Droit de grève
M’barek Tafsi
Il est insensé d’adopter cette loi organique, tout en maintenant l’article 288 du Code pénal avec toutes les peines qu’il comporte, a affirmé la députée, Nadia Touhami, membre du groupe du progrès et du socialisme, dans son intervention lors de la séance plénière consacrée mardi 24 décembre à l’examen et au vote du projet de loi 97.15 fixant les conditions et les modalités d’exercice du droit de grève,.
Selon ce sinistre article « Est puni de l’emprisonnement d’un mois à deux ans et d’une amende de 120 à 5 000 dirhams ou de l’une de ces deux peines seulement, quiconque, à l’aide de violences, voies de fait, menaces ou manœuvres frauduleuses, a amené ou maintenu, tenté d’amener ou de maintenir, une cessation concertée du travail,… ».
Pour le groupe du PPS, a-t-elle dit, l’élaboration et l’adoption d’une loi organique sur la grève doit s’inscrire en fait dans le cadre d’un contrat social, dans le but de rétablir la confiance et créer un climat positif entre toutes les composantes de la société, dans le service public et dans l’entreprise. L’étape requiert également que le gouvernement prenne des mesures fortes pour respecter les dispositions du code du travail à réviser, en plus de la promulgation de la loi sur les syndicats, avec la nécessité de contrôler la déclaration complète des salariés, et de lutter contre l’économie souterraine informelle.
Après avoir réaffirmé la disposition du groupe du progrès et du socialisme à contribuer à toutes les réformes dans un esprit positif, elle a souligné que l’on est aujourd’hui en face d’une responsabilité historique, sur une voie difficile mais nécessaire pour adopter une loi organique inhabituelle, attendue depuis des années et des décennies, à savoir la loi organique fixant les conditions et les modalités d’exercice du droit de grève.
Au groupe du progrès et du socialisme, on reste très enthousiaste de manière constructive pour couronner cet effort collectif d’un texte avancé en matière de droits de l’homme, qui constituerait une autre pierre angulaire dans l’édification démocratique, un texte qui garantit cet équilibre nécessaire entre l’intérêt de la classe ouvrière, et celui du service public, de l’entreprise citoyenne responsable, et de la société dans son ensemble.
C’est une tâche difficile et complexe, mais elle n’est pas impossible, tant que le Maroc a accumulé la maturité démocratique et institutionnelle nécessaire, ainsi que de solides expériences en matière de consensus, pour traiter les grands problèmes de société, a-t-elle dit.
Elle a également fait savoir que le groupe du progrès et du socialisme rend hommage à cette occasion au Conseil national des droits de l’homme et au Conseil économique et social, auxquels le groupe avait sollicité leurs avis consultatifs, pour leur implication active, comme d’habitude, dans cet effort national.
Elle a salué de même les partenaires politiques et sociaux qui ont contribué à lever les obstacles qui ont entravé l’étude de ce texte pendant des années, tant dans le cadre du dialogue social en tant qu’espace fondamental de délibération sur ces questions, qu’au sein du parlement.
Elle a salué de même le ministre pour son sens politique élevé, pour l’approche consultative et participative qu’il a adoptée, et pour l’écoute des propositions des composantes de la Chambre des représentants, car il n’est pas exagéré de dire que les discussions approfondies basées sur l’imprégnation de la culture démocratique, loin de la logique hégémonique numérique, au sein de la commission concernée par ce projet, devraient servir de modèle dans le travail législatif de la Chambre des représentants.
Elle a rappelé aussi que le groupe du progrès et du socialisme a présenté et continue de présenter des amendements fondamentaux visant à améliorer le projet, sur la base d’une approche fondée sur les droits, la lettre et l’esprit de la Constitution et les engagements internationaux du Maroc.
Elle a fait savoir que son groupe reconnait l’interaction positive avec un certain nombre de ses propositions, mais sans répondre à toutes les attentes, tout en soulignant qu’il est temps de rompre avec cette logique conservatrice, timide et parfois restrictive, qui a fait que l’on soit aujourd’hui devant une version hybride du texte ,et qui a, malheureusement, prévalu dans un certain nombre de dispositions .
Et d’appeler ensuite à remédier aux insuffisances relevées lors de la réunion d’aujourd’hui. Selon la députée, son groupe parlementaire nourrit encore de grands espoirs pour le succès collectif dans l’élaboration d’une loi de grève avancée en phase avec son temps, basée sur la véritable charge démocratique et sociale à laquelle le groupe du PPS aspire, qui préserverait le droit constitutionnel de grève, en tant qu’expression pacifique et civilisée de la protestation.
Compte tenu de la grande importance de ce texte et de ce moment historique, a-t-elle ajouté, il importe de parvenir ensemble, gouvernement et parlement, à une version qui bénéficie de l’approbation de tous, majorité et opposition.
Elle a souligné de même que son groupe a rejeté au sein de la Commission des secteurs sociaux ce projet de loi avant de rappeler que l’article 29 de la Constitution dispose que le droit de grève est garanti et une loi organique fixe les conditions et les modalités de son exercice. Par conséquent, l’essence de ce travail est de cadrer l’exercice d’un droit et non de l’enchaîner avec des dispositions contraignantes.
Il est donc nécessaire qu’au lieu de recourir à des retenues sur salaire pour raison de grève de donner la priorité à la compensation par des heures de rattrapage, à la déduction des jours de grève des congés annuels ou à tout autre mécanisme alternatif convenu, a-t-elle expliqué.
Il importe aussi d’habiliter les autorités publiques compétentes, pendant la durée de la grève, à prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger la grève et les grévistes.
Il est également nécessaire de supprimer toutes les dispositions et expressions qui donnent l’impression que la grève est une pratique accompagnée d’agression, de vandalisme, d’occupation des lieux de travail et de violence, tant que ces actes sont déjà criminalisés par d’autres lois en vigueur, et parce que la grève est par essence et par nature une pratique civique et pacifique.
Il est aussi préférable d’étendre les motifs de grève aux motifs indirects et d’accorder la priorité nécessaire aux conventions collectives, aux engagements contractuels, à la médiation et à l’arbitrage, toujours avant de recourir aux tribunaux d’urgence.
Il importe de même de parvenir à la résolution définitive et ininterprétable, dans tous les cas, de la garantie des droits des délégués des salariés et des organisations organisées et juridiques les moins représentatives dans l’appel à la grève, que ce soit dans le secteur privé ou public.
Dans le même ordre d’idées, il convient de renforcer le respect de l’indépendance des décisions des organes délibérants de toutes les parties appelant à la grève, aux niveaux national, territorial et sectoriel, de donner aux parties concernées le pouvoir de convenir librement de la période appropriée comme période de paix sociale, sans restrictions générales et enfin de ne pas imposer de délais en ce qui concerne le droit de reprendre la grève à tout moment en cas d’échec des négociations.
Il importe ensuite de faire de l’interdiction de remplacer les salariés en grève par d’autres salariés la règle de base, sans aucune ambiguïté, et en limitant autant que possible, et seulement dans des cas très impérieux, les possibilités et les instances multiples autorisées à remplacer les salariés en grève par d’autres.
Il est également nécessaire de réduire les catégories d’interdiction de grève, conformément aux normes internationales, tout en leur offrant des mécanismes alternatifs de la grève pour faire valoir leurs revendications, de regrouper et de réduire raisonnablement tous les délais, qu’il s’agisse de ceux relatifs à l’appel à la grève ou de ceux relatifs à la notification.
Il importe aussi de réduire le grand nombre gonflé de personnes impliquées dans l’annonce de la grève, afin d’éviter d’accabler la partie qui appelle à la grève.
D’une manière générale, a poursuivi la députée, le texte devrait être amélioré, car il contient encore un certain nombre de lacunes et est encore encombré de nombreux détails de procédure. Il contient aussi une augmentation injustifiée des articles pénalisants, bien qu’il ne s’agisse que d’amendes, donnant l’impression que l’on est en face d’une initiative législative répressive et non un cadre pour un droit constitutionnel.
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La Chambre des représentants adopte à la majorité du projet de loi organique
La Chambre des représentants a adopté, mardi soir, à la majorité, le projet de loi organique définissant les conditions et les modalités d’exercice du droit de grève dans son ensemble, tel qu’il a été modifié et approuvé par la Chambre, avec 124 voix pour et 41 contre.
Cette séance plénière, présidée par le président de la Chambre des représentants, Rachid Talbi Alami, a été marquée par l’examen d’un ensemble d’amendements, dont de nouveaux amendements qui n’ont pas été examinés auparavant au sein de la commission des secteurs sociaux à la Chambre des représentants.
Ces amendements concernent des propositions présentées par le ministre de l’Inclusion économique, de la Petite entreprise, de l’Emploi et des Compétences, Younes Sekkouri, et d’autres soumis par des députés parlementaires, dont la réduction des délais de notification de la grève dans le secteur public, le service public ou encore dans le secteur privé pour les professionnels.
Parmi les principaux amendements proposés par le gouvernement et adoptés figure l’intégration des travailleuses et travailleurs domestiques parmi les catégories concernées par le droit de grève.
Cette catégorie a été intégrée dans l’alinéa 2 de l’article 2 du projet de loi, qui stipule désormais que « la grève implique tout arrêt volontaire et collectif d’exercice de la profession ou du travail de la part des professionnels, travailleurs indépendants, personnes non-salariés et travailleuses et travailleurs domestiques, pendant une période déterminée, en vue de défendre un droit ou un intérêt lié à l’amélioration de leurs conditions professionnelles. »
Les amendements du gouvernement ont également porté sur la possibilité de recourir à la justice urgente pour suspendre temporairement une grève, en ajoutant un alinéa à l’article 20 stipulant que « les autorités publiques concernées peuvent saisir le juge des référés au tribunal compétent pour obtenir une ordonnance judiciaire en vue de suspendre d’une manière temporaire la grève, lorsque celle-ci menace l’ordre public ou interrompt le service minimum. »
Le projet de loi organique relatif à la grève a fait l’objet de plusieurs amendements au sein de la commission des secteurs sociaux à la Chambre des représentants, notamment l’abrogation des dispositions concernant l’interdiction des grèves par alternance et des grèves politiques, ainsi que la suppression de la mention « peine criminelle la plus sévère » des articles et des peines privatives de liberté.
Selon le rapport de la Commission des secteurs sociaux concernant ce projet de loi organique, le nombre d’amendements proposés par les différents groupes parlementaires s’est élevé à 334, tandis que le gouvernement a soumis 56 amendements.