Délais de paiement: Derrière les chiffres, la réalité

Les délais de paiement se réduisent, mais pas pour tous. Les petits fournisseurs continuent notamment d’en pâtir. Intervenant lors d’une rencontre organisée sur cette problématique, mardi à Rabat, le ministre l’Industrie, Moulay Hafid Elalamy, a reproché à certaines entreprises d’avancer l’argument des retards de paiement du marché public pour ne pas régler leurs fournisseurs. «Il faut arrêter d’exploiter cette mauvaise habitude du secteur public en la répercutant sur les PME et les TPE», a-t-il dit.

Son confrère des Finances, Mohamed Benchaâboun, abonde dans le même sens. «Nous attendons que le privé adopte des actions concrètes afin d’améliorer les relations inter-entreprises», a-t-il souligné. Ces reproches ne doivent pas cacher la réalité. Etat, collectivités territoriales et entreprises publiques doivent faire plus d’efforts pour apurer leurs dettes. Selon Mohamed Benchaâboun le délai global moyen de paiement des marchés publics a été réduit. Pour l’Etat, ce délai est passé de 58 jours en 2017 à 39 jours en 2018. Au niveau des collectivités territoriales, le délai de paiement a atteint 44 jours l’année dernière contre 58 jours un an auparavant. Chez les établissements et entreprises publics, le délai est passé de 78 jours à 64 jours.

Mais derrière ces chiffres, qui paraissent positifs, se cache une réalité plus nuancée.  Certaines administrations publiques refusent d’accuser réception des factures au moment de leur dépôt pour éviter de faire courir le délai de certification du service fixé à 30 jours. Pour Noureddine Bensouda, trésorier général du Royaume, ce type de pratique empêche la réforme d’atteindre pleinement les objectifs que les pouvoirs publics lui ont assignés.

Il n’y a pas que ces magouilles qui bloquent l’atteinte des objectifs escomptés.  Le retard au niveau de la publication de certains textes réglementaires constitue également un frein. Les délais sectoriels de transition et les délais spécifiques aux activités saisonnières et particulières n’ont pas encore été fixés.De même, l’arrêté fixant le nouveau montant des pénalités de retard tarde à voir le jour, comme l’a déploré le président de la CGEM, Salaheddine Mezouar. Dans l’ancienne loi, elles étaient fixées à 10%. Aujourd’hui, le gouvernement veut les aligner sur le niveau des intérêts moratoires qui varie autour de 3,5%, tandis que le patronat plaide pour un taux de 6%. L’ambition est de renforcer l’arsenal par des mesures plus dissuasives.

C’est dans cet état d’esprit que les finances s’apprêtent à lancer en mai prochain un dispositif de dépôt électronique des facteurs. Le dispositif, annoncé par Benchaâboun, concerne l’Etat et les collectivités territoriales.  Le département de l’Intérieur est également impliqué dans ce chantier à travers la mise en place de comités locaux de suivi des délais de paiement. C’est surtout le plan d’action 2019-2020 de l’Observatoire des délais de paiement qui est attendu. Cette feuille de route devra être validée lors de sa prochaine réunion prévue en mars prochain.

Bensouda rassure sur les finances publiques

Contrairement aux attentes, la réforme des délais de paiement n’a pas impacté négativement les finances publiques par un accroissement du montant des intérêts moratoires payés, comme l’a souligné le trésorier général du Royaume. L’année dernière, 15,5 millions de DH ont été versés contre 18,5 millions en 2017 et 12,5 millions de DH en 2016, dont 95% concernent les retards de paiement des marchés publics.

Hajar Benezha

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