre. Abondant dans le même ordre d’idées,  Abdelouahed Souhail a rappelé les combats du Parti pour le développement politique du pays. En termes plus clairs, le PPS est une école politique qui devrait être dotée des capacités d’encadrement des citoyens comme le dispose la Constitution 2011, a-t-il déclaré en substance. Le but escompté consiste à avoir plus de rayonnement et d’ancrage à l’échelle nationale et une forte présence au sein des catégories sociales. A Cela s’ajoute, en outre, une présence au sein des Communes locales, régions, Parlement et gouvernement afin de contribuer activement à l’élaboration des politiques publiques. «Il s’agit d’un combat idéologique, politique et morale, nécessitant  beaucoup de moyens, notamment humaines et ayant pour cap la construction d’un Etat démocratique…», a-t-il martelé.

Par ailleurs, Aicha Lablaq, a considéré que le prochain Congrès est une occasion propice afin de procéder à une évaluation de l’action du Parti dans la vie politique nationale, tout en rappelant les multiples contributions du Pati aux réformes qu’a connues le Royaume depuis le gouvernement d’alternance. Et de préciser que la participation du PPS à un gouvernement guidé par un Parti ayant un référentiel religieux a été faite sur la base d’une considération purement objective, celle de poursuivre et concrétiser la volonté de la réforme. Alors lorsqu’il s’est avéré que le gouvernement El Otmani a été incapable de donner un nouvel élan aux réformes, le Parti a décidé en toute autonomie de rallier les rangs de l’opposition, a-t-elle clarifié. D’ailleurs, a-t-elle indiqué, le Parti du Livre mène un travail remarquable au sein de l’opposition et fait preuve d’un grand sens de responsabilité.

En  s’attelant sur l’aspect idéologique, Abdelahad El Fassi a fait ressortir que cette  dimension est fondamentale pour l’existence des Partis car elle incarne leurs projets de société, dont ils sont censés défendre. Le débat idéologique est essentiel dans la vie politique et ceux qui ont prédit la fin de l’idéologie et la prédominance du Libéralisme ont tort, a-t-il répliqué. En témoignent la crise du système capitaliste de 2008, l’incapacité des Etats à affronter la question écologique, l’accentuation des inégalités sociales à l’échelle internationale, notamment entre les pays du Nord et ceux du Sud. De tels facteurs font que le socialisme doit être considéré comme une alternative, a-t-il indiqué. Cette ambition légitime nous oblige à redéfinir minutieusement ce concept tout en veillant à l’adapter à la réalité de notre pays et son patrimoine culturel. En termes plus clairs, l’intervenant a mis en garde contre les tentatives d’importation à l’aveuglette des expériences étrangères.

En termes plus clairs, l’attachement aux valeurs de gauche nous procure les outils pour résoudre plusieurs questions, surtout celles qui portent sur le rôle dans l’Etat dans l’économie afin de faire face à la thèse libérale, a-t-il souligné. Pour atteindre un tel objectif, la raison recommande à l’Etat de remplir sa mission à travers la mise en place des mécanismes favorisant l’émergence d’un secteur public fort et un tissu économique solide.

En parallèle, les forces de gauche sont appelées à se départir de certaines idées désuètes en procédant à une réconciliation avec l’idée de l’entreprenariat. Il va sans dire que l’entité de l’entreprise doit être un espace de création de richesse et d’emploie, loin de toutes les formes de la rente et des pratiques monopolistiques, a-t-il averti. Comme quoi, la responsabilité sociale des entreprises et l’implication des salariés dans l’élaboration des stratégies est une dimension sine qua de toute société qui se veut progressiste. Autres points non moins important évoqués par lui, concernent le soutien des petits producteurs, la consécration des valeurs de solidarité entre eux, la promotion de l’économie circulaire…Toutes ces questions font partie du registre idéologique, d’où la nécessité de définir avec précision notre vision de la société socialiste, a-t-il déclaré.

La question des Alliances et idéologie

S’agissant des questions des alliances, Abdelouahed Souhail a évoqué la faible communication entre les partis politiques, notamment de gauche, en estimant que le conflit des classes est une donnée capitale pour l’appréhension du champ politique. Assurément, la chute du système socialiste a favorisé à la fois l’hégémonie du capitaliste et l’émergence des courants fascistes dans certains Etats, tels la France, l’Epargne, l’Ukraine, la Hongrie, la Pologne, a-t-il poursuivi . Concernant le Maroc, la question qui se pose avec acuité porte sur la manière avec laquelle on doit procéder pour placer l’humain au cœur de tout projet de développement.

Il est certain qu’on ne va pas résoudre les problèmes de l’éducation et de la santé avec l’économie du marché, a-t-il souligné. Outre la promotion des valeurs de solidarité au détriment de ce qu’il a qualifié d’une « société des impôts », l’ancien ministre de l’Emploie a appelé à la consécration du processus démocratique, voie incontournable pour l’édification d’une société forte tout en invitant les militants à s’activer fortement sur tous les fronts afin de porter haut et fort la voix du PPS. D’une manière ou d’une autre, les militants sont appelés à renforcer les liens avec tous les mouvements sociaux, y compris les forces de travailleurs et syndicales.

Aicha Lablaq, pour sa part, a mis l’accent sur le fait que l’idéologie, en tant que système de valeurs est profondément liée à l’égalité et l’émancipation des gens, en faisant allusion au mouvement des femmes au Maroc. Pour l’ancienne députée  du Parti, le référentiel libéral ne mènera jamais vers un Etat social. D’ailleurs, la notion de l’Etat social tant scandé par le gouvernement est un slogan creux et vide de sens, a-t-elle noté, tout en citant comme exemple palpable l’injustice fiscale et  la loi des finances qui ne reflètent point cette orientation. Il va de soi que la question idéologique est un élément vital pour l’évolution des sociétés, dixit Aicha Lablaq, d’où l’importance des alliances politiques basées sur un socle idéologique commun et un projet de société unifié. Comme quoi, une alliance en bonne et due forme ne pourrait se faire que dans le cadre d’un pôle de gauche, progressiste voire moderniste et non pas à la veille ou au lendemain des élections. Qui plus est, les partis politiques de la gauche doivent s’ingénier à mettre en place les moyens pour le renforcement du front citoyen et social, a-t-elle dit avant de souligner que la Constitution 2011 constitue un véritable acquis pour les Marocains mais un long chemin reste à parcourir.  

Idem pour Abdelahad Fassi Fihri qui a mis en relief la nature des alliances devant être constitées par des partis ayant le même référentiel, ou encore le rapprochement avec les forces sociales et citoyennes.  «L’unité de la gauche ne pourrait se faire qu’à travers la mise en place d’un large débat et ce sans conditions préalables et dans le cadre du respect total et l’encouragement au débat entre les militants de base»,  a-t-il prôné. Pour l’ancien ministre de l’Habitat, les partis politiques sont censés créer une dynamique en appréhendant la question des alliances loin des visions purement électoralistes.

Une réforme constitutionnelle, est-elle nécessaire ?

Pour Abdelouahed Souhail, le Maroc dispose d’une Constitution avancée, élaborée sur la base d’une approche participative et une large consultation avec toutes les forces politiques. Cependant, le problème qui se pose aujourd’hui  porte essentiellement sur la mise en œuvre des dispositions constitutionnelles et l’activation de tous les mécanismes visant une application de ce texte, à commencer par la question de la séparation des pouvoir, la mise en place du principe de la corrélation entre responsabilité et redditions des comptes… Et seule une bonne application de la loi suprême du pays permettra aux Marocains de comprendre le rôle et le fonctionnement de chaque institution constitutionnelle, a-t-il fait remarquer.

Il faut dire, selon Aicha Lablaq que la Constitution 2011 est le couronnement d’un débat avec toutes les forces vives et les composantes de la société. Autant dire, que la loi suprême du pays a interagi positivement avec toutes les revendications des partis politiques et mouvements sociaux. Mais, le hic c’est que plusieurs dispositions de ce texte demeurent encore en suspens, a-t-elle regretté. Ainsi, la conférencière a tiré la sonnette d’alarme  sur la banalisation de la démocratie participative et la dévalorisation du rôle du Parlement en matière de contrôle de l’action gouvernementale, tout en exprimant ses craintes par rapport au rétrécissement de l’espace du droit et des libertés.

Quant à Abdelahad Fassi Fihri, il a considéré qu’il n’existe point une Constitution idéale. «La Constitution correspond au développement de la société dans un temps donné. Certains l’ont  considéré comme un texte avancé par rapport à la réalité sociale et politique, mais, il est néanmoins nécessaire d’œuvrer pour son activation de manière déterminante»,  a-t-il déclaré avec insistance. En sus de cela, l’Etat est appelé à élargir l’espace des libertés et des droits, le renforcement de la décentralisation, la consécration de l’égalité et l’opérationnalisation de la démocratie participative, le renforcement des mécanismes de l’efficience au sein des instances de gouvernance afin d’entamer un véritable progrès en matière de démocratisation,  a-t-il expliqué.

Grosso modo, le progrès politique ne peut se passer d’une compétition politique saine entre des pôles homogènes. Une compétition qui  doit être fondée sur des programmes et des alliances ayant un référentiel idéologique commun, afin de faire face à la pensée unique, notamment libérale. C’est en procédant de la sorte qu’on peut dire qu’on peut asserter qu’on a avancé dans le processus démocratie, a-t-il conclu.

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